L’air sent la neige avec Sarah Kirsch

Sarah Kirsch est une poétesse allemande hélas assez peu traduite en France. Née Ingrid Bernstein le 16 avril 1935 à Limlingerode, elle est  morte le 5 mai 2013 à Heide, titulaire de très nombreuses distinctions littéraires dont le prix Heinrich Heine, le Prix Pétrarque, le prix Hölderlin, le prix Georg Büchner. Malgré sa célébrité en Allemagne, elle est peu traduite en France.  Ayant publié ses premiers recueils lyriques en RDA où elle vit alors, elle est exclue de l’Union des Ecrivains en 1977 pour avoir soutenu Wolf Biermann et protesté contre son expulsion de la RDA. Elle passe alors en Allemagne de l’Ouest, voyage en France, séjourne longtemps à Rome, et finit par s’installer dans le Schleswig-Holstein, ce pays plat du nord de l’Allemagne qui a été célébré par le peintre Emil Nolde.   Son premier recueil lyrique puise son inspiration dans une sorte de romantisme dont les spécialistes disent qu’il est marqué par Novalis et Eichendorff, mais aussi Ingeborg Bachmann-qui est de sa génération, et qui elle aussi s’est longtemps installée à Rome

  • Il faut saluer les passionnés  qui ont traduit et  publié  une partie de son œuvre en français, sans avoir été suivis par les grands éditeurs.
  •  Terre / Erdreich, poèmes traduits et présentés par Jean-Paul Barbe, éd. le Dé bleu, 1988.
  • Chaleur de la neige / Schneewärme, poèmes traduits et présentés par Jean-Paul Barbe, éd. le Dé bleu, 1993.
  • amour de terre / erdenliebe, anthologie de poésie, trad. Marga Wolf-Gentile, Aix en Provence, l’Atelier des livres, 2020.
  • En revue: Pays de Géants, traduit de l’allemand par Marga Wolf-Gentile, Po&sie 2008/4 (N° 126), p. 42-46.
  • Amour de cygnes, lignes et merveilles, trad. Marga Wolf-Gentile, Po&sie 2018/3-4 (N° 165-166), p.

 Voici quelques poèmes de la dernière période de sa vie, traduits par Marga  Wolf-Gentille

« De l’enthousiasme m’assaille soudain dans le wagon-restaurant à la vue de mon plat pays familier. À partir de Glückstadt je suis toujours heureuse. Sur le plan vide ne se trouve rien hormis des pieux d’enclos et des taupinières. Les cônes sont nombreux dans cet hiver humide et d’une taille considérable. Du côté nord chacun est pourvu d’une poignée de neige. Cela confère à cette contrée un aspect bizarre précieux. Dans le patois du plat pays les travailleurs de la patte s’appellent Winnewup.

«  Pour comprendre quelque chose à la tempête ou pouvoir même en transmettre on doit être implanté à la frontière entre l’eau et la terre, là où elle se jette sur le monde, fraîche et dispose, venue tout droit de l’éther enfant céleste, chatouillée par de petites forêts – comme elle hurle de rire et me coupe d’emblée les pieds. »

« C’est le premier février et la glace sur l’Eider bruisse sous un de ces vents plus délicats une série d’ouragans brutes venant déjà de passer. La nuit a été claire, l’Orion l’épée pendu au ciel, la lune se lève à six heures cinquante-trois maintenant, alors depuis déjà un moment l’enfant se trouve dans le bus pour bien atteindre de façon ou d’autre l’école. Quelques heures plus tard le soleil consume le givre des prés, les moutons se tiennent debout dans un paysage d’argent et broutent l’herbe hivernale feutrée. »

« Sur la route c’est le paradis des neiges, congères, langues de neige avancées sur l’asphalte et des fossés comblés avec des roseaux fauves encore dedans, des traces de vélos de pas d’hommes et de lièvres coulées en bleu d’une façon différente selon la profondeur de l’empreinte la position du soleil bas. Des grives trop grandes gonflées dans l’allée noire inclinée vers le nord-est jusqu’à ce que plus tard que d’habitude le ramasseur de lait commence son voyage et que le bruit du tracteur se fasse entendre pendant longtemps n’arrivant pas à s’apaiser toujours encore suspendu dans l’air qui resplendit oscillant d’une ferme isolée à l’autre et redoublant à midi lorsque le tracteur revient avec des pots à lait qui sifflotent insouciants. »

« C’est une sensation agréable si tôt le matin de sortir loin devant sa maison quand les alouettes se trouvent dans l’air glacé occupées à chanter. Les fermes avec leurs lumières d’étable comme des bateaux amarrés elles gisent au loin dans la plaine et les portes en baillant en font sortir à tout instant des paysans charriant du fumier et on dirait déjà que les gelées ne vont plus durer maintenant. Si l’on possédait un petit cheval on pourrait le monter sans hésiter et sur la croupe de la digue suivre le cours du fleuve des jours durant sans penser au retour. Or, on va s’en retourner à pied à travers le brouillard troué accomplir ses devoirs. »

« C’est le moment où l’on taille les haies vives. Visibles de loin des blessures partout dans les différents arbustes les arbres rabattus et des tas légers de rameaux de branches s’assemblent dans les fossés. Les paysans ces brigands font une coupe grossière mais les bougres noirs écorchés le leur rendent encore toujours en printemps par une triple croissance ils se transforment en peignes à vent sur lesquels on peut de nouveau compter pendant un an. Lorsque les petites tronçonneuses de campagne font rage et crient leur passage se dessine clair éclatant en période sans neige et il faut qu’il gèle pour que ceux qui les actionnent aient le pied léger ne s’enfoncent, alors les journées s’allongent déjà d’un cri de coq et par-dessus les maisons des oies s’envolent loin dans les marais. « 

3 réflexions sur “L’air sent la neige avec Sarah Kirsch

    • MC j’ai bien écrit ceci: »finit par s’installer dans le Schleswig-Holstein, ce pays plat du nord de l’Allemagne qui a été célébré par le peintre Emil Nolde. » Or ce Schleswig Holstein est l’extrême nord de l’Allemagne, en frontière avec le Danemark. Ce sont ces paysages qu’elle décrit à la fin de sa vie.

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