Le 4 avril 1989
4 heures dans la nuit.
Le clocher de Sorèze sonne. Les rafales de vent dans cette vaste chambre nue, quasi inoccupée tout l’hiver, avec son prie-Dieu en moleskine cramoisie. L’air est froid, immobile. Les plis des draps grossiers sont humides, les rideaux lourds de velours frappé sont bordés de glands. Le lit en bois ciré sombre est si haut qu’il faut presque l’escalader. La cheminée de marbre supporte une petite vierge de plâtre qui ressemble à une sucrerie et une croix d’ébène avec un brin de buis desséché glissé derrière la tête d’ivoire du Christ.
Au -dessus, une aquarelle de la Montagne Noire avec des chiures de mouches sur le coin gauche de la vitre. Un lac pistache et quelques griffures d’encre brune. Le papier peint et ses bouquets de fleurettes est cloqué par endroit. Des traces de salpêtre au-dessus des plinthes à moitié décollées. Depuis deux heures, le lent coup de gong du clocher scande mon insomnie.
Des tentures de lin beige masquant un cagibi ont tourné au jaune pisse. Le halo de lumière du globe, opaline, laisse un pan d’ombre dans l’encoignure la plus vide de la pièce. Le son alourdi, profond, isolé du clocher semble vibrer dans les couches d’air froid et y stagner. Le silence nocturne coule ensuite plus épais, noir, vertigineux.
En me levant, approchant de la fenêtre, je discerne à travers les lattes des gros volets de bois, un curieux mélange de nuit, un obscur fouillis de larges feuilles de magnolia , une arborescence sauvage très dense, mal filtrée d’un vert cru électrique par le lampadaire de la ruelle . J’entends le souffle du vent d’Autan qui retombe soudain comme pour mieux me faire sentir les nappes figées de l’obscurité de cette chambre sépulcrale qui protège ma solitude et condense des vieilles pensées assez douces sur les prédécesseurs qui ont habité ici au XIX° siècle ; c’était une lignée austère de juristes ou magistrats. Sur le palier, un grand portrait goudronneux est suspendu sous la verrière . L’un d’eux est représenté en pied, dans sa longue robe rouge à grandes manches, à revers bordés d’hermine. Il appuie sa main gauche sur plusieurs volumes de droit reliés cuir. Il fut le conseiller de Guizot.
Je regarde le jardinet en contre-bas : des moellons et des tuiles cassées noir contre la muraille et quelques planches contre un début de porche emberlificoté dans du lierre. Je me souviens des étés lointains, avec les lézards gris et or immobiles au soleil sur les marches du perron. Mon ami -et sa femme qui ressemblait à Michelle Mercier- les propriétaires, passaient les après-midis entiers assis sur des fauteuils dépareillés Louis XIV au milieu de la pelouse, dans les taches lumineuses du magnolia ; ces deux-là restaient somnolents dans la lecture des journaux du coin, tandis que des oiseaux voletaient de branche en branche et que les quart d’heures sonnaient. La jeune femme commentait brièvement les faits divers les plus improbables en buvant un vin épais couleur sang de bœuf dans des verres à moutarde.
Le soir, quand je revenais d’une promenade dans la forêt si sombre qu’elle en apparaissait vosgienne, le couple attendait sous le magnolia aux feuilles vernies pour sortir les flutes et ouvrir le champagne. Ces étés radieux ont disparu. Cette demeure a été vendue il y a un an au département du Tarn pour devenir un espace culturel multiconfessionnel.

et ils ont mis des fenêtres en PVC blanc… Comme partout, comme je l’ai fait aussi… Comment retaper une vieille barraque, autrement ? quand la nostalgie n’y a plus sa place, n’est-ce pas plus facile… ?
Etait-ce bien à Mirandol- Bourgougnac ? Je ne saurais le dire, mais je me souviens aussi de cet été des années 80 avec Michel et Marie-Mag, où nous avions tant ri et chanté avant de filer en Toscane pour y achever l’été… Vos billets de souvenirs m’enchantent, PE…, ils réactivent des jours heureux, lumineux, bienfaisants, pleins de sérénité…
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oups…! – MIrandol Bourgnounac,… dans la vallée du Viaur…
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La Montagne Noire…. Daumal. (Suite) La pression se renforce sur le Professore qui avait emprunté indelicatement des dizaines d’années le manuscrit de la Grande Beuverie. On doit cela très peu à votre serviteur, et beaucoup au journaliste du Monde Aurélio Tonnet. Aux dernières nouvelles, Il Professore envisagerait de léguer le manuscrit à Doucet. Mais nous n’avons que sa parole, et le manuscrit appartenait au fils Daumal. Pour dénouer ce sac d’embrouilles,. Une offre honnête de la BN serait la bienvenue. En tous cas merci à Aurelio Tonet. Affaire à suivre…
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Les maisons. Comment garder leur âme alors même qu’il elles sont soumises aux mêmes lois que le vaisseau de Thesee.? Si de l’extérieur elles gardent une apparence trompeuse de continuité, Elles évoluent avec leur propriétaire. Telle qui ne voit quasiment plus, quêtant la lumière d’yeux presque morts, transformera les jeux de couleurs des tapisseries en un blanc universel, monochrome et agressif . Et tant pis si la lumière balaie l’âme des lieux. Tel autre comblera un vide affectif par une propension à l’accumulation d’objets, parfois disgraciés ou déplacés sans crier gare. On aura compris que je prise la stabilité des choses, ce qui ne surprendra que ceux qui ne les ont pas vu constamment bouger…
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Hier. Sud de Paris. Soir humide et froid. RER. un RER sale et pourri comme je pensais qu’il n’en existait plus. Manteaux noirs. masques chirurgicaux de rigueur. regards vides, mornes, tristes. corps gris, fatigués, repliés sur eux-mêmes. Ma voisine rivée sur des vidéos d’influenceuses sur internet. Carême. Hiver. et puis porte s’ouvre. Une musique. des yeux qui brillent. des joues rouges comme des pommes. peau lisse. si lisse. sans aucun défaut. boucles blondes, boucles brunes, boucles rousses, boucles roses. vaguement éméchées, droguées peut-être. de bien jolies petites dents. Elles disent » oh l’amour, l’amour, l’amour ». petit bisou, sur ton front, petit bisou sur tes yeux, trois baisers sur ta bouche. Musique plus forte. Elles dansent. Elles tanguent. fêtardes. Sans souci. Elles se marrent. prétendument provocantes alors qu’elles n’ont tout simplement que quoi : 16 ? 17 ans ?
Mais qu’est-ce qu’elles se marrent. se tiennent par le bras, le cou. mélangent leurs boucles blondes, boucles brunes, boucles rousses, boucles roses. pantalon vert. sweat orange. pantalon noir. pull. bleu.
J’ai la berlue. deux farfadettes scandinaves. Musique encore plus forte. Elles dansent toujours et descendent à Châtelet les Halles.
waow … Je te jure devant mes yeux : le retour de l’HYPER JEUNESSE !
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excellent
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Oui.
Deux petites lumières, deux surprises, qui font la moue charmante et la grosse nique à l’obscurité, à la tristesse, aux maladies en tous genres (des plus bénignes au plus graves), aux odeurs et tuyaux d’hôpital, au matelassage des cercueils, aux fleurs d’enterrement, à la fatigue, à l’inquiétude, au mal de ventre, à la morosité, à la violence, aux gesticulations vaines, aux gueules longues comme un jour sans pain et sans fin, à l’absence d’inventivité, à la lourdeur.
Mais quel soulagement, l’espace d’un instant …
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