Quand je passais mes derniers étés à S… souvent je partais dessiner dans la Montagne Noire, vers Ramondens. Apres un hameau calcaire surchauffé, avec ses ruelles si étroites, biscornues, et ses escaliers pierreux, la route étroite devenait noire, humide, traversée de ruisseaux. J’entrais alors un bois touffu, obscur, gelé dans son haut silence forestier. Je notais de larges coulées de feuilles pourrissantes mêlées de terreau . C’est là que j’aimais ouvrir mon sac à dos , prendre alors mes crayons et mes fusains, mes carnets à spirale, les boulettes de mie de pain, mon encre de chine aussi . Sur les feuilles blanches j’esquissais la verticale des troncs serrés comme si on pouvait analyser, deviner et cerner les lignes de force souterraines de toute cette végétation muette , comme si une mystérieuse phosphorescence sombre animait ce monde pétrifié et qui perdait, au fil du dessin, sa familiarité.

Suivre la croissance du bois sorti de la terre, percevoir ce bruit d’écorce qui claque dans le subit soleil de la matinée qui réchauffe les troncs .Le temps passe, des ombres bleues disparaissent , le fusain charbonne quand j’épaissis les linéaments d’un tronc. Parfois les cassures charbonneuses du fusain expriment la folie feuillue du sous-bois à en trouer le papier.
Le dessin voudrait se fondre dans l’entière respiration de la foret, dans la balance de ses cimes, dans la plénitude ébouriffante , exotique, des branchages. L’heure passe. Torpeurs lourdes de l’air, la lumière tombe en eau chaude, et dans l’épais silence, on éprouve la sensation bizarre d’une chute libre parmi les troncs et les couches feuillues. La rumeur de la foret devient alors une hauteur, un vertige dans ce jour tamisé devenu aquatique. Un bruit furtif de bête fait tressaillir, on lève le crayon un instant pour mieux écouter le sourd bourdonnement du sous-bois, puis on reprend son travail et la boulette de mie de pain efface une courbe excentrique. Le soir déjà. La pénombre rampe comme une vague menace sur ce chaos tombal.
L’épaisseur de l’herbe ne vieillit plus, les feuilles du carnet deviennent d’un vert acide crissant, pendant que je dessine il y a des bleus ardents qui s’installent vers une clairière et des taillis masquent vaguement des pentes désolées, des ruisseaux cachés tintent à peine mais régulièrement et une imperceptible lueur vénéneuse rampe dans l’humus jusqu’à ce que le regard tombe sur un tesson de verre qui brille d’une manière insistante et si inattendu qu’on cherche le rayon de soleil qui a disparu .

L’œil fouille entre des lamelles des roches lisses ,ardoisées d’où émanent des reflets huileux ; dans un minuscule moment d’exaltation parce que le fusain gratte bien sur le papier on se dit que le sous-bois va continuer à vivre sans limite, sans mesure, que cette jungle où la lumière et la nuit forment une curieuse eau trouble va croitre et offrir l’éternelle mobilité du chaos primitif.
Dans un large dessin horizontal achevé, réussi, des foyers sombres de traits irriguent, comme une marée haute, une masse d’arbres et de fougères, on se dit qu’une mer gigantesque se tient vers les clôtures qui marquent la lisière où rodent les chasseurs. Monde de l’hiver végétal en train de moisir, de pourrir, de renaitre magnifié par la lente battue approchante de la nuit.

Apres un bref passage du fixatif pulvérisé, je roule avec précaution le dessin. C’est alors qu’un papillon volète dans un bouillonnement d’herbes sauvages et semble se moquer de l’exaltation du dessinateur. Sa danse fantasque se révèle être une ironie.
Vous êtes Cayrolien! Même précision maniaque du détail et même poésie…. ´. MC
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Merci MC.. je pense souvent à Cayrol.. Comme pas mal de gens de ma génération j’ai reçu l’énorme choc du film « Nuit et brouillard »de Resnais sur ce texte vertigineux de Jean Cayrol. Plus tard, je l’ai rencontré aux éditions du Seuil ;il m’encourageait à écrire. quand je lui envoyais mes récits, il prenait le temps de répondre et d’analyser. Enfin, parmi mes romans préférés de lui je mets en avant : 1956 : Le Déménagement.
Puis Les Corps étrangers et enfin, . Le Froid du soleil, ils étaient parfaits à mes yeux pour décrire ce qui changeait dans le paysage urbain de reconstruction d’après-guerre, ce qui se modifiait sociologiquement entre les familles, entre les sexes. Entré le spectre de la défaite de 40, les guerres coloniales, lui voyait et exprimait les écorchures, les distorsions, les fractures des générations, annonçant la cassure Mai 68….et j’ai encore bcp de plaisir et d’enseignement de style,à le relire. Pudeur, élégance et vibrations souterraines caractérisent cet auteur qui a bien montré le « vide » qui allait se creuser entre les êtres humains. C’est assez éloigné de ce qu’on appelle un peu vite « 30 glorieuses » ; lui voyait des fissures dans ces années-là .Sa morosité était une lucidité car lui, bien sûr, ne pouvait écrire comme les autres après son expérience des camps. Et je crois que « Muriel », dont il est le scénariste, me donne toujours le même frisson car j’ai vécu, non pas à Boulogne sur mer , mais à Caen, dans un appartement froid, impersonnel, qui ressemblait à celui que Delphine Seyrig occupe dans le film. Le lieu cubique, mal retapé, froid, qui sent encore le ciment frais dans les escaliers. Et les discussions familiales du dimanche heurtées, incomplètes, impossibles, qui se répercutent contre le plâtre frais parmi meubles disparates. Romancier des coupures et blessures d’après-guerre ,du malaise des guerres coloniales qui ne veulent pas dire leur nom.. Les coupure du Temps et les coupures de l’Espace traversent tout ce qu’il écrit, ce qui le rend si émouvant et vrai.. Une œuvre coupante comme un tesson de bouteille.
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Je pensais à son refuge dans le descriptif de la nature ( les Histoires )mais c’est vrai que ce que vous dites offre d’autres perspectives. Le commentaire deNuit et Brouillard, je l’ai reçu au lycée plus tard que vous, mais il n’a pas manqué son effet et m’a ouvert à la littérature des témoins : le livre du même titre, dont l’auteur m’échappe, et Rousset bien sûr. Ce n’est pas rien . Bien à vous. MC
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N’oublions pas non plus, à propos de Cayrol, son flair étonnant pour découvrir des écrivains en devenir, et leur offrir dans sa revue « Écrire »un premier espace où s’exprimer. Un exemple parmi tant d’autres qui me tient à cœur, dans le premier numéro, Jean-Pierre Abraham, tout jeune et pas encore gardien de phare, » Armen »….
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Oui, une grande attention de Cayrol aux écrivains en devenir. Abraham bon exemple, mais tant d’autres..
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Il y a des gens qui ont cette seconde vue là, c’est vrai. Des exemples dans la peinture ou la gestion des artistes en devenir. Ce pourquoi le métier de Galeriste peut offrir des jours…
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le spectacle programmé au Festival d’Automne est annulé et je suis triste :
https://www.telerama.fr/sortir/mort-de-francois-tanguy-metteur-en-scene-qui-ne-se-pliait-a-aucune-mode-7013348.php
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Vous voyez Margotte, quand un homme de théâtre disparait, on a l’impression de garder dans sa mémoire une poignée d’images, si pauvres, si insistantes, qui s’agitent faiblement. Quelque chose d’un peu illusoire, quand nous sortons dans le froid de la nuit, devant le théâtre et que les autres ne peuvent comprendre, ces éclairages un peu trop brutaux, ces gestes un peu trop affirmés, ces grimages sur éclairés, ces grimaces, ces voix trop sonores, ces cris ou roulades, ces serments avec armes en carton, avec ces fausses campagnes verdoyantes de toile peinte, ces faux palais, ces fausses nuits qui tombent de travers à la fin d’un acte..… Car ce qu’exhale la scène, un soir comme un autre, dans une petite salle , ce que les comédiens essaient de donner de meilleur, à qui confier ça, qui s’éloigne, quand le metteur en scène meurt ?
ça ne peut être partagé .J’ai le sentiment qu’il ne faut pas déranger notre mémoire défaillante, savoir que seul, certains soirs, notre cœur a battu d’une certaine façon et que ce n’est pas dicible car le théâtre, chaque soir disparait et tombe dans l’inconnu quand la salle s’éteint.. Le théâtre nous laisse particulièrement seul, démuni au contraire du cinéma. La disparition d’un homme de théâtre qu’on aime, qu’on a aimé, est à sa manière si étrange qu’on voit et revoit mentalement des bribes de ce pays inconnu qu’il a voulu nous montrer, ces corps grimés qui ont traversé les planches de long en large et qui n’existent plus, pour raconter tant d’affaires de ce monde ci sans jamais y arriver complétement. Cette scène déserte, éteinte, et sombre, nous a mis ailleurs pour une heure ou deux ,on ne peut s’en détacher, ni s’en dépêtrer tout ce bricolage peinturluré, on n’arrive pas à s’en détacher, certains soirs , longtemps après. On a vécu une heure dans une autre constellation et une autre lumière est entrée en vous comme une rafale de neige.. Oui, la disparition d’un homme de théâtre avec de tout ce qu’il a imaginé, comme un roi de France dans ses rêves, oui tout meurt avec lui. L’absence d’un homme de théâtre, sa disparition soudaine , charnelle, a quelque chose de trouble, et ça laisse en nous une trace incertaine, comme si l’éclairage avait soudain manqué, comme si cet homme là s’était enroulé dans une partie de sa vie, dans une couverture, avec son fatras de personnages pour mieux rêver d’un ordre ineffable, et se réchauffer à nous.
J’ai beaucoup fréquenté les théâtres. Maintenant c’est fini. J’ai levé le camp, laissé mon fauteuil à d’autres spectateurs. Je garde au fond de moi un peu incrédule ce qu’il y avait de si entremêlé, disjoint, dans les émotions d’une soirée quand la rampe s’allume.. Ça revient fort ces moments là quand on quitte le hall désert du théâtre, quand on revient à sa voiture, à son bus, à la vie ordinaire, à la carafe de rouge sur une nappe en papier, méditant au fond d’une rue de banlieue , en réfléchissant à ce que le metteur en scène a voulu nous confier avec sa sarabande de fantômes , et qui restera sans réponse.
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Quelle réponse !
Comme un cadeau.
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Vous savez Margotte, il y a certains jours où je me souviens de cette phrase d’Aragon: »le monde est triste comme un théâtre fermé
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Margotte ,
Aragon a dit dans « Théâtre:/ roman » : »Le monde est triste à la façon d’un théâtre fermé.. » J’y pense souvent.. J’ai perdu beaucoup d’amis récemment, tous fous de théâtre et je me demande, en pensant aux comédiens qu’ils mettaient en scène, avec ou sans argent.. » qu’ ‘avez voulu dire, ô gens de passage… » ça aussi c »est d’Aragon.
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Je signale une nécrologie de François Tanguy bien fichue dans » Le monde « daté du lundi 12 décembre . un résumé précis de son parcours.
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Un grand bonhomme, bien vivant, Guy’Cassiers dont la dramaturgie soutient l’ambition ( Mephisto, fresque sur lé deuxième Conflit Mondial)
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Ce qui peut être exact dans votre impression naît peut-être de la confrontation des voix du présent avec les voix du passé. Je n’ai vu que Rachida Braknî pour succéder vaux grandes voix du français, et maintenant, j’ai souvent le sentiment de tomber là ou ailleurs sur une distribution faite de seconds couteaux. Injuste, sans doute, mais lie à notre culture, à ce que nous avons entendu : Par exemple Rita Gore mettant dans son ultime incarnation de Taven une malediction à donner la chair de poule aux debutantes avec un Sois maudit Ourias qui transcende la partition de Gounod….
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Après cette méprisable mesquinerie du jour,
voici l’intégralité d’un texte lumineux qui devrait consoler le pauvre Le Clezio du dégât collatéral qu’elle contenait.
Pmp, je me sens vengé, tel JJJ, de la race des plus grandes écrivaines de notre époque. Et nous serons de plus en plus nombreuses parmi les hommes de bonne volonté d’avenir à nous réveiller et nous sentir ERNALDIENNES à 200 %. Merci Annie pour ce discours magnifique. Il méritait bien d’être comparé ici à celui de votre petit contempteur. L’Histoire tranchera entre vos grandeurs respectives, comme d’habitude, n’ayez crainte !
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« Par où commencer ? Cette question, je me la suis posée des dizaines de fois devant la page blanche. Comme s’il me fallait trouver la phrase, la seule, qui me permettra d’entrer dans l’écriture du livre et lèvera d’un seul coup tous les doutes. Une sorte de clé. Aujourd’hui, pour affronter une situation que, passé la stupeur de l’événement – « est-ce bien à moi que ça arrive ? » –, mon imagination me présente avec un effroi grandissant, c’est la même nécessité qui m’envahit. Trouver la phrase qui me donnera la liberté et la fermeté de parler sans trembler, à cette place où vous m’invitez ce soir.
Cette phrase, je n’ai pas besoin de la chercher loin. Elle surgit. Dans toute sa netteté, sa violence. Lapidaire. Irréfragable. Elle a été écrite il y a soixante ans dans mon journal intime. « J’écrirai pour venger ma race. » Elle faisait écho au cri de Rimbaud : « Je suis de race inférieure de toute éternité. » J’avais 22 ans. J’étais étudiante en lettres dans une faculté de province, parmi des filles et des garçons pour beaucoup issus de la bourgeoisie locale. Je pensais orgueilleusement et naïvement qu’écrire des livres, devenir écrivain, au bout d’une lignée de paysans sans terre, d’ouvriers et de petits commerçants, de gens méprisés pour leurs manières, leur accent, leur inculture, suffirait à réparer l’injustice sociale de la naissance. Qu’une victoire individuelle effaçait des siècles de domination et de pauvreté, dans une illusion que l’Ecole avait déjà entretenue en moi avec ma réussite scolaire. En quoi ma réalisation personnelle aurait-elle pu racheter quoi que ce soit des humiliations et des offenses subies ? Je ne me posais pas la question. J’avais quelques excuses.
Depuis que je savais lire, les livres étaient mes compagnons, la lecture mon occupation naturelle en dehors de l’école. Ce goût était entretenu par une mère, elle-même grande lectrice de romans entre deux clients de sa boutique, qui me préférait lisant plutôt que cousant et tricotant. La cherté des livres, la suspicion dont ils faisaient l’objet dans mon école religieuse me les rendaient encore plus désirables. Don Quichotte, Voyages de Gulliver, Jane Eyre, contes de Grimm et d’Andersen, David Copperfield, Autant en emporte le vent, plus tard Les Misérables, Les Raisins de la colère, La Nausée, L’Etranger : c’est le hasard, plus que des prescriptions venues de l’Ecole, qui déterminait mes lectures.
Je m’éloignais de plus en plus chaque jour de l’écriture
Le choix de faire des études de lettres avait été celui de rester dans la littérature, devenue la valeur supérieure à toutes les autres, un mode de vie même qui me faisait me projeter dans un roman de Flaubert ou de Virginia Woolf et de les vivre littéralement. Une sorte de continent que j’opposais inconsciemment à mon milieu social. Et je ne concevais l’écriture que comme la possibilité de transfigurer le réel.
Ce n’est pas le refus d’un premier roman par deux ou trois éditeurs – roman dont le seul mérite était la recherche d’une forme nouvelle – qui a rabattu mon désir et mon orgueil. Ce sont des situations de la vie où être une femme pesait de tout son poids de différence avec être un homme dans une société où les rôles étaient définis selon les sexes, la contraception interdite et l’interruption de grossesse un crime. En couple avec deux enfants, un métier d’enseignante, et la charge de l’intendance familiale, je m’éloignais de plus en plus chaque jour de l’écriture et de ma promesse de venger ma race. Je ne pouvais lire « la parabole de la loi » dans Le Procès, de Kafka, sans y voir la figuration de mon destin : mourir sans avoir franchi la porte qui n’était faite que pour moi, le livre que seule je pourrais écrire.
Mais c’était sans compter sur le hasard privé et historique. La mort d’un père qui décède trois jours après mon arrivée chez lui en vacances, un poste de professeur dans des classes dont les élèves sont issus de milieux populaires semblables au mien, des mouvements mondiaux de contestation : autant d’éléments qui me ramenaient par des voies imprévues et sensibles au monde de mes origines, à ma « race », et qui donnaient à mon désir d’écrire un caractère d’urgence secrète et absolue. Il ne s’agissait pas, cette fois, de me livrer à cet illusoire « écrire sur rien » de mes 20 ans, mais de plonger dans l’indicible d’une mémoire refoulée et de mettre au jour la façon d’exister des miens. Ecrire afin de comprendre les raisons en moi et hors de moi qui m’avaient éloignée de mes origines.
Il me fallait rompre avec le « bien-écrire »
Aucun choix d’écriture ne va de soi. Mais ceux qui, immigrés, ne parlent plus la langue de leurs parents, et ceux qui, transfuges de classe sociale, n’ont plus tout à fait la même, se pensent et s’expriment avec d’autres mots, tous sont mis devant des obstacles supplémentaires. Un dilemme. Ils ressentent, en effet, la difficulté, voire l’impossibilité d’écrire dans la langue acquise, dominante, qu’ils ont appris à maîtriser et qu’ils admirent dans ses œuvres littéraires, tout ce qui a trait à leur monde d’origine, ce monde premier fait de sensations, de mots qui disent la vie quotidienne, le travail, la place occupée dans la société. Il y a d’un côté la langue dans laquelle ils ont appris à nommer les choses, avec sa brutalité, avec ses silences, celui, par exemple, du face-à-face entre une mère et un fils, dans le très beau texte d’Albert Camus. De l’autre, les modèles des œuvres admirées, intériorisées, celles qui ont ouvert l’univers premier et auxquelles ils se sentent redevables de leur élévation, qu’ils considèrent même souvent comme leur vraie patrie. Dans la mienne figuraient Flaubert, Proust, Virginia Woolf : au moment de reprendre l’écriture, ils ne m’étaient d’aucun secours. Il me fallait rompre avec le « bien-écrire », la belle phrase, celle-là même que j’enseignais à mes élèves, pour extirper, exhiber et comprendre la déchirure qui me traversait. Spontanément, c’est le fracas d’une langue charriant colère et dérision, voire grossièreté, qui m’est venu, une langue de l’excès, insurgée, souvent utilisée par les humiliés et les offensés, comme la seule façon de répondre à la mémoire des mépris, de la honte et de la honte de la honte.
Très vite aussi, il m’a paru évident – au point de ne pouvoir envisager d’autre point de départ – d’ancrer le récit de ma déchirure sociale dans la situation qui avait été la mienne lorsque j’étais étudiante, celle, révoltante, à laquelle l’Etat français condamnait toujours les femmes, le recours à l’avortement clandestin entre les mains d’une faiseuse d’anges. Et je voulais décrire tout ce qui est arrivé à mon corps de fille, la découverte du plaisir, les règles. Ainsi, dans ce premier livre, publié en 1974, sans que j’en sois alors consciente, se trouvait définie l’aire dans laquelle je placerais mon travail d’écriture, une aire à la fois sociale et féministe. Venger ma race et venger mon sexe ne feraient qu’un désormais.
Comment ne pas s’interroger sur la vie sans le faire aussi sur l’écriture ? Sans se demander si celle-ci conforte ou dérange les représentations admises, intériorisées sur les êtres et les choses ? Est-ce que l’écriture insurgée, par sa violence et sa dérision, ne reflétait pas une attitude de dominée ? Quand le lecteur était un privilégié culturel, il conservait la même position de surplomb et de condescendance par rapport au personnage du livre que dans la vie réelle. C’est donc, à l’origine, pour déjouer ce regard qui, porté sur mon père dont je voulais raconter la vie, aurait été insoutenable et, je le sentais, une trahison, que j’ai adopté, à partir de mon quatrième livre, une écriture neutre, objective, « plate » en ce sens qu’elle ne comportait ni métaphores ni signes d’émotion. La violence n’était plus exhibée, elle venait des faits eux-mêmes et non de l’écriture. Trouver les mots qui contiennent à la fois la réalité et la sensation procurée par la réalité allait devenir, jusqu’à aujourd’hui, mon souci constant en écrivant, quel que soit l’objet.
Continuer à dire « je » m’était nécessaire. La première personne – celle par laquelle, dans la plupart des langues, nous existons, dès que nous savons parler, jusqu’à la mort – est souvent considérée, dans son usage littéraire, comme narcissique dès lors qu’elle réfère à l’auteur, qu’il ne s’agit pas d’un « je » présenté comme fictif. Il est bon de rappeler que le « je », jusque-là privilège des nobles racontant des hauts faits d’armes dans des Mémoires, est en France une conquête démocratique du XVIIIe siècle, l’affirmation de l’égalité des individus et du droit à être sujet de leur histoire, ainsi que le revendique Jean-Jacques Rousseau dans ce premier préambule des Confessions : « Et qu’on n’objecte pas que n’étant qu’un homme du peuple je n’ai rien à dire qui mérite l’attention des lecteurs. (…) Dans quelque obscurité que j’aie pu vivre, si j’ai pensé plus et mieux que les rois, l’histoire de mon âme est plus intéressante que celle des leurs. »
Ce n’est pas cet orgueil plébéien qui me motivait (encore que…), mais le désir de me servir du « je » – forme à la fois masculine et féminine – comme un outil exploratoire qui capte les sensations, celles que la mémoire a enfouies, celles que le monde autour ne cesse de nous donner, partout et tout le temps. Ce préalable de la sensation est devenu pour moi à la fois le guide et la garantie de l’authenticité de ma recherche. Mais à quelles fins ? Il ne s’agit pas pour moi de raconter l’histoire de ma vie ni de me délivrer de ses secrets, mais de déchiffrer une situation vécue, un événement, une relation amoureuse, et dévoiler ainsi quelque chose que seule l’écriture peut faire exister et passer, peut-être, dans d’autres consciences, d’autres mémoires. Qui pourrait dire que l’amour, la douleur et le deuil, la honte ne sont pas universels ? Victor Hugo a écrit : « Nul de nous n’a l’honneur d’avoir une vie qui soit à lui. » Mais toutes choses étant vécues inexorablement sur le mode individuel – « c’est à moi que ça arrive » –, elles ne peuvent être lues de la même façon que si le « je » du livre devient, d’une certaine façon, transparent et que celui du lecteur ou de la lectrice vienne l’occuper. Que ce « je » soit, en somme, transpersonnel, que le singulier atteigne l’universel.
C’est ainsi que j’ai conçu mon engagement dans l’écriture, lequel ne consiste pas à écrire « pour » une catégorie de lecteurs, mais « depuis » mon expérience de femme et d’immigrée de l’intérieur, depuis ma mémoire désormais de plus en plus longue des années traversées, depuis le présent, sans cesse pourvoyeur d’images et de paroles des autres. Cet engagement comme mise en gage de moi-même dans l’écriture est soutenu par la croyance, devenue certitude, qu’un livre peut contribuer à changer la vie personnelle, à briser la solitude des choses subies et enfouies, à se penser différemment. Quand l’indicible vient au jour, c’est politique.
On le voit aujourd’hui avec la révolte de ces femmes qui ont trouvé les mots pour bouleverser le pouvoir masculin et se sont élevées, comme en Iran, contre sa forme la plus violente et la plus archaïque. Ecrivant dans un pays démocratique, je continue de m’interroger, cependant, sur la place occupée par les femmes, y compris dans le champ littéraire. Leur légitimité à produire des œuvres n’est pas encore acquise. Il y a en France et partout dans le monde des intellectuels masculins, pour qui les livres écrits par les femmes n’existent tout simplement pas, ils ne les citent jamais. La reconnaissance de mon travail par l’Académie suédoise constitue un signal de justice et d’espérance pour toutes les écrivaines.
Dans la mise au jour de l’indicible social, cette intériorisation des rapports de domination de classe et/ou de race, de sexe également, qui est ressentie seulement par ceux qui en sont l’objet, il y a la possibilité d’une émancipation individuelle mais également collective. Déchiffrer le monde réel en le dépouillant des visions et des valeurs dont la langue, toute langue, est porteuse, c’est en déranger l’ordre institué, en bouleverser les hiérarchies.
Mais je ne confonds pas cette action politique de l’écriture littéraire, soumise à sa réception par le lecteur ou la lectrice avec les prises de position que je me sens tenue de prendre par rapport aux événements, aux conflits et aux idées. J’ai grandi dans la génération de l’après-guerre mondiale, où il allait de soi que des écrivains et des intellectuels se positionnent par rapport à la politique de la France et s’impliquent dans les luttes sociales. Personne ne peut dire aujourd’hui si les choses auraient tourné autrement sans leur parole et leur engagement. Dans le monde actuel, où la multiplicité des sources d’information, la rapidité du remplacement des images par d’autres accoutument à une forme d’indifférence, se concentrer sur son art est une tentation. Mais, dans le même temps, il y a en Europe – masquée encore par la violence d’une guerre impérialiste menée par le dictateur à la tête de la Russie – la montée d’une idéologie de repli et de fermeture, qui se répand et gagne continûment du terrain dans des pays jusqu’ici démocratiques. Fondée sur l’exclusion des étrangers et des immigrés, l’abandon des économiquement faibles, sur la surveillance du corps des femmes, elle m’impose, à moi, comme à tous ceux pour qui la valeur d’un être humain est la même, toujours et partout, un devoir de vigilance. Quant au poids du sauvetage de la planète, détruite en grande partie par l’appétit des puissances économiques, il ne saurait peser, comme il est à craindre, sur ceux qui sont déjà démunis. Le silence, dans certains moments de l’Histoire, n’est pas de mise.
En m’accordant la plus haute distinction littéraire qui soit, c’est un travail d’écriture et une recherche personnelle menés dans la solitude et le doute qui se trouvent placés dans une grande lumière. Elle ne m’éblouit pas. Je ne regarde pas l’attribution qui m’a été faite du prix Nobel comme une victoire individuelle. Ce n’est ni orgueil ni modestie de penser qu’elle est, d’une certaine façon, une victoire collective. J’en partage la fierté avec ceux et celles qui, d’une façon ou d’une autre, souhaitent plus de liberté, d’égalité et de dignité pour tous les humains, quels que soient leur sexe et leur genre, leur peau et leur culture. Ceux et celles qui pensent aux générations à venir, à la sauvegarde d’une Terre que l’appétit de profit d’un petit nombre continue de rendre de moins en moins vivable pour l’ensemble des populations.
Si je me retourne sur la promesse faite à 20 ans de venger ma race, je ne saurais dire si je l’ai réalisée. C’est d’elle, de mes ascendants, hommes et femmes durs à des tâches qui les ont fait mourir tôt, que j’ai reçu assez de force et de colère pour avoir le désir et l’ambition de lui faire une place dans la littérature, dans cet ensemble de voix multiples qui, très tôt, m’a accompagnée en me donnant accès à d’autres mondes et d’autres pensées, y compris celle de m’insurger contre elle et de vouloir la modifier. Pour inscrire ma voix de femme et de transfuge social dans ce qui se présente toujours comme un lieu d’émancipation, la littérature ».
© Fondation Nobel 2022 /// Annie Ernaux
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je n’ai pas compris Janssen J-J qui vous visez en parlant de « méprisable mesquinerie du jour ».. Pouvez vous m’éclairer?
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J’avais posté le même chez Assouline à la RDL, après son post de ce matin, qui a enclenché ma fureur… Evidemment, son robot a shinté le message, ce dont je me doutais… Aussidument copié collé, je suis allé chez vous à tuit hasard, et heureuse surprise, le même texte est passé.
Il m’importait surtout que le fiel d’Assouline fut comparé au discours d’Ernaux… Voilà pourquoi.
Je vous remercie infiniment d’avoir eu le courage de laisser passer l’intégralité du discours d’Ernauxde SDtocholm sur votre chaine, quoi que vous puissiez penser vous-même du contenu. Je salue votre élégance. Et vous souhaite une bien belle journée,
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Je suis bien perplexe Janssen devant les réactions d’Assouline,…aussi bien dans l’émission « Répliques » (où il traite l’ oeuvre de Sartre de « bornée ») que dans son texte de ce matin. Je crois que l’adjectif « borné » demande des explications et précisions dans le domaine de la critique littéraire..ce n’est pas une catégorie bien repérable Ca ne dit rien surtout quand il est appliqué à Jean Paul Sartre, car l’apport littéraire, social et philosophique d’une telle oeuvre si engagée, m’impressionne toujours autant.. Avec toutes ses erreurs en politique (tango avec le Parti communiste par exemple ) mais aussi ses combats
pour la décolonisation, l’auteur de « La nausée », de Huis clos », du massif romanesque des « chemins de la liberté » et de ses « carnets de guerre » oui, reste un peu le Voltaire du XXème siècle..Il me bluffe, m’irrite, me sidère, aujourd’hui encore il m’interroge, et c’était sacrément formateur de voir ‘l’affrontement entre Camus et Sartre. quand on a vingt ans.
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Merci, Paul Edel pour le passage de Tonio Kröger cité sur la Rdl.
Si vs le permettez, j’aimerais répondre ici aux objections de « vadeboncœur »(etc.) à propos de l’expression « exilés de l’intérieur » , notamment « C’est l’acte esthétique très personnel qui isole par sa radicalité » (à propos de Soulages ou d’autres peintres non nommés, puisque le fait que la famille ne « suive » pas est présenté comme plus fréquent qu’on ne le croit).
Les actes esthétiques ne sont pas tt à fait comparables ds la mesure où leurs « matériaux » ne se situent pas ds le même rapport à la « vie ordinaire », ses moyens & ses fins : l’œuvre de langage se situe ds une fausse continuité avec la communication quotidienne (celle des échanges interpersonnels mais aussi celle, orale ou écrite, qui ns entoure, ns enserre ou ns bombarde du matin au soir). Ce langage-là (dépourvu de visée esthétique) véhicule, en composition variable, des informations, des affects, des pensées, des idéologies mais aussi des traces, des indices (quant aux origines). C’est, me semble-t-il, le nœud d’une difficulté spécifique : l’outil réflexif, mais aussi artistique, participe de ce qui doit être élucidé, représenté, transmis, « traduit » &/ou transfiguré (pas tt à la fois, s. doute, ni de la même façon pour ts les écrivains). Je précise que souligner le primat de cette difficulté-là ne revient pas à ignorer ou minorer les autres.
Le « bilinguisme » de bcp de transfuges de classe n’a pas le même statut ni le même retentissement ou les mêmes implications pour les écrivains.
(Cela laisse encore de côté bcp de pbl de fond…)
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Fallait-il vraiment poster cette tartine où on apprend que le je etait nobiliaire avant d’être réhabilité par Rousseau? Cela fait bon marche des conditions d’écriture, du lectorat, voire de la mise en scène de l’écrivain,
Il serait aussi juste de dire que le je nobiliaire à sa mise en scène, et qu’il est aussi légitime les utilisant que le sont les exagérations d’Annie Ernaux, plus peut-être , quand il porte l’Histoire de France, qu’on songe à Richelieu, à Louis XIV…Cela a une autre allure que les malheurs du corps de Madame Ernaux, lesquels n’ intéresseront jamais que quelques sociologues féministes et declinistes en mal de copie. Bien à vous. MC
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Si ce n’est pas abuser de l’hospitalité édelienne, je souhaiterais ajouter qq remarques : à condition d’être durablement naïve, on pourrait s’étonner de ce qu’un « forum » de discussion n’offre que des opinions aussi tranchées, aussi peu nuancées à propos des livres d’Annie Ernaux. À moins d’un manque d’attention de ma part, il me semble que l’essentiel pour les commentateurs consiste à se ranger sous une bannière, à afficher son appartenance à un « camp » — politico-culturel, idéologique, plutôt que littéraire (« l’exemple » a été donné d’emblée).
Ce qui explique sans doute que leur religion soit faite, qu’enthousiasme ou dégoût se manifestent de manière aussi absolue, catégorique ; que personne ne soit (ou ne s’avoue) tiraillé par des raisons contradictoires, en tt cas difficiles à faire tenir ensemble, d’apprécier, d’admirer ou de trouver de l’intérêt à certains aspects/choix/livres, certaines caractéristiques (l’écriture/la posture/la composition/les sujets) & des réticences vis-à-vis d’autres.
L’exception aurait pu être Paul Edel, puisque MS, qui a délaissé momentanément son rôle habituel de kapo pour tenir celui de dénonciatrice-écumeuse des archives de la toile, a exhumé un papier qu’elle juge terriblement compromettant, ds la mesure où il exprimait une position différente de son estime actuelle (celle de P.E. pour Ernaux) : pensez donc, qqn qui change d’avis (5, 10 ou 20 ans après, je ne sais plus), qui ne se contente pas de parcourir en diagonale UN livre, de recueillir ici ou là des avis à charge ou à décharge, qui prend le tps de lire & qui accepte, le cas échéant, de pondérer ou de réviser son jugement.
J’aurais voulu pouvoir demander à Paul Edel de ns raconter le pourquoi & le comment de cette évolution, mais les blogues étant ce qu’ils sont, je reconnais qu’il n’y aurait là que des coups à prendre (des indignés méprisants, largement majoritaires sur la Rdl, comme des zélateurs sans doute). La satisfaction de ma curiosité littéraire ne vaut pas ce qu’il aurait à affronter.
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elena /Nescio
Pourquoi j’ai changé d’avis sur l’oeuvre Annie Ernaux ? c’st assez compliqué.il y a plusieurs raisons.
1)Je me suis rendu compte dans les années 90 que j’avais tendance à trop privilégier les écrivains ayant un style ample, sensuel, abondant, chatoyant, baroque, irisé, puissant .je mettais au sommet des Giono, des Gunter Grass et des Claude Simon ou Virginia Woolf chez les femmes..
2) en relisant Simone de Beauvoir, dans les années 80_90 sa partie « Mémoires » (depuis « les mémoires d’une jeune fille rangée, et « la force de l’âge » et « la force des choses ») j’ai compris qu’il y avait dans la confession psychologique intime un étonnant lien avec le social et que le « JE » féministe n’était pas un narcissisme mais une conquête ,une émancipation, un constat social dur et qu’ une écriture « plate » était un outil clinique efficace et qu’on pouvait englober le monde dans l’expérience d’une seule vie avec une prose qui « décrasse ». J’ai découvert que les écritures sèches, « à l’os » comme dit Passou, portaient une singulière efficacité.
3) Pour revenir à Annie Ernaux c’est en lisant son récit « l’évènement « en 2000 que je me suis rendu compte que les autrices (quel mot !..) avaient un don pour faire entendre des paroles de honte et de révolte inestimables ..C e que j’avais pris dans les premiers livres d’Ernaux pour des « humeurs » et des intransigeances de façade, une pose, se révélaient au fil des décennies, les étapes d’une révolte froide et une sacrée franchise. la sècheresse du ton devenue une arme !
Beauvoir, Ernaux, mais aussi Violette Leduc, Christiane Rochefort, Jelinek, Sallenave ,Monique Wittig, plus tard Nina Bouraoui, avaient toutes un point commun : le don de parler au plus près de leur expérience biographique et surtout (et là c’était bluffant) la capacité de parler et décrire au plus prés de leur corps sans aucun complexe ! et que la froideur voulue du constat, chez toutes, une manière de refuser le vernis assez mensonger de la culture dominante bourgeoise , pour dénoncer les carcans sociaux et religieux. Les mensonges de la Guerre d’Algérie ont joué aussi un rôle dans cette après-guerre et ces soi-disant ( si vantées actuellement )« trente glorieuses »…
Donc, dans « L’évènement » Ernaux raconte son avortement en retrouvant le journal de 1963 qu’elle tenait alors jeune étudiante à la Fac de Rouen. J’avais connu trois étudiantes, à l’université de Caen, qui avaient été confrontées à cette expérience épouvantable. Et le texte d’Ernaux était fort, juste, vrai, libératoire, combattif et je me disais que les femmes avaient une manière bien à elles de s’insérer dans la réalité de l’époque avec tranchant, désaffublant l’époque de ses illusions et mensonges . Ce que j’avais pris, chez Ernaux, pour une banale amertume , une ritournelle de révolte habituelle- -dans ses tout premiers livres- et une incapacité de dépasser son « moi », je découvrais que, sur vingt ans, son œuvre manifestait une lucidité et une tenacité. Je m’étais complètement trompé…. Eh oui. Cette Ernaux démontait avec acharnement les comédies sociales d’après-guerre. Elle allait voir dans les coins sales avec un sacré mordant. Elle garde intact, aujourd’hui, cet acharnement.
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Merci, Paul Edel, vraiment.
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6ème ligne, afficher LEUR appartenance
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ah, j’oubliais : l’article d’Adorno sur l’engagement ds les Notes sur la littérature (à l’origine une conférence radiophonique), est d’une autre tenue … & nettement plus nuancé (le dialogue ne se trouve pas là où l’on pourrait croire).
J’en extrais ceci :
« Une anecdote sur Picasso rend parfaitement compte de cette habitude intellectuelle qui sévit encore dans la majorité silencieuse en Allemagne [l’indignation contre les artistes accusés d’enlaidir, de déformer]. Un officier allemand de l’armée d’occupation lui rendit visite un jour dans son atelier et lui demanda, devant le tableau Guernica : “Est-ce vous qui avez fait cela ?” ; et Picasso aurait répondu : “Non, c’est vous.” » (300)
(« Citable » mais pas représentatif de l’ensemble du texte — de sa densité comme de ses mouvements/moments successifs.)
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Mais Guernica n’était-il pas déjà à New York? Je ne crois pas à l’écriture plate, la bien nommée ,ou blanche.
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Le tableau voyage en 1937-1939, mais est conservé à New York ensuite sur demande de l’artiste. Était-il’ à Paris durant la Guerre? C’est douteux. Il revient au musée Reine Sofia sur volonté testamentaire. Ah ces tableaux!
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D’après le bouquin de Penrose, cité par Wikipedia, c’est devant une photo de Guernica, la toile elle-même étant à New-York, qu’eut lieu cet échange mémorable. Picasso avait en face de lui Otto Abbetz en personne.
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Vs m’avez devancée : MC, vs avez raison qt à la localisation de la toile, mais le raccourci qui substitue l’œuvre à ses reproductions (les photos prises par Dora Maar) n’affecte aucunement l’implicite théorique & polémique du bon mot (le reproche de laideur adressé à une œuvre ne s’encombrant pas de considérations sur l’aura).
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just like Annie
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« j’ai compris qu’il y avait dans la confession psychologique intime un étonnant lien avec le social et que le « JE » féministe n’était pas un narcissisme mais une conquête ,une émancipation, un constat social dur et qu’ une écriture « plate » était un outil clinique efficace et qu’on pouvait englober le monde dans l’expérience d’une seule vie avec une prose qui « décrasse ».
Je respire et bienvenue chez nous ! 😉
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« je me disais que les femmes avaient une manière bien à elles de s’insérer dans la réalité de l’époque avec tranchant, désaffublant l’époque de ses illusions et mensonges . »
Et elles continuent. Bien des auteures continuent. je ne vais pas me lancer dans une liste mais depuis des années, j’entends leurs voix et c’est insensé ce qu’elles nous disent sur elles, le père, la mère, la famille, le couple, l’enfance, la maternité, la paternité, la société, le monde. je suis très impressionnée par ces mots qu’elles trouvent et mettent sur tout cela. sur ce que l’on sent en soi et que l’on ne parvient pas à formuler, soit par incapacité à formuler, à conceptualiser, soit par impuissance ou grande fatigue, soit par peur, soit par crainte d’être mal comprise, inaudible, mal entendue, soit par manque de recul, ou de force, ou de courage.
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Elles continuent, comme le cirque, au risque de lasser un public qui en a par dessus la tête des Angoteries , Ernautzries, et autrssBeresteties . Qu’elles continuent et épuisent le filon, c’est là plis grande grâce qu’on puisse leur souhaiter…. MC
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Pour ce qui est de l’appellation, ironie de l’histoire littéraire, elle s’est au début appliquée justement à Cayrol, aux côtés de Camus & Blanchot (selon Barthes).
Robbe-Grillet & autres, mais aussi des Forêts … & Henri Thomas.
En ce qui concerne Ernaux, un peu de stylistique :
http://journals.openedition.org/pratiques/2518 ; DOI :
https://doi.org/10.4000/pratiques.2518
(je n’ai pas vérifié si le lien avait été déjà donné sur la Rdl ; on voudra bien m’en excuser : l’état de sidération ds lequel me plongent la nature & la tonalité des commentaires nuit grandement à l’efficacité.)
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mais en quoi vous gênent et vous épuisent-elles au juste, toutes ces Louise Labé des temps post modernes ? Leur ferait-on, se feraient’elles trop de pub par hasard ?
Bàv, et paix sur vos propriétés et priorités littéraires : usus, fructus et abusus + animus
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Pour ce qui est de l’appellation, elle s’est au début appliquée justement à Cayrol, aux côtés de Camus & Blanchot (selon Barthes).
À Robbe-Grillet & autres, mais aussi à des Forêts & Henri Thomas.
En ce qui concerne Ernaux, un peu de stylistique (il s’agit, certes, de La Place & non d’un texte plus récent) :
https://doi.org/10.4000/pratiques.2518
(je n’ai pas vérifié si le lien avait été déjà donné sur la Rdl ; si c’est le cas, on voudra bien m’en excuser : l’état de sidération ds lequel me plongent la nature & la tonalité des commentaires nuit grandement à l’efficacité.)
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C’est curieux, je croyais que l’article mis en lien susciterait des réactions, à propos de la coïncidence (partielle & d’une certaine manière paradoxale) de l’écriture « plate » avec une forme ancienne de convenance (le style simple (humile) pour les sujets peu élevés) ou de l’évitement de l’ironie (cette abstention-là contribue à la platitude & au sentiment de « raideur », elle a un coût littéraire élevé mais ses raisons morales sont évidentes & me paraissent respectables).
(Évidemment, si le silence, l’absence de réponse, devait être interprété comme un profond désintérêt pour cette façon d’aborder la polémique en cours, il ne me reste plus qu’à renouveler mes excuses. pour occupation abusive de l’espace des commentaires… )
Pour ma part, qq comparaisons qt aux choix d’écriture (dont je ne suis même pas sûre qu’elles soient pertinentes) me viennent à l’esprit : à l’opposé, ce que l’on a appelé le maniérisme d’Éric Laurrent ou l’encyclopédisme de Pierre Senges (mais ds leurs livres la part autobiographique est soit variable soit complètement absente & la lectrice ne peut donc pas vraiment, ou pas légitimement, comparer les « trajets » — transclasses ou non — de leurs auteurs). Ils ne sont pas de la même génération qu’A.E., cela compte aussi. Faut-il penser que le choix ostensible de l’intertextualité permettrait d’assumer l’appropriation d’une langue littéraire (& de surmonter un éventuel sentiment d’illégitimité) ?
Sans doute, mais pas de donner à lire, de représenter l’équivalent en littérature des « zones blanches » des cartes (contrairement aux secondes, de plus en plus restreintes, il me semble que les 1ères se renouvellent, qu’elles prennent des formes nouvelles selon l’état de nos sociétés & des rapports entre les êtres h.)
Il y aurait encore Tanguy Viel (je pense notamment à Iceberg).
Ou, pour revenir cette fois à l’écriture blanche ou plate, & de la même génération qu’Ernaux, Christian Gailly.
Enfin, suis-je un cas isolé ou bien se trouve-t-il d’autres lecteurs, parmi ceux que l’écriture plate d’Ernaux n’arrête pas, à voir une différence qualitative énorme entre ses textes & sa démarche & ceux d’Ed. Louis ?
& à estimer que la platitude de l’écriture d’Ernaux n’a strictement rien à voir avec celle pratiquée par Houellebecq ?
(N.B. mes comparaisons sont ttes masculines, pour pl. raisons ; je signale simplement que cela ne m’a pas échappé.)
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Enfin, puisque cet emploi du mot « race » fait tellement parler
CNRTL
1. Vieilli, littér. [En parlant le plus souvent d’une grande famille] Ensemble des personnes appartenant à une même lignée, à une même famille. Synon. ascendance, descendance.La race des Atrides, vieille race. Que Bonaparte et sa race doivent tomber, c’est ce qui me paraît infaillible; mais quelle sera l’époque de cette chute (J. de Maistre, Corresp., 1808, p. 104). Aujourd’hui cette race, égale aux Rohan sans avoir daigné se faire princière (…) cette famille, pure de tout alliage, possède (…) sa maison de Guérande et son petit castel du Guaisnic (Balzac, Béatrix, 1839, p. 10):
1. La première pensée du biographe, qui veut avancer dans la connaissance d’un homme, est de chercher d’abord du côté de ses ascendants. L’individu le plus singulier n’est que le moment d’une race. Il faudrait pouvoir remonter le cours de ce fleuve (…) pour capter le secret de toutes les contradictions, de tous les remous d’un seul être. Mauriac, Vie Racine, 1928, p. 8.
− En partic. Chacune des différentes lignées des rois de France. Le pouvoir (…) électif dans les deux premières races des rois de France, ne devint fixe et héréditaire que sous la troisième (Bonald, Essai analyt., 1800, p. 174). Commença, en la personne de Hugues Capet, la troisième race de nos rois (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 1, 1821-24, p. 93).
B. − P. anal. Race de + subst.
1. Ensemble de personnes ayant entre elles des caractères communs importants. Synon. espèce […]
2. Catégorie de personnes ayant en commun certaines particularités sur lesquelles on attire l’attention. […]
S’il y a une race suspecte, c’est celle des taverniers et des hôteliers (Faral, Vie temps st Louis, 1942, p. 76).
− Sale race. [Peut fonctionner comme injure] Sale engeance. La sale race de l’ouvrier parisien, qui ne veut rien entendre, rien comprendre! (Alain-Fournier, Corresp. [avec Rivière], 1906, p. 263).
Dictionnaire de l’Académie française, 9ème éd.
II. En parlant des êtres humains.
1. Lignée, ensemble des ascendants et descendants d’une même personne, d’une même famille. La race d’Abraham, de David. Il vient d’une race illustre, d’une race ancienne. Être de race noble, de race royale. Une race éteinte.
Littré
1
Tous ceux qui viennent d’une même famille.
« Nous ne regardions point à la race, nous ne regardions qu’au mérite ». [Francion]
Noblesse de race, se disait autrefois de celui à qui cette qualité avait été transmise, par opposition à celui qui s’était fait anoblir.
On a dit de même et en sens inverse : roture de race.
« Les Suisses s’offensent d’être gentilshommes, et prouvent la roture de race pour être jugés dignes de grands emplois ». [Pascal, Pensées]
De notre race, dans notre famille.
« Je crois que je ne vous perdrais pas pour cela…. nous ne nous perdons point, de notre race ; nos liens s’allongent quelquefois, mais ils ne se rompent jamais ». [Sévigné, 6 juil. 1670]
Qq « clics » suffisent pourtant …
& encore :
Corneille
Tu peux pleurer, Valère, et même aux yeux d’Horace ;
Il ne prend intérêt qu’aux crimes de sa race :
Qui n’est point de son sang ne peut faire d’affront
Aux lauriers immortels qui lui ceignent le front.
Malherbe (traduction du Traité des bienfaits de Sénèque)
Platon dit qu’il n’y a point de valet qui ne soit de race de rois, ni de roi qui ne soit de race de valets : tout se bigarre de cette façon avec le temps.
Th. Corneille, Le Geôlier de soi-même
Je ne sache en ma race aucun forlignement
La Bruyère
Chrysippe, homme nouveau, et le premier noble de sa race,
aspirait, il y a trente années, à se voir un jour deux mille livres
de rente pour tout bien : c’était là le comble de ses souhaits
et sa plus haute ambition
&, fatalement, la réponse de Bélise aux paroles de Chrysale (« Il n’est pas bien honnête, et pour beaucoup de causes,/Qu’une femme étudie et sache tant de choses./[…] Les femmes d’à présent sont bien loin de ces mœurs :/Elles veulent écrire, et devenir auteurs. »)
Est-il de petits corps un plus lourd assemblage,
Un esprit composé d’atomes plus bourgeois ?
Et de ce même sang se peut-il que je sois ?
Je me veux mal de mort d’être de votre race ;
Ou, sous la plume d’un autre « jeune homme » :
« Le comte Anne d’Orgel était jeune ; il venait d’avoir trente ans. On ne savait de quoi sa gloire, ou du moins son extraordinaire position était faite. Son nom n’y entrait pas pour grand’chose, tant, même chez ceux qu’hypnotise un nom, le talent prime tout. Mais, il faut le reconnaître, ses qualités n’étaient que celles de sa race, et son talent mondain. Son père, qu’on admirait en se moquant, venait de mourir. Anne, aidé de Mahaut, redonna un lustre à l’hôtel d’Orgel, où naguère l’on s’était bien ennuyé. Ce furent les Orgel qui, si l’on peut dire, ouvrirent le bal au lendemain de la guerre. »
Au-delà (en amont comme en aval) de la source invoquée par A.E. ce qui me frappe c’est la possibilité de « retournement » du terme (pris ds cette acception) : d’abord lié aux illustres, retourné bcp plus tard par dérision, le voilà revendiqué contre ces derniers (les moqueurs) .
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« Je ne sache en ma race aucun forlignement »
Un ouvrage déjà ancien recense la tripotée des descendants de Thomas Corneille; C’est assez jouissif. D’ou il faut entendre que la race a prospéré, incluant Belgique et Pays-Bas…
Ecriture blanche pour Cayrol, non. Le texte de Nuit et Brouillard entre autres qualifié de blanc? Mais Pour Robbe-Grillet, mille fois oui.
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MC, je crois qu’il s’agissait surtout pour Barthes de la 1ère partie de Je vivrai l’amour des autres, « On vous parle » (narration à la 1ère personne & au présent, anonymat, passivité, désorientation).
On peut rapprocher cette « écriture blanche » (1953, Degré zéro) de l’expression « une voix blanche », sans timbre, perdu sous l’effet de l’émotion ou de l’horreur — ou du sentiment de l’absurde. C’est d’ailleurs cette expression que Barthes (en 1944) employait à propos de L’étranger : il considérait que cette « voix blanche » était « la seule en accord avec notre détresse irrémédiable ».
Certaines normes du bien écrire, « le recours à l’élégance ou à l’ornementation » (Degré zéro), pouvaient paraître périmées par l’histoire plutôt que simplement démodées, désuètes.
Ds La langue littéraire Une histoire de la prose en France de Gustave Flaubert à Claude Simon, Julien Piat illustre la tendance au minimalisme syntaxique (phrases brèves, absence de liaison) avec deux passages, tirés de 2 œuvres différentes :
• « Deux fois par an, la foire s’installait durant trois semaines. C’était le grand baroud. Nous connaissions un plus grand dépaysement. Les baraques nous paraissaient mystérieuses. Nous étions toujours déçus du spectacle qu’elles nous proposaient. »
• « La faim est devenue trop grande, l’étrangeté de la montagne n’a pas beaucoup d’importance, elle fait dormir. La faim la prend à la montagne, elle commence à dormir. Elle dort. Elle se lève. Elle marche, parfois vers les montagnes comme elle marcherait vers le nord. Elle dort. »
(Il s’agit de Les corps étrangers de Cayrol (1959) … & de Le vice-consul, de M. Duras (1963))
Il est question des adjectifs non « objectifs » ( « positifs » pour Flaubert), considérés comme indésirables (ex : L’étranger & Ds le labyrinthe de R-Gr), mais aussi de la préférence pour les verbes « incolores », illustrée par les campagnes de correction de Bataille sur Le bleu du ciel entre 1939 & 1957 (« J’éprouvais –> J’avais une sensation de fuite », « ma main portait –> avait un pansement »), mais aussi par la multiplication des « il y a » ds L’espace d’une nuit (1954) de Cayrol.
Plus loin, à propos du rejet de la métaphore & de l’analogie (« la sécheresse de l’Étranger continue à faire école »), c’est Blanchot qui est cité. (Mais rien n’est figé, immuable, puisqu’en revanche en 1964 (« La rature »), Barthes parle à propos de Cayrol d’un « rayonnement métaphorique qui ne rompt pas avec une certaine écriture romantique ».)
Il me semble que de nos jours la menace d’une hégémonie de l’écriture blanche n’est pas le plus grand danger que doive affronter la littérature. Serait-il donc impossible (au prétexte d’allergie à tel ou tel) de reconnaître que le choix d’une « écriture du retrait, où les affects sont minimisés » (J. Piat) peut relever de considérations tr différentes selon les écrivains — dont certaines (considérations ou exigences) tt à fait estimables ?
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« mais aussi … mais aussi… », pas tr heureux — trop tard.
Un peu long de tte façon pour une justification.
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En matière d’écriture, je crois en ces pauvres affects qu’il est de bon ton de considérer comme désuets. J’irais meme plus loin. On perd en puissance ce qu’on gagne en minimalisme. Cf Le succés de Char et (dans une moindre mesure?)celui de Louis-René des Forets. Mais on pourrait prendre aussi bien Duras .
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Et puis je ne sais pas si les faiseurs de Manuels ont quelque légitimité ici. On en a connu pour qui la littérature s’arretait à Paul Bourget, alors…
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Je copierai donc cent fois :
« Je m’attribuerai désormais sans vergogne le travail des autres, mais je me garderai bien de contester le caractère uniformément dépréciatif de l’étiquette “écriture blanche/plate” afin que de meilleurs juges puissent continuer de l’utiliser pour condamner par association. »
Ce sera long, mais n’est-on pas tjs puni par où l’on a péché ?
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votre écriture au style télégraphique E/N est de celle que je comprends encore car elle est de mon époque et je l’ai pratiquée moi-même pendant longtemps. Celle que je ne comprends plus, c’est l’écriture SMS. J’ai abdiqué tout comme avec le rap… On est toujours le vieux con de quelqu’un, chère Madame, et j’ai le plus infini respect pour vos argumentaires, croyez le bien…
Cela dit, vos présentes comparaisons d’écrivain.es aux écritures plates/blanches me paraissent assez surprenantes… Mais je n’aurai pas l’audace de les discuter, je ne les ai pas toutes ressenties ainsi. voilà tout… Je serais bien incapable d’argumenter d’un point de vue « scientifique » sur le sujet du plat et du blanc, et encore moins de vos platebandes… En littératures, je ne suis traversé que par les affects positifs ou négatifs et par leur souvenir… La mémoire oublieuse me convainc que ce qu’elle a oublié n’avait pas de valeur… Me sens incapable de théoriser et d’agencer mes émotions ou absences, comme réussit à la faire p. Edel à propos des écrivains qu’il aime ou au sujet desquels il reconnaît avoir changé d’opinion.
Pardon pour ce misérable aveu d’un amateur sur cette très estimable chaine de spécialistes…
Bien à vous, les fidèles… J’aime bien à vous lire.
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