Grégoire Bouillier met le feu à la Rentrée littéraire

Pierre Assouline et la presse littéraire ont raison, les 912 pages de « Le cœur ne cède pas » sont hors norme.

Vraiment. Une sacrée spirale pour sonder une vie. Un bloc littéraire capital tombé sur cette Rentrée littéraire.

 En reprenant un fait divers sur un ancien mannequin, Marcelle Pichon, de Jacques Fath qui s’est laissé volontairement mourir de faim en tenant le journal de son agonie, Grégoire Bouillier propose un OVNI littéraire. Ce qui est fascinant dans ce livre-enquête « Le cœur ne cède pas » (Flammarion) touffu, irradiant, bavard, c’est que l’auteur, et sa pétulante collaboratrice Penny se font détectives amateurs avec un acharnement insolite pour sortir cette femme du fleuve des morts. Bouillier et Penny    ne cessent de traquer, en cercles de plus en plus larges, le moindre indice concernant cette Marcelle Pichon si fantomatique, une sorte de Nadja jamais rencontrée mais qui aimante les fantasmes par sa vie à l’écart et  le masochisme  de sa mort. Cette   éternelle fugitive n’offre au départ que des zones aveugles à Bouillier. Sa   belle silhouette de mannequin est une substance radioactive pour un imaginatif. On ne sait pas si cette belle a  quitté les autres, ses deux maris, dans une misanthropie grandissante, dans des crises dépressives, dans une émancipation déjà féministe, dans une conquête de liberté pour parvenir à de hautes régions de solitude. Les autres l’ont-ils abandonné ou c’est elle qui a fait le grand écart ? Et pourquoi. L’enquête multiplie les questions. On découvre donc au fil des chapitres(les épigraphes sont excellentes)  les parents, l’enfance, le mariage, l’arbre généalogique, la tombe, un passage météorique  à la télé, des coupures de presse décevantes sauf un article , à France-soir signé de Brigouleix.  etc…Et plus on avance dans le livre, plus les fragments de cette personnalité, ses pans d’ombre, si vastes, renforcent la fascination. Il y a tout un mouvement pendulaire d’excitations et de découragements de l’auteur rythmant l’enquête, et la dynamisant.

 Autre séduction : au lieu de réduire cette femme à une petite cellule biographique refermée sur elle-même, Bouiller radiographie une époque et quelle époque !  car avoir 20 ans sous l’Occupation  irradie et se charge de curieuses effluves comme dans un récit de Modiano-cité. Marcelle Pichon a sans doute eu faim pendant 4 ans, et elle se tue par le supplice de la faim.. Le texte met bien en évidence les balbutiements de nos deux enquêteurs, leurs moments désorientés, et l’espèce de ravissement qui les saisit quand un indice leur tombe sous les yeux. Marcelle Pichon se dérobe, apparait, re-disparait, approche ou s’éloigne ; elle permet des associations très imaginatives à l’auteur. J’ai senti comme un remords caché de l’auteur dans sa recherche fiévreuse qui traverse le bouquin comme si cette femme  devenait  le  centre de gravité  d’un souci intime  l’auteur et  une    danse tragique pour ressusciter de cette France misérable de la guerre et de l’après-guerre.  

La pression historique des années noires puis des années grises  recharge continuellement l’intérêt pour  cette femme et la rend emblématique. Les changements de monde, -avec l’explosion de Mai 68- sont notés et canalisent la tentation imaginative qui pourrait altérer le sens même de ce travail archéologique. On remarque, en outre, que cette période Covid parisienne   nous sensibilise à cette atmosphère, et à cette marche orageuse de l’Histoire.. Cela favorise la concentration mais aussi  un vagabondage onirique dans ce Paris  un peu modianesque de rues vides et de quartiers déserts comme si le Paris du  Covid rejoignait les heures de couvre-feu de l’Occupation. Un parfum de présences occultes émane de certaines pages et ce ne sont pas les moins intéressantes, comme si la l’agonie de cette femme devenait une hallucination, une hantise, un présage,  et nourrissait la ferveur tâtonnante  mais si tenace du romancier.

Ce qui m’a le plus séduit, c’est le ton de Bouillier :un style parlé     spontané, familier,  nerveux , vivifiant. Une manière de sans cesse faire des échappées spontanées, des digressions buissonnières, des télescopages de dates, des coïncidences qui persuadent que l’auteur a une mission, qui est de sauver de l’oubli cette vie-là, si énigmatique. Les éléments du train de vie de cette isolée forment alors un réseau pour trouver à la fois le sens profond d’une époque avec ce qu’elle dissimule derrière les clichés des livres d’histoire, les récits paresseux des journaux,  et les  clichés si   schématiques des journaux télévisés.  C’est ce qui m’a impressionné au cours de la lecture : cette volonté de jusqu’auboutisme, cette exigence si personnelle   de vouloir sauver une vie de l’anonymat ou des caricatures médiatiques. Le développement tentaculaire acharné de cette enquête joue comme un décapant et une sommation à se réveiller… Après avoir lu ce livre-document, on se dit que toute vie humaine est unique, mystérieuse, précieuse, contient un enchevêtrement de signes rares à déchiffrer et reste un défi perpétuel pour tout écrivain.  Le livre incite plus secrètement à un pardon pour notre inattention quotidienne envers ceux qui nous entourent..  Le scandale apparait que tout vie se volatilise dans la nuit. Une fois le livre refermé on regarde les gens qu’on croise dans la rue autrement. Il y a un étonnant bruit de feuilles mortes, de proches disparus, de portraits qui s’effacent. Des vagues d’humains  roulent dans la nuit.

 Il y a  donc de l’Antigone dans ce Grégoire  Bouillier. Il veut donner une sépulture littéraire à cette femme qui fut belle et s’infligea un terrible supplice.  Autre intérêt du livre :Bouiller procède comme André Breton dans « Nadja » en mêlant entre les pages  les photocopies et documents illustrés à la prose. Et comme André Breton-le-surréaliste, avec le plus petit détaille (par exemple que Marcelle Pichon adore les trains ou un certain type de vêtements blancs) Bouiller se fabrique tout un film, émet un faisceau d’hypothèses qui fendillent l’épaisse croûte de la banalité et de l’indifférence quotidienne. Il cherche une densité poétique derrière cette femme qui le hante et veut mettre à jour ce qui nous dépasse infiniment sur le plan rationnel.   Bouillier, par son talent   nous persuade qu’il n’y a rien de banal ni d’ordinaire dans une vie mais qu’elle est bordée de surnaturel de manière à la fois inquiétante, vertigineuse et électrisante.. Enfin l’humour, l’ironie, nous aident à suivre les découragements dans l’enquête, les doutes, les révoltes devant ce projet fou nous rendent l’auteur proche et sympathique. Il y a une  joie à découvrir avec l’auteur l’emplacement  où la femme est enterrée, découvrir qu’elle a eu un fils, deux mariages, etc. L’emploi des italiques est excellent, ainsi que les multiples références littéraires.

Le meilleur à mon sens est la manière dont Bouillier libère son énergie pour nous faire sortir du côté routinier d’une vie, et de retrouver le cœur du mystère d’un passage sur terre d’un individu. Là, c’est énergique,   finement  compassionnel, et ça  rappelle la ferveur de Truffaut dans « La chambre verte » quand il s’adresse à ses morts préférés. Je ne cache non pus de nombreux tunnels, des dialogues interminables et répétitifs avec sa collaboratrice féministe et vers la fin de pures pages de remplissage complètement inutiles.

Mais cette exploration enquête dégage une sacrée phosphorescence. Le livre secoue. Il mériterait un grand prix d’automne. Le Prix Décembre qui lui fut attribué en 2017 était d’un bon présage.

20 réflexions sur “Grégoire Bouillier met le feu à la Rentrée littéraire

  1. Le Dossier M était aussi un livre extraordinaire. Je suppose que selon qu’on l’a lu ou non avant Le cœur ne cède pas, l’attention se focalise plus ou moins sur les dispositifs littéraires mis en œuvre, la façon de raconter l’histoire ( et de tresser différents fils, dont le fil autobiographique).
    Par ex. ici le statut du personnage « Penny » me paraît plus problématique que ce qui en est dit dans votre article ( mais c’est peut-être à dessein).
    J’avais à l’époque écrit qq mots sur votre blogue, soulignant l’utilisation de l’adresse au lecteur ds ce Dossier M. Je n’avais pas dû être très convaincante… Toujours est-il qu’on voit dans ces 2 ouvrages que le « genre » littéraire et la seule histoire racontée ( réduite à son anecdote, présentée ds une chronologie linéaire) ne permettent pas de prédire la valeur d’un texte ni, tout simplement, l’intérêt et le plaisir qu’on prendrait à leur lecture. Une nième autobiographie ? Une nième exofiction ? Le milieu de l’art « conceptuel » pour le 1er, celui des maisons de couture pour le 2nd ? Tout à fait secondaires, presque marginaux ds l’expérience de la lecture. ( C’est pour cela que je trouve l’appellation « livre- document » non seulement réductrice mais en contradiction avec tt ce que vos en avez dit avant. Oui les documents pullulent, & débordent, consultables sur un site ad hoc — ce qui, soit dit en passant, soulève qq questions par rapport à la « clôture » du texte sans la remettre tt à fait en cause.)
    On voit aussi que contrairement à certains préjugés tenaces la « littérarité » d’un texte ne se confond pas avec un «  beau style » orné, tr « écrit » (différencié de l’oralité). La voix donne une impression de spontanéité mais elle s’articule à une composition élaborée, réfléchie, tt sauf paresseuse.

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  2. Ce qui m’étonne un peu, sur un forum littéraire voisin (ou même ici, avant votre article), ce sont les réactions hostiles a priori (de la part de ceux qui n’ont pas lu le livre).
    Sa longueur inhabituelle y est certainement pour qqch, mais je me demande si un livre perçu comme relevant d’une autre catégorie, d’un
    genre ou sous-genre littéraire différent, aurait provoqué le même agacement. À ma connaissance, romans-fleuves, sagas & surtout autobiographies exhaustives, à rallonges, n’ont pas totalement disparu de la circulation …
    C’est la raison pour laquelle je résiste (en dépit du bon sens, pourrait-on penser) à la classification « document(aire) », & non par esprit de contradiction.
    Malgré les apparences, il ne s’agit pas d’un (très, très) long « reportage » (j’emploie délibérément le terme*), mais bien d’un texte littéraire, qui porte en couverture le sous-titre « roman » (& non « enquête » par ex., même si « le paradigme de l’enquête » travaille ce roman — & bcp d’autres depuis un certain temps). Les procédures & les lieux communs de l’enquête policière sont bien présents, & même mis en évidence (comme ce mur d’images sur le site associé au livre) — le narrateur « se la joue » détective (la présence d’une p’tite pépée en témoigne, mais le personnage « Penny » (délestée d’un certain nombre de stéréotypes, mais dotée par son créateur d’un cerveau & d’un sens de la repartie) remplit d’autres fonctions : celles de la confidente du théâtre classique, & de représentante ds le texte de la jeune génération). Le « jeu » n’exclut pas le sérieux, mais permet l’ironie & notamment l’auto-ironie. L’enquête historique avec exploration des archives occupe une place importante & aussi « l’enquête sur soi » — une intersection, l’enquête généalogique (Œdipe es-tu là ? Qui est le père de l’un, où est passée la mère de l’autre, etc.) — chacune avec son propre suspense, ses propres rebondissements. Les liens entre ces différentes formes d’enquête sont forts (plutôt que plaqués pour les besoins du livre & justifiés a posteriori), les motifs communs entrent en résonance sans identification excessive (ce qui équilibre la tendance centrifuge ; mais celle-ci constitue inversement un formidable rempart contre le nombrilisme d’une part & le mauvais usage du fait divers — « faire diversion » (sociale, historique & politique) — d’autre part. Donc pas un fourre-tout mais un numéro d’équilibriste.)

    Rien à voir avec un article délayé à l’extrême & auquel on aurait ajouté un peu de tout pour épaissir & faire masse.
    C’est important : on peut se dispenser de la lecture d’un nième reportage (ou d’une nième auto- ou exofiction au format livre qui, hélas, ne s’en distingue sur aucun plan) à propos d’un nième fait divers ou d’une nième célébrité — en allant directement au « résultat », aux conclusions, en les court-circuitant via Internet (en « googlant » l’auteur aussi, éventuellement) : on n’y perd généralement rien, & on gagne effectivement du tps. Notre curiosité (plus ou moins malsaine) sera satisfaite à moindres frais.
    En revanche ici c’est le parcours — la lecture — qui importe, & qui l’emporte sur la clef de l’énigme &/ou la révélation des petits tas de secrets des uns & des autres. Parce qu’il s’agit de littérature.
    Le rapport au langage & à la forme sont bien « littéraires » : ce qui ne veut pas dire « académique », & ne se confond pas avec l’utilisation d’un registre élevé ; & ce qui n’exclut absolument pas le ton parlé ; ni les références au cinéma, aux séries, etc. (tt dépend ce qu’on en fait).
    La stylisation & le souci de la forme sont manifestes (lorsqu’il synthétise les témoignages par ex., & s’offre une embardée grotesque au moment où il s’agit de faire contrepoids au Grand-Guignol).
    Il y a un vrai talent, une vraie maîtrise, une « vitalité discursive », une voix & une verve remarquables (que bien des animateurs baptisés un peu vite « romanciers ds l’âme », bien des écrivants-victimes plats, plats, plats, doivent lui envier, eux qui ne se situent même pas 100 coudées en-dessous : ils n’appartiennent pas à la même espèce).
    Le contraste m’évoquerait presque Coups de feu sur Broadway de Woody Allen : entre l’auteur intello mais besogneux de la pièce & le personnage de Cheech, joué ds le film par Chazz Palminteri, garde du corps (de la petite amie du parrain local, actrice catastrophique à la voix de canard, imposée ds un 1er rôle), celui qui sait & doit écrire n’est pas celui que l’on pourrait croire (ni celui « qui s’y croit »).

    * sans pour autant faire de Grégoire Bouillier un néo- ou crypto-mallarméen, quand même …
    Reste l’opposition entre une conception purement instrumentale du langage (simple « véhicule », transparent, sans valeur propre ni intérêt en dehors de ce à quoi il se réfère, des informations qu’il transmet, communique) & la perception de sa « fonction poétique » (y compris, bien sûr, en prose), de la part qu’il prend à la création d’une œuvre animée d’une vie propre & se suffisant à elle-même.

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  3. « Ce qui m’étonne un peu (…) , ce sont les réactions hostiles a priori (de la part de ceux qui n’ont pas lu le livre). »
    J’ai bien peur, chère Eléna, qu’en la matière nous ne soyons pas au bout de nos surprises, vous et moi. (suivez mon regard vers un écrivain qui a écrit pourtant un livre beau et intéressant (que « m » ‘avait été chaudement recommandé Kundera, si j’ose dire, et à qui a été infligée une sale blessure dans le cou il y a peu).

    A l’heure de l’ultra-rapidité, de l’ultra-fast-consommable, je ne suis pas rétive aux romans fleuves ou même aux sagas. (et ce bien je n’ai pas vraiment d’autre choix que de les réserver à mes vacances ou à mes arrêts maladie …) j’en ai quelques uns en réserve sur ma table de chevet et à l’esprit.

    @Paul
    En échange, je te présente sur un plateau ce livre que j’ai jugé excellent, pour ne pas dire chef d’oeuvre.
    https://www.babelio.com/livres/Mengiste-Le-roi-fantome/1375480

    sinon récemment je me suis laissée embarquer l’Anomalie qui, parfois, surtout arrivée à la partie médiane du roman, m’a fait beaucoup rire (mais lors, aux éclats – – peut-être d’ailleurs parce que j’ai rédigé dans ma vie pas mal de procédures …).

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  4. et je vais partir à la recherche de l’Antigone de Brecht, dont je n’avais entendu parler jusqu’à ce que dans le vacarme d’un grand repas de famille, ma nièce au teint si pâle et aux jolis cheveux me dise …

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  5. Pardon de squatter l’espace des commentaires.
    Je voudrais simplement préciser ceci (afin d’essayer d’éviter un malentendu) : je suis la première étonnée de me retrouver à faire l’apologie de ces deux ouvrages de Grégoire Bouillier.
    J’avais abordé avec bcp de méfiance Le Dossier M, je l’ai dit ailleurs.
    Mon avis sur son dernier livre n’est donc pas asséné du ht de certitudes inébranlables, mais correspond au contraire aux conclusions d’un débat intérieur & à la nécessité de m’expliquer, & d’abord à moi-même, pourquoi j’ai autant aimé ses romans.
    Cela n’aurait aucun intérêt pour d’autres s’il ne s’agissait (au-delà du seul « cas » Bouillier) de s’interroger sur ce qui « ns fait signe », pour ns attirer ou à l’inverse ns repousser, ds un livre pas encore lu, mais dont on a entendu parler (que l’on a vu, pris en main, rapidement feuilleté). Quelles caractéristiques sont ou non pertinentes, seraient/seront confirmées ou infirmées à la lecture in extenso ? (il me semble que là je parle de ce que ns serions/serons heureux d’avoir lu & non d’un absolu universel & figé, d’une norme imposée, d’un « ce qu’il faut avoir lu ».)

    Or avec Le Dossier M comme avec Le cœur ne cède pas, on a affaire à des livres qui, apparemment, de loin, ressemblent aux multiples produits déversés par l’industrie culturelle, tirant profit de l’actualité (criminelle ou scandaleuse), du voyeurisme du public & souvent de l’exhibitionnisme de leurs signataires, moins écrivains que « célébrités » parmi d’autres. Produits comptant (& pour cause !) bien davantage sur certaines particularités du sujet, des thèmes abordés, que sur leur écriture. Bref, des livres paresseux & sans véritable nécessité.
    D’où la nécessité d’insister sur d’autres caractéristiques, moins superficielles, moins visibles aussi, pour (r)établir la distinction.

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  6. Margotte, pt commun : condamner sans avoir lu, en tte ignorance de cause, en commettant une erreur de catégorie, pour des raisons (manifestement ds un cas, finalement ds l’autre) idéologiques.
    Différence : le faire sur un site censé être consacré à la littérature.

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  7. Annie Ernaux prix nobel de littérature 2022.
    je l’avais dit un jour sur ce blog, qu’elle était nobélisable … (ah ! parfois, j’ai du flair)
    et je m’aime bien quand je me congratule comme ça 🙂

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  8. sinon OK Grégoire Bouillier – noté sur mes tablettes.

    … je ne sais pourquoi mais en lisant ce billet, je pense à « Blonde » de Joyce Caroll Oates. très réussi, « Blonde ».

    haha. Annie Ernaux … c’est bien. Madame, chapeau ! (et puis ça va coller de l’urticaire à certains). un bel ensemble.

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    • Reconnaissons que dès 1984 F. Nourissier qualifie « La Place » de « miracle comme un écrivain n’en porte qu’un en lui ». Il ajoute : « Chaque petite honte, chaque humiliation ravalée deviennent le plus sourd et beau poème d’amour. […] [Annie Ernaux] étrangle toute sensiblerie. […] S’il s’agit d’un beau, d’un très beau livre, c’est comme par surcroît. […] Comme je serais heureux si je vous avais convaincu de lire La place ! » .A la sortie d’ »Une Femme »en janvier 1988 il écrit : « Quiconque a connu la terrible modestie des pauvres, leur honneur toujours à vif, leur pudibonderie, quiconque a mesuré l’humiliation d’un père ou d’une mère qui n’arrive plus à ‘suivre’ son enfant lira « Une Femme » avec le cœur serré. […] Annie Ernaux est un des meilleurs [écrivains] parmi ceux apparus depuis une douzaine d’années »

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  9. Je me demande si le texte devNourrissier n’est pas lus beau que celui d’Ernaux, ses grisailles, ses amours. Il y a du George Sand vieillie là dedans. Et puis est-ce un format de Nobel? On craint que non.

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  10. Elena, de grâce, laissez-moi le beau style qui tranche, la musique interne, l’originalité, dans les critères d’appréciation d’un texte. Si Bouiller ne les a pas, je ne le lirai pas. C’est aussi simple que ça.Mais Je ne me tournerai pas l’esprit pour inventer des raisons de trouver sublime ce qui apparemment ne l’est pas selon les voies ordinaires.,. Bien à vous. MC

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  11. ha ! je le savais que monsieur Court vous seriez réticent.

    beaucoup d’ampleur, en dépit d’une écriture fine, serrée, intériorisée, parfois réduite à l’essentiel, chez Annie Ernaux, vous savez : les petites vies, les petites villes, le phénomène de transfuge de classe, les émois, joies, chagrins et douleurs d’enfant et de jeune fille, des chambres de jeune fille puis de jeune adulte et de femme mûrissante, le couple, l’adultère, l’amour, la passion, la sexualité, l’avortement, les enfants, la famille, la Normandie, les contraintes connues par les femmes, ce qu’elles absorbent, revendiquent, acceptent, rejettent, font d’elles-mêmes, l’attente, le frein rongé, l’angoisse, les rapports de classes, de domination, l’individu – le groupe, les aspirations sans suite ou avec suites, le petit commerce, l’éducation, l’enseignement, l’école, le lycée, la découverte de la littérature, la littérature, devenir/être écrivain, écrire, l’écriture, la maladie, la vieillesse, la France, le temps.

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  12. Je vous parle ici que de ses romans.
    (je ne me suis jamais vraiment intéressée à Annie Ernaux femme publique, médiatique. je n’ai lu aucune de ses tribunes, prises de position en faveur de telle ou telle cause).
    Je ne me suis jamais tenue qu’à Annie Ernaux écrivain.

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    • Je ne m’intéresse de moins en moins aux positions publiques, aux déclarations politiques des écrivains depuis quelque temps car c’est devenu une méthode actuellement pour évacuer l’œuvre, la détruire ou tout simplement l’ignorer. Un nouveau moralisme a surgi.. .désormais il suffit de dire que Malraux a volé des statues dans sa jeunesse pour contester l’écrivain ou rappeler la conduite de Gide au Maroc pour balayer son œuvre de mépris.., Avec Annie Ernaux on lui reproche tellement de choses.. depuis l’affaire Richard Millet jusqu’à son ultra gauchisme etc etc.. .Proust! reviens! ton contre Sainte-Beuve n’a servi à rien.

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  13. Allons bon, moi qui essayais précisément de différencier ds les critères d’appréciation d’un texte, une idée figée & restrictive du « beau style » (que je me garde bien de vs attribuer automatiquement en retour, notez-le) & l’absence de réflexion sur le langage, l’indifférence au style (car il y en a tjs un), la négligence involontaire ou, bcp plus rarement, délibérée.
    Non, pour un auteur, privilégier la « voix », « jouer » le langage, la narration adressée (c’est sans doute davantage le cas ds Le Dossier M) & les intrusions ds le récit, dédoubler l’instance narrative, faire flèche de tt bois, oraliser pour dynamiser, pasticher ou parodier un genre, clins d’œil à l’appui, ce n’est pas nécessairement choisir la facilité, niveler par le bas.
    C’est une autre forme d’écart par rapport au langage « ordinaire », que l’on entende par là celui qui traîne partout ou celui de la communication, simple véhicule (tendant idéalement à la disparition, la prise correcte du médicament, ou à la conversion en simple « code ».

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  14. (Je répondais à MC). Continuons.
    Je « n’invente » rien, & certainement pas des raisons spécieuses pour me justifier &/ou par envie de « prescrire » (la lecture est solitaire).
    Il m’arrive d’hésiter, la lecture d’un échantillon limité n’étant pas tjs probante ; j’ai la faiblesse de penser que lire vraiment un texte, c’est lui offrir des conditions de réception suffisamment bonnes : un minimum d’ouverture d’esprit vis-à-vis de la nouveauté, en soi ou pour moi, & de patience (vertus apparemment passées de mode).

    « trouver sublime ce qui apparemment ne l’est pas selon les voies ordinaires » :
    1) que vient faire le sublime là-dedans ? Celui du pseudo-Longin & de Burke ou celui de Marguerite D. ? Je ne vois pas ce qui me vaut ce genre de pique — tt à fait à côté de la plaque, à moins qu’il ne s’agisse de phagocyter ou travestir ce que j’ai écrit pour les besoins de la polémique.
    2) « apparemment ne l’est pas » — mais pour qui ?
    Pour ces gens sur la Rdl qui pensent bénéficier de la science infuse, qui « ont trouvé la voie » & se portent eux-mêmes garants de leur infaillibilité supposée (c’est plus pratique) ?
    Il est certain que par « les voies ordinaires » qu’ils empruntent, il n’y a pas à tortiller (Berthet), c’est aussi simple que ça.

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  15. L’agacement est mauvais conseiller : la 1ère phrase de mon commentaire de 3:44 ne tient pas debout.
    J’essayais plutôt de défaire un couplage forcé, une fausse alternative selon laquelle on ne pourrait avoir affaire qu’ au « Beau Style » (version unique, selon une définition étroite & figée) OU BIEN à une absence de réflexion sur le langage, indifférence au style, négligence (en général involontaire, par incapacité).

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  16. Opération de vérification : reprendre le livre, ouvrir au hasard & relire.
    & là on se calme tt de suite, on donne raison à P. Bayard à propos des livres écrans & des livres intérieurs, du processus d’oubli qui s’enclenche immédiatement, du remaniement (par son propre imaginaire) que chacun fait subir à ce qu’il a lu — ce pourquoi ns ne parlons jamais du même livre.
    Je ne mettrais plus l’accent sur les mêmes choses ; cette fois c’est la mobilité (le terme est à prendre en bonne part) du narrateur qui me frappe. Sa capacité à ne pas s’engluer ds la posture attendue alors même qu’il circule ds des zones infestées de clichés. Son énergie & son ingéniosité.
    Je n’ai pas « changé de camp », ou plutôt mon petit récif solitaire, depuis lequel j’adresse des signaux (ou bien j’envoie des bouteilles à la mer), les uns & les autres probablement incompréhensibles, cet îlot donc se situe toujours ds le même archipel que celui de Paul Edel.
    Mais je vois bien mieux pourquoi & comment l’écriture & les procédés peuvent susciter chez certains des intolérances (au sens médical de réaction de l’organisme) sans qu’il faille pour autant les soupçonner d’intolérance-parti pris ou sectarisme.

    …-.-

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  17. Pingback: Grégoire Bouillier – Le cœur ne cède pas | Sin City

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