Le Net propose des centaines de blogs et des milliers de commentaires. Chaque jour, comme les marées d’équinoxe, l’intelligence éphémère de l’humain s’y répand et s’y étale en mille réseaux d’opinions, de conseils, de revendications. Désordre d’une conversation surréaliste qui dérive loin du sujet principal proposé par le taulier.
Le blog littéraire- déversoir de jugements à l’emporte-pièce, ou savant plaidoyers pour jugements nuancé- publie presque tout, accueille presque tout .Il peut être chambre d’enregistrement de débats, ou nettoyage par le vide, salon mondain ou assommoir, bistrot de quartier ou buffet de gare pour romans du même nom… Les blogs littéraires défient le bon gout et la politesse de la Culture académique. Il se métamorphose en une foire d’empoigne, en piste de clowns, en débats d’érudits hargneux, vire acte d’accusation, se fait ring pour mauvais coucheurs , ou serre pour Narcisses. La République de Livres de Pierre Assouline est excellent dans cette catégorie, car il y mêle aussi de fins lettrés, des universitaires vivant à l’étranger, des journalistes historiens, des ombrageux orageux, des solitaires, des dingos du passé, des infatigables fournisseurs d’anecdotes oubliées dans les sables du temps, des vrais cinéphiles, des Fouquier-Tinville, des Savonarole, des batifoleuses du dimanche , des déchireurs d’illusions, des abbés, quelques modérés sympas, et même des érudits calmes.

Un vrai bon blog se doit d’encourager de vrais forbans qui prennent les romans à l’abordage, de militants de Gauche ou de Droite de mauvaise foi. Il doit attirer des exilés du bout du monde, des érudits qui connaissent leur Laurent Sterne sur le bout des doigts. Il faut des dialecticiens ,des blagueurs du fond de court, un cocktail de mélancoliques et de furieux, d’anonymes et de célèbres., de laconiques et de bavards, des manichéens et quelques Diafoirus, beaucoup d’enthousiastes et quelques culs serrés.
Un vrai blog vit avec des roueries, des exaltations, des redites, des prêcheurs et prêcheuses, une bonne dose de nihilisme clair et net, réunions de nocturnes et des diurnes, de dames de cœur et d’as de pique; il y a ceux qui mordent à pleins crocs et de souples félins qui griffent avec affabilité. Le machiste rencontre la pétroleuse féministe et tout ça fait d’excellents blogueurs.. Si votre blog devient plan plan comme une Mer de tranquillité pour rares initiés (ce qui guette parfois le mien) c’est foutu.
Donc réjouissons nous que dans ce déversoir des exaltés côtoient des incrédules ou des forçats de Wikipedia remplissent toutes les cases des savoirs et techniques sans rien y comprendre. Blog carrefour avec des timides qui heurtent des fanfarons, des enthousiastes qui percutent des blasés, des astrologues et prophètes de malheur qui ne découragent pas les éternels optimistes. On se réjouit des commérages, de ceux qui trahissent la confiance d’un autre blogueur, tandis que la manie de railler se propage comme un virus sur des pages entières de commentaires et gangrènent pendant des semaines, les meilleurs blogs. De la féministe furieuse au paillard, du diariste glacial au charlatan philosophique, de l’épistolier sentimental, à l’obsédé de l’endive, du latiniste sourcilleux ou au blablateur cynique, du thésard obsédé par la part d’occultisme dans les poèmes de Nerval au dernier marxiste léniniste tous forment une danse ,une sarabande, une foire de bonimenteurs exaltés ,une réunion de pédagogues anonymes, on tient en la grande parlerie surréaliste , halluciné, comique, qui emplit de joie et de fracas l’ennui des matinées d’hiver.

Si de grands fréquenteurs de bibliothèques passent de la poésie chinoise à la Bible du roi Jacques ou des stèles de Segalen au Satires de Juvénal ou aux « Choses vues » de Victor Hugo, c’est le paradis! Si c’est un auteur frustré qui refile ses pages refusées, la rigolade n’est pas loin. Bénissons là mes frères. Le blogueur, obsessionnel avec ses questions inattendues , déréglant et désorientant les bavardages familiers est aussi à préserver, sorte de stylite dans son désert.
Le bon blog charrie tout . On déterre souvent des ensevelis, promenade au clair des lune parmi les oubliés des dictionnaires…Que certains prennent un blog pour une abbaye et prient à genoux, sur des dalles froides c’est momentanément fascinant. Enfin .Torrent certains jours, ruisseaux en plein asséchements à d’autres jours. Blog carnet de voyage, blog déclarations d’amour, substitut du divan de psychanalyste, recettes de cuisine ou blog cinéphilique, blog brèves de comptoir, tout se mêle, se tisse, s’enchevêtre, se chevauche pour produire quelque chose de curieusement irréel dans ce mouvement brownien de construction destruction. Le robinet à opinions coule jour et nuit. Tribune pour accusateurs publics, tour de Babel, Samu social, parking de solitaires, bureau des légendes, comité de lecture improvisé ,salon des refusés, catharsis, debriefing, intuitions soudaines, blagues idiotes, délivrance libidinale, confessionnal ouvert de nuit comme de jour, c’est aussi un trottoir roulant où se croisent rationalistes et lyriques, mystiques ou ironistes, universitaires imbus de leur savoir et naïfs sympas, mondains ou rustiques, misanthropes ou charmeurs, sarcastiques ou crédules, féroces ou compatissants. Des milliers de « moi-je » forment une cacophonie burlesque, un laboratoire d’ invectives, un miroir de notre époque brisé en mille morceaux qui forme illuminations, escapades, et reflets si étonnants de ce que nous sommes vraiment. En tout cas , prions mes frères, pour que les blogs littéraires survivent.

Prions pour que le foutoir continue et prospère.. Préservons ce bal masqué gigantesque, infini, enfiévré , coloré, endiablé , on peut s’y mêler sans carton d’invitation, s’inventer des passés, des avenirs, du présent, s’ entre-dévorer , se repérer, se réparer, se marrer, se délivrer, déclarer ses amours dans la clandestinité. Quel grand restaurant ,quelle cantine chahuteuse, à une époque ou les lourds médias font assaut de conformisme et de façonnement industriel des esprits, je savoure ma propre contribution car elle ressemble à un une virgule d’un rouge vif au sein de l’amer train, du monde , comme un dessin d’enfant coloré sur l’uniformité grise des malheurs de la planète. En tapant sur le clavier comme les paroles d’une chanson sifflée sur un chantier. Vite écrit, mais pas si vite oublié.
Merci à « m’enfin » pour les bémols apportés.
Courageuse mais pas téméraire, j’avais prévu de m’abriter derrière le protagoniste du roman de Julio Cortázar, Rayuela/Marelle :
« Il avait assez observé les choses pour savoir l’importance de celle qui colle au nez de chacun et échappe à la plupart : le poids du sujet dans la notion de l’objet. […] Ce pourquoi Oliveira penchait à croire que […] son enfance parmi des oncles solennels, des amours contrariées pendant l’adolescence et une tendance à l’asthénie pouvaient être des facteurs déterminants dans sa façon de voir le monde.
À dix ans, par un après-midi d’oncles et de pontifiantes homélies historico-politiques sous des platanes, il avait timidement manifesté sa première réaction contre le très hispano-italo-argentin « c’est moi qui vous le dis ! » accompagné d’un coup de poing péremptoire. Glielo dico io ! […] Ce moi […] quelle valeur probatoire a-t-il ? […] À quinze ans, il avait appris « je sais seulement que je ne sais rien », la ciguë consécutive lui avait paru inévitable, on ne provoque pas ainsi les gens, c’est moi qui vous le dis. Plus tard, cela l’amusa de constater que, dans les formes supérieures de la culture, le poids des autorités et des influences, la confiance que donnent les bonnes lectures et l’intelligence engendraient aussi leur « c’est moi qui vous le dis », habilement dissimulé sous des « j’ai toujours pensé que », « si je suis sûr de quelque chose c’est bien de », « il est évident que », rarement compensé par une vision détachée du point de vue opposé. Comme si l’espèce veillait dans l’individu pour ne pas le laisser trop s’avancer sur le chemin de la tolérance, du doute intelligent, du va-et-vient sentimental. »
(Tout en se méfiant de la facilité et du danger de « la lucidité terrible du paralytique », laquelle, « à force de craindre l’excessive localisation des points de vue », « débouche sur l’inaction ».)
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Pour noircir un peu ce beau papier quand a son sujet je dirai
1que couve a la rdl en permanence et contrairement à votre blog une guerre d »egos toujours prête à déraper dans les extrêmes que seuls quelques fins duellistes savent écarter alors que d autres ont préféré fuir pour aller chez vous et ailleurs Non point que que je ne sache la saveur de l immodéré mais justement
2 il regne une modération et un esprit tels qu apparaissent peu de neophytes que des intrevenautes s’excluent ;que l outrance n y soit pas admise au profit de conformisme réactionnaire et que se maintienne in fine un petit goût sciences po de sorte que les intervenants s adressent bien à un taulier quand ce n est pas a un hôte avec flagornerie
3 vive Edel vive Bouguereau
impression que les intervenants s adressent plus à un taulier qu a un hôte
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Cher Paul Edel,
J’apprécie tellement la générosité de ce billet et sa justification sur l’autre chaine concernée, que je vous demande la permission de le sauvegarder, débarrassé de ses quelques scories. Mais surtout, je vous prie de n’en prendre aucun ombrage.
Merci infiniment,
« Le Net propose des centaines de blogs et des milliers de commentaires. Chaque jour, comme les marées d’équinoxe, l’intelligence éphémère de l’humain s’y répand et s’y étale en mille réseaux d’opinions, de conseils, de revendications. Désordre d’une conversation surréaliste qui dérive loin du sujet principal proposé par le taulier.Le blog littéraire -déversoir de jugements à l’emporte-pièce, ou savant plaidoyer pour jugements nuancés- publie presque tout, accueille presque tout. Il peut être chambre d’enregistrement de débats, ou nettoyage par le vide, salon mondain ou assommoir, bistrot de quartier ou buffet de gare pour romans du même nom… Le blog littéraire défie le bon goût et la politesse de la Culture académique. Il se métamorphose en foire d’empoigne, en piste de clowns, en débats d’érudits hargneux, vire en acte d’accusation, se fait ring pour mauvais coucheurs , ou serre pour Narcisses. La République de Livres de Pierre Assouline est excellent dans cette catégorie, car il y mêle aussi de fins lettrés, des universitaires vivant à l’étranger, des journalistes historiens, des ombrageux orageux, des solitaires, des dingos du passé, des infatigables fournisseurs d’anecdotes oubliées dans les sables du temps, des vrais cinéphiles, des Fouquier-Tinville, des Savonarole, des batifoleuses du dimanche, des déchireurs d’illusions, des abbés, quelques modérés sympas, et même des érudits calmes.Un vrai bon blog se doit d’encourager de vrais forbans qui prennent les romans à l’abordage, de militants de Gauche ou de Droite de mauvaise foi. Il doit attirer des exilés du bout du monde, des érudits qui connaissent leur Laurence Sterne sur le bout des doigts. Il faut des dialecticiens, des blagueurs du fond de court, un cocktail de mélancoliques et de furieux, d’anonymes et de célèbres, de laconiques et de bavards, des manichéens et quelques Diafoirus, beaucoup d’enthousiastes et quelques culs serrés.Un vrai blog vit avec des roueries, des exaltations, des redites, des prêcheurs et prêcheuses, une bonne dose de nihilisme clair et net, des réunions de nocturnes et de diurnes, de dames de cœur et d’as de pique ; il y a ceux qui mordent à pleins crocs et de souples félins qui griffent avec affabilité. Le machiste rencontre la pétroleuse féministe et tout ça fait d’excellents blogueurs. Si votre blog devient plan plan comme une Mer de tranquillité pour rares initiés (ce qui guette parfois le mien), c’est foutu.Donc, réjouissons nous que dans ce déversoir des exaltés, se côtoient des incrédules ou des forçats de Wikipedia remplissant toutes les cases des savoirs et techniques sans rien y comprendre. Blog carrefour avec des timides qui heurtent des fanfarons, des enthousiastes qui percutent des blasés, des astrologues et prophètes de malheur qui ne découragent pas les éternels optimistes. On se réjouit des commérages, de ceux qui trahissent la confiance d’un autre blogueur, tandis que la manie de railler se propage comme un virus sur des pages entières de commentaires et gangrène pendant des semaines, les meilleurs blogs. De la féministe furieuse au paillard, du diariste glacial au charlatan philosophique, de l’épistolier sentimental, à l’obsédé de l’endive, du latiniste sourcilleux ou au blablateur cynique, du thésard obsédé par la part d’occultisme dans les poèmes de Nerval au dernier marxiste léniniste, tous forment une danse, une sarabande, une foire de bonimenteurs exaltés, une réunion de pédagogues anonymes. On tient là la grande parlerie surréaliste, halluciné, comique, qui emplit de joie et de fracas l’ennui des matinées d’hiver. Si de grands fréquenteurs de bibliothèques passent de la poésie chinoise à la Bible du roi Jacques, ou des stèles de Segalen aux Satires de Juvénal ou aux « Choses vues » de Victor Hugo, c’est le paradis ! Si c’est un auteur frustré qui refile ses pages refusées, la rigolade n’est pas loin. Bénissons le, mes frères : le blogueur, obsessionnel avec ses questions inattendues, déréglant et désorientant les bavardages familiers, est aussi à préserver, sorte de stylite dans son désert.Le bon blog charrie tout. On y déterre souvent des ensevelis, promenade au clair de lune parmi les oubliés des dictionnaires… Que certains prennent un blog pour une abbaye et prient à genoux, sur des dalles froides, c’est momentanément fascinant. Enfin, torrents certains jours, ruisseaux en plein asséchements à d’autres jours. Blog-carnet de voyage, blog-déclarations d’amour, substitut du divan de psychanalyste, recettes de cuisine ou blog-cinéphilique, blog-brèves de comptoir…, tout se mêle, se tisse, s’enchevêtre, se chevauche pour produire quelque chose de curieusement irréel dans ce mouvement brownien de construction-destruction. Le robinet à opinions coule jour et nuit. Tribune pour accusateurs publics, tour de Babel, Samu social, parking de solitaires, bureau des légendes, comité de lecture improvisé, salon des refusés, catharsis, debriefing, intuitions soudaines, blagues idiotes, délivrance libidinale, confessionnal ouvert de nuit comme de jour, c’est aussi un trottoir roulant où se croisent rationalistes et lyriques, mystiques ou ironistes, universitaires imbus de leur savoir et naïfs sympas, mondains ou rustiques, misanthropes ou charmeurs, sarcastiques ou crédules, féroces ou compatissants. Des milliers de « moi-je » forment une cacophonie burlesque, un laboratoire d’invectives, un miroir de notre époque brisé en mille morceaux qui forme illuminations, escapades, et reflets si étonnants de ce que nous sommes vraiment.En tout cas, prions mes frères, pour que les blogs littéraires survivent. Prions pour que le foutoir continue et prospère. Préservons ce bal masqué gigantesque, infini, enfiévré, coloré, endiablé ; on peut s’y mêler sans carton d’invitation, s’inventer des passés, des avenirs, du présent, s’ entre-dévorer, se repérer, se réparer, se marrer, se délivrer, déclarer ses amours dans la clandestinité. Quel grand restaurant, quelle cantine chahuteuse !… À une époque où les lourds médias font assaut de conformisme et de façonnement industriel des esprits, je savoure ma propre contribution car elle ressemble à un une virgule d’un rouge vif au sein de l’amer train du monde, comme un dessin d’enfant coloré sur l’uniformité grise des malheurs de la planète, en tapant sur le clavier comme les paroles d’une chanson sifflée sur un chantier. Vite écrit, mais pas si vite oublié ».
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Paul,
maigre est le contraire de gras. Vous dressez là un sacré inventaire. À savoir si tout est faux.
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Je vous signale aussi que votre petit caractère en italique maigre est plutôt difficile à lire! :)
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« Désordre d’une conversation surréaliste« , vous trouvez vraiment, Paul Edel? Faire un dessin, le cacher à une seconde personne qui en fait un autre et puis qui le cache aussi pour le dessin d’ une troisième personne, voilà une pratique surréaliste! Mais sur le blog, tout le monde voit et peut aisément lire le ou les commentaires précédents… Mais votre texte ouvre à la discussion, c’est déjà çà. Bien à vous.
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Alerté par le Passoul flatté, j’accours et suis ébloui-ssé. Bien sûr, Laurence Terne (sic, un tiqué pour le fun ? ). Perso, j’apprécie que vous vous soyez inclus dans cette marée chaussée. Edèle, êtes un saint’Paul, observateur participateur, foutraque à souhait, qu’on n’oublie pas. Bien à vous, à jamais… —
Mais pourquoi des polices en italiques ? Les keufs romains n’auraient-ils plus droit de cité ?…
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