Une belle matinée

Personnages

Ghislaine, plus de soixante ans

Alain, plus de soixante ans

Décor

Une villa en bord de mer ,un matin de printemps .Un salon large et démodé avec un bureau ancien encombré ,un fauteuil et un canapé . Beaucoup de livres usagés, des paperasses, des piles de vieux journaux, quelques tableaux .Une table basse.

Au fond, à travers la porte-fenêtre, on distingue un jardinet puis la digue et la mer.

Alain boit son café à son bureau et Ghislaine boit un thé à la table basse.

Alain. L’hiver est passé.

Ghislaine.Quel soulagement.

Alain .On va bien dormir cette nuit. La marée est haute , 101,les vagues vont nous bercer. Toutes ces nuits de printemps où on va bien dormir., où les vagues vont nous bercer.

Ghislaine. Pendant lesquelles on va bien dormir.Pendant lesquelles les vagues vont nous bercer. Fais un peu attention tu n’aurais jamais fait ce genre de faute il y a dix ans.

Alain. On dort tellement mieux en vieillissant,on dort tellement mieux quand vient le printemps, on dort tellement mieux quand on est seul et vieux.

Ghislaine.Cet été sera chaud. Ils viennent de le dire à la radio. Tu imagines la porte-fenêtre grande ouverte ,le ciment brûlant sous les pieds,le sable dans les espadrilles, la légère brise, la mer.. Le chant des volleyeuses au loin sur la plage..

Alain.Les cuisses.. .Le chant des cuisses des volleyeuses. …(il se verse du whisky dans sa tasse à café et boit d’un coup sec)

Ghislaine.Si tu veux… le chant des cuisses des volleyeuse. (Pause)

Jamais nous n’aurions profité de ces moments là au début de notre mariage. Jamais.

Alain. Nous ne profitions de rien.(Un long temps) Tu étais toute jeune, toute dodue. Quand on y pense quel couple déplorable nous formions. Un si jeune couple déplorable. Empotés. Toutes les chose que nous avion envie de faire et que nous ne faisions pas .

Ghislaine C’est normal, il faut un temps d’adaptation.

Alain.. Tu étais désirable dans ta jupe droite. Et je te désirais .Tu as raison il faut un temps d’adaptation pour embrasser une inconnue, ce n’est pas si évident que ça.

Ghislaine. Embrasser et pénétrer. Les films mentent beaucoup. Les romans aussi. L’Art aussi ment . Tes mains sur moi. C’était Jamais au bon endroit.

Ghislaine. Au fond, c’est incompréhensible , si on y réfléchit bien, un jeune corps qui entre dans un autre. (un temps) Il a fallu un voyage en Italie et un voyage au Mont Saint Michel pour que tu oses me toucher.. Et ce n’était pas au bon endroit.

Alain. A cette époque tes lèvres étaient toutes molles. Chaudes le matin. Tes mains si froides.


Ghislaine .Il nous a fallu un temps d’adaptation c’ est normal.

Alain. Nous restions assis sur le bord du lit dans les hôtels. Au Mont Saint Michel nous étions frigorifiés. Il pleuvait tout le temps. Tu couvrais tes mains dans les manches de ton grand pull jaune. C’est ce que je préférais. Ton air frigorifié.Tes mains cachées par ton pull. Avec ce geste je retrouvais la lycéenne que j’avais aimé.

Ghislaine. Tout ce que ne nous disions pas, tout ce qu’on gardait pour soi..Effarant. On ne parle pas assez de solitude des jeunes couples. Pauvres jeunes couples. J’ai pitié de nous.Nous étions si coincés, si peureux.

Alain. Au fond, il faut une bonne dose de vulgarité pour bien baiser.

Ghislaine . Je me souviens à Toulouse, un matin, nous sortions de l’hôtel dans une une grande avenue et des platanes ,il faisait très chaud , nous prenions un café face à un cinéma..tu m’as dit « le café n’est pas si mauvais que ça pour une ville du Sud » Il y avait des putes sur le trottoir en face ,en bas résille, il faisait un temps radieux. Tu étais radieux. Tu venais d’acheter trois bouquins dans une belle librairie.Elles étaient toutes débraillées en bustiers dans la ruelle , tu étais sauvagement intéressé… il y en avait plusieurs c’était le matin , une femme de ménage nettoyait les vitres du hall du cinéma.C’était un matin chaud, un matin de juin radieux, tout le monde avait l’air à l’aise, uine époque radieuse les putes buvaient dans un café en face et fumaient radieusement  et plaisantaient avec le patron et la patronne. Nous.. (un temps) nous étions encore un jeune couple.

(Un temps) Comment elle s’appelait cette gare ? A Toulouse.

Alain. Matabiau. Toulouse Matabiau.(un temps) Tu es sûre que j’ai dit : » le café n’est pas si mauvais que ça pour une ville du Sud »

Ghislaine. Absolument. Ça m’avait frappé. .

Alain. Tu m’étonneras toujours. (un long silence) Dans le train toute la nuit,à partir de Limoges. En gare de Limoges même, j’avais convoité tes genoux et tes cuisses. Les autres types dormaient. (un temps)Je te convoitais. Sans cesse. J’étais épuisé de te convoiter. A quoi ça rime tout ça ? Toutes ces émotions… Elles sont passées où ces émotions ? C e matin à Toulouse il est où ? Les émotions de ce matin là, de cette nuit là elles sont ou ? Tu étais si affriolante si dodue..

Ghislaine  Tu parles de qui ?

Alain. De toi.

Ghislaine. On ne dirait pas. On dirait que tu parles d’une autre. Je suis là.

(Long temps) Tu as connu d’autres jeunes femmes avant moi ?

Alain. Ma maîtresse d école.Une antillaise sensationnelle. J’étais épuisé à force de la regarder. Et puis l’ infirmière dans la salle commune de l’hôpital à Sétif.

Ghislaine . Ah.

Lui. J’allais fumer pendant des heures dans le couloir . Voilà, c’est tout ce qui me reste de la guerre d’Algérie. Des heures à fumer dans le couloir avec elle sans rien dire. Ma jambe m’élançait. Elle se lavait les mains dans un petit lavabo. Elle se frottait les mains avec une eptite brosse. Les reflets de l’eau sur le mur, sur ses mains. voilà mon meilleur souvenir de la guerre d’Algérie. Les reflets de l’eau sur ses mains. (il est ému)

Elle. Tu ne m’en a jamais parlé.

Lui. Je ne parlais pas. (long temps) Je ne parlais plus. Ça faisait des saloperies partout. Franchement je n’ai jamais vu autant de saloperies qu’à cette époque. A l’époque,mon père était absent. Ma mère restait immobile dans son fauteuil, immobile devant la télévision. Elle regardait Gilles Margaritis. La piste aux étoiles. Gilles Margaritis. C’était la génération Gabin Arletty, (il chantonne) ah le petit vin blanc qu’on boit sous les tonnelles.. ah le petit vin blanc qu’on boit sous les bombes.. merde. Quelle génération… Mon père et ma mère je ne les ai jamais vu s’embrasser .Ni même se frôler. C’était intenable.

Ghislaine. Moi les miens aimaient le sexe.

Alain. Ni même se toucher. Se toucher franchement. Ma chambre était à côté de la leur, quand ils se couchaient j’attendais un long moment, je sortais en douce dans le couloir . Je sortais de ma chambre pour écouter à leur porte. Et rien.

Ghislaine  . Et alors ?

Alain. Rien.(il se verse du whisky dans sa tasse de café)Ils ne faisaient aucun bruit. Aucun bruit. Comme s’il n’y avait pas de lit, pas de meubles, comme s’ils étaient partis. Parfois l’hiver ma mère toussait. J’entendais le dernier bus de nuit passer. Le clocher de Saint-Jean sonnait les demi et les quart mon père toussait, là lumière s’éteignait le dernier bus passait ,puis rien.

Ghislaine. Et tu te recouchais ?

Alain. Oui. Depuis quelque temps l’idée m’a effleuré qu’ils n ‘on pas eu de vie privée. Quand je vais sur leur tombe, je me dis qu’ils n’ont pas eu de vie privée.

Ghislaine. Ou bien ils ont eu chacun de leur côté une vie privée. Lui,la sienne, et..

Alain…. Et elle la sienne? Non. J’ai du mal à regarder leur tombe. A rester un moment devant leur tombe sans avoir cette idée là.

Ghislaine. Les miens parlaient longtemps dans le noir .(Un temps). Tu aimes que je te parle dans le noir ?…

Alain. . Beaucoup. (un temps) .Tu ne le fais pas assez.

Ghislaine. Ça reviendra.(un temps) Quand m’as tu remarqué pour la première fois ?

Alain. Au lycée Malherbe, en classe de première. Tu avais une jupe grise étroite.C’est la première fois que je te voyais en jupe. Une jupe qui découvrait tes genoux.Tu étais prés de la fenêtre et le soleil filtrait à travers ta jupe .Tes genoux ronds, parfaits, des genoux dodus. Tes genoux comme je n’en ai plus jamais vus .

Ghislaine.En cours de grec tu m’as demandé de te passer un crayon .

Alain. c’était en cours de dessin. Pas de grec. Je me souviens, nous dessinions des boites allumettes pour étudier la perspective. Chaque élève avait sa boite d’allumettes. Le prof nous demandait de dessiner cette boite d’allumettes « en respectant la perspective ». Il fallait apprendre les lois de la perspective. J’aimais beaucoup ce prof. Les autres profs faisaient dessiner des pommes et des bananes, parfois une salière ou une banane ,quels cons. moi j’avais envie de dessiner tes genoux . J’ai dessiné tes genoux. Et puis il y a eu la guerre d’Algérie.

Ghislaine. Où il sont ces dessins ? Les dessins de mes genoux.

Alain. Ils doivent être quelque part.

Ghislaine .Tu me regardais d’un air bizarre, étrange. Tu étais étrange. Tu étais inquiétant, j’en parlais avec mes copines, elles aussi te trouvaient inquiétant.

Alain. A l’époque, je me réfugiais à la piscine. La piscine était mon refuge. L’eau tiède. Les reflets qui bougent sans cesse. L’eau qui bouge jour et nuit. Je vois encore la ligne noire peinte au fond du bassin. Je pouvais regarder l’eau pendant des heures.Mes parents sont morts,les tiens aussi,mais l’eau bouge toujours.Il y a toujours des reflets qui bougent, il y en aura jsqu’àla fin des temps, ça me rassurait quand je fixais l’eau en sortant du lycée. les reflets nuit et jour. Il y avait des petits morceaux de moi qui se reconstituaient . Et le vert de la pelouse artificielle dehors.

Ghislaine . Tu pensais à ton infirmière de Sétif ? Celle qui se lavait les mains. ..

Alain. Non, ça c’était avant la guerre d’Algérie.

Elle. Quand est-ce qu’on est devenu un couple normal ?

Lui. Quand tu m’as avoué que tu détestais mon père.Il voulait toujours te faire des cadeaux bizarres. Dans les coins. Ça nous a fait rire. Ça nous a rapproché. Et.. Et puis il y a eu l’alcool. La meilleure période heureuse. À Paris. Nous allions dans ce petit restaurant de la rue des Canettes. Spécialité saumon Gravlax et vodkas… toutes sortes de vodkas…. polonaises, finlandaises, russes, suédoises..lettones.. entassées un immense frigo. La condensation sur les bouteilles qui sortaient du frigo. . Notre table étroite contre le frigo.Nous étions serrés. On avait largué les enfants. Le froid de l’alcool gras sur les lèvres.Sur tes lèvres,sur les miennes. Nous sommes nés là. Il y avait uner nounou dans la chambre des enfants. j’ai découvert dans cet étroit restaurant en forme de couloir combien la vie pouvait être être harmonieuse et formidable avec toi. Dans l’alcool. Avec l’alcool;a surgi la beauté du monde, comme une brume de chaleur.. il,suffit de changer de verre, on change de monde, on change..tout change.. nous buvions comme des trous . La baby sitter gardait les enfants, elle devait en baver dans la chambre des enfants.

Ghislaine.Oui, c’était un moment agréable.

Alain. Oui, tu changeais à chaque verre. C’était tres agréable de voir ton visage changer, devenir encore plus jeune, plus détendue  ton corps se laissait aller contre le mur.. plus doux, contre le mur, à cette table atroite . La patronne, cette petite dame maigre, avec une permanente atroce, changeait nos verres, elle apportait du saumon. Elle sortait les verres du comportement des glaçons, tout fumants. Et ca repartait.. Quand on change de verre ce cher vieux monde de putasserie s’en va, il suffit de et de changer de verre et ca repart , un verre propre et ça repart. On repartait tous les deux comme ça. On raffolait du sexe à cette époque. (un long temps) Quand je bois du Pur Malt je gagne le match contre le monde . Un à zéro. Non, deux à zéro. Toujours la même journée qui revient. Toujours la même matinée toujours la même soirée. Et toujours ma mère qui regarde Gilles Margaritis la piste aux étoiles. (un long temps) Dis moi : ce matin je suis d’une foudroyante sincérité.. (un temps) c’est si rare, un couple aussi sincère que nous. Tu vois ce matin en me levant, je n’avais aucune idée que nous alliions avoir une si grande sincérité , que nous reculerions les limites à ce point là. Qui aurait pu penser ce matin, au réveil, que nous irions aussi loin (Une pause) C’est bien de vieillir. De se connaître. Nous sommes sincères ,depuis quelques temps on ne se chamaille plus, on ne se désire plus, on est sincère.

(un temps) c’est si rare, un couple aussi sincère que nous.

Tu vois hier matin en me levant, je n’avais aucune idée que nous alliions avoir une si grande sincérité , que nous reculerions les limites de la sincérité. à ce point là. On ne se cache plus rien. Qui aurait pu penser ce matin, au réveil, que nous irions aussi loin (Une pause) C’est bien de vieillir.De se connaître. (un très long silence).

Ghislaine. Qu’est-ce que tu vas faire aujourd’hui ?

Alain. Je ne sais pas encore. Peut-être téléphoner à Camille; Ca faut longtemps que je l’ai pas eu au téléphone.

(il regarde le baromètre) Il va pleuvoir.

Ghislaine. (Elle prend des clés sur le bureau) Je prends la voiture.Essaie de t’ habiller correctement.

Alain. (seul, boit doucement) L’hôpital, ce n’était pas Sétif ! C’était Oran ! Bien sûr. Oran.

Fin.

(Les illustrations sont d’Antoni Tàpies)

7 réflexions sur “Une belle matinée

  1. La mauvaise langue dit: 20 janvier 2013 à 15h00
    « (…) dans l’art contemporain, j’aime beaucoup par exemple Tapies, dont j’ai découvert le musée cet été à Barcelone (où je retourne d’ailleurs en mars prochain). Là, je n’ai pas l’impression en regardant ses œuvres de voir devant moi des millions de dollars mais la grande tragédie de l’Homme contemporain. C’est bouleversant. »
    RdL 2013

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  2. Petit rappel pour demain, le bloomsday du 16 juin 1904. En hommage à Ghislaine et Alain.
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    je l’ai poussé à me demander en mariage oui d’abord je lui ai donné le morceau de gâteau à l’anis que j’avais dans la bouche et c’était une année bissextile comme maintenant oui il y a seize ans mon dieu après ce long baiser je pouvais presque plus respirer oui il a dit que j’étais une fleur de la montagne oui c’est ça nous sommes toutes des fleurs le corps d’une femme oui voilà une chose qu’il a dite dans sa vie qui est vraie et le soleil c’est pour toi qu’il brille aujourd’hui oui c’est pour ça qu’il me plaisait parce que j’ai bien vu qu’il comprenait qu’il ressentait ce que c’était qu’une femme et je savais que je pourrais toujours en faire ce que je voudrais alors je lui ai donné tout le plaisir que j’ai pu jusqu’à ce que je l’amène à me demander de dire oui et au début je voulais pas répondre je faisais que regarder la mer le ciel je pensais à tant de choses qu’il ignorait à Mulvey à Monsieur Stanhope à Hester à père au vieux capitaine Graves et aux marins qui jouaient au poker menteur et au pouilleux déshabillé comme ils appelaient ça sur la jetée et à la sentinelle devant la maison du gouverneur avec le truc autour de son casque blanc pauvre vieux tout rôti et aux petites Espagnoles qui riaient avec leurs châles et leurs grands peignes et aux ventes aux enchères le matin les Grecs les juifs les Arabes et dieu sait qui d’autre encore des gens de tous les coins de l’Europe et Duke Street et le marché aux volailles toutes gloussantes devant chez Larby Sharon et les pauvres ânes qui trébuchaient à moitié endormis les vagues gens qui dormaient dans leurs manteaux à l’ombre sur les marches les grandes roues des chars de taureaux et le vieux château vieux de milliers d’années oui et ces Maures si beaux tout en blanc avec leurs turbans comme des rois qui vous invitaient à vous asseoir dans leurs toutes petites boutiques Ronda et leurs vieilles fenêtres des posadas 2 yeux brillants cachés dans un treillis pour que son amant embrasse les barreaux et les cabarets entrouverts la nuit et les castagnettes et le soir où on a raté le bateau à Algésiras le veilleur qui faisait sa ronde serein avec sa lampe et O ce torrent effrayant tout au fond O et la mer la mer cramoisie quelquefois comme du feu et les couchers de soleil en gloire et les figuiers dans les jardins d’Alameda oui et toutes les drôles de petites ruelles les maisons roses bleues jaunes et les roseraies les jasmins les géraniums les cactus et Gibraltar quand j’étais jeune une fleur de la montagne oui quand j’ai mis la rose dans mes cheveux comme le faisaient les Andalouses ou devrais-je en mettre une rouge oui et comment il m’a embrassée sous le mur des Maures et j’ai pensé bon autant lui qu’un autre et puis j’ai demandé avec mes yeux qu’il me demande encore oui et puis il m’a demandé si je voulais oui de dire oui ma fleur de la montagne et d’abord je l’ai entouré de mes bras oui et je l’aï attiré tout contre moi comme ça il pouvait sentir tout mes seins mon odeur oui et son cœur battait comme un fou et oui j’ai dit oui je veux Oui.
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    Version originale
    I got him to propose to me yes first I gave him the bit of seedcake out of my mouth and it was leapyear like now yes 16 years ago my God after that long kiss I near lost my breath yes he said I was a flower of the mountain yes so we are flowers all a womans body yes that was one true thing he said in his life and the sun shines for you today yes that was why I liked him because I saw he understood or felt what a woman is and I knew I could always get round him and I gave him all the pleasure I could leading him on till he asked me to say yes and I wouldnt answer first only looked out over the sea and the sky I was thinking of so many things he didnt know of Mulvey and Mr Stanhope and Hester and father and old captain Groves and the sailors playing all birds fly and I say stoop and washing up dishes they called it on the pier and the sentry in front of the governors house with the thing round his white helmet poor devil half roasted and the Spanish girls laughing in their shawls and their tall combs and the auctions in the morning the Greeks and the jews and the Arabs and the devil knows who else from all the ends of Europe and Duke street and the fowl market all clucking outside Larby Sharons and the poor donkeys slipping half asleep and the vague fellows in the cloaks asleep in the shade on the steps and the big wheels of the carts of the bulls and the old castle thousands of years old yes and those handsome Moors all in white and turbans like kings asking you to sit down in their little bit of a shop and Ronda with the old windows of the posadas 2 glancing eyes a lattice hid for her lover to kiss the iron and the wineshops half open at night and the castanets and the night we missed the boat at Algeciras the watchman going about serene with his lamp and O that awful deepdown torrent O and the sea the sea crimson sometimes like fire and the glorious sunsets and the figtrees in the Alameda gardens yes and all the queer little streets and the pink and blue and yellow houses and the rosegardens and the jessamine and geraniums and cactuses and Gibraltar as a girl where I was a Flower of the mountain yes when I put the rose in my hair like the Andalusian girls used or shall I wear a red yes and how he kissed me under the Moorish wall and I thought well as well him as another and then I asked him with my eyes to ask again yes and then he asked me would I yes to say yes my mountain flower and first I put my arms around him yes and drew him down to me so he could feel my breasts all perfume yes and his heart was going like mad and yes I said yes I will Yes.

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  3. Ce passage est extraordinaire :  » A l’époque, je me réfugiais à la piscine. La piscine était mon refuge. L’eau tiède. Les reflets qui bougent sans cesse. L’eau qui bouge jour et nuit. Je vois encore la ligne noire peinte au fond du bassin. Je pouvais regarder l’eau pendant des heures.Mes parents sont morts,les tiens aussi,mais l’eau bouge toujours.Il y a toujours des reflets qui bougent, il y en aura jsqu’àla fin des temps, ça me rassurait quand je fixais l’eau en sortant du lycée. les reflets nuit et jour. Il y avait des petits morceaux de moi qui se reconstituaient »

    Le découvrant j’ai d’abord pensé à la fascination de David Hockney pour les piscines, la transparence de l’eau, les reflets, la surface et sous la surface. Mais lui, il y cherche les corps, les plongeons. Vous c’est autre chose, les reflets dans l’eau agitée puis le retour au calme et l’immobilité transparente. Un mouvement perpétuel qui excède même la mort.
    Il y a de ça aussi dans ce dialogue tiré à hue et à dia par cet homme et cette femme qui ne parlent plus la même langue. Ça bouge, ça se perd, puis tout devient calme… la grande sincérité…

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  4. Je viens de relire votre texte. Il me faut du temps avec vos textes. Ils ne sont pas simples.
    Ainsi, à la relecture, une impression de calme. Ils ont parlé pas vraiment l’un pour l’autre. Lui, Alain, de détache de ce qu’elle raconte, de ses souvenirs sensuels de leurs jeunes années. Sexe allait avec vodka. Un étourdissement. C’est pendant ce retour au passé qu’il dit ces mots très importants : « On dort tellement mieux en vieillissant,on dort tellement mieux quand vient le printemps, on dort tellement mieux quand on est seul et vieux. »
    Mais je ne sais pas encore pourquoi Alain lui dit cela.
    C’est bien aussi ce plaisir exprimé par Alain : » je n’avais aucune idée que nous alliions avoir une si grande sincérité , que nous reculerions les limites de la sincérité. à ce point là. On ne se cache plus rien. »
    Mais il y a plein d’autres choses…

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  5. Ces textes… Je les relis. Ils conduisent vers quelque chose parfois insaisissable dont la limite est éloignée, comme d’aller vers le visible, le réel. Des pages sombres comme celle-ci en dessous de laquelle courent des paroles qui n’ont jamais été dites mais pensées. Le réel tout d’une coup de tient entre eux. C’est un reste, une résistance, quelque chose qui est resté enfoui. Et ça se déchire tout à coup. Une maille file… On glisse depuis les mots dans sa pensée. Où cela les conduit ?
    De la cruauté dans ce dialogue, du mal fait volontairement. Des mots qui cisaillent, qui choquent. Un débordement. Comme l’amour abordé par la mort de l’amour… Au fond des mots, la solitude, le peu des mots.

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  6. Je découvre cette note en bas du billet : »Les illustrations sont d’Antoni Tàpies ».
    Merci, Paul Edel pour ce choix insolite.

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  7. J’aime infiniment ce texte. Comme au bon temps, au temps d’avant car il y a des lettres qui échappent à votre contrôle. J’aime les mots invraisemblables que cette hâte d’écrire crée. Et justement dans cette hâte d’écrire tout devient fluide. Ils se parlent parfois en dialoguant, parfois sans s’écouter ou avec un temps de décalage. Ils se disent de drôles de choses. (drôles càd étranges) Sur le désir et le non désir, sur le mensonge et la vérité. Il l’a désirée. Elle, on ne sait. Il désirait aussi les femmes vulgaires aux bas resille. Comme si le sexe se nourrissait d’une certaine vulgarité. Il y a un trou, ce mal de la guerre d’Algérie. Il y a la sexualité des parents. Pas de bruit la nuit. Se touchaient-ils ? Elle est vraiment pénible quand elle le reprend sur la structure de ses phrases et pas seulement là. Elle est devenue pour lui, même non désirée, un marqueur du temps,un vestige grâce auquel il se souvient.
    Et puis ce mystère. Ces peintures chinoises. Ces taches. Ce papier fibreux. Comme une langue que l’on ne comprend pas mais des signes que l’on regardé. Qu’on peut même trouver essentiels.
    J’aime ce texte qui me parle de ces mots perdus de l’un à l’autre qu’un écrivain a recueillis comme des signes indéchiffrables. C’est beau comme ene averse de printemps toute pleine de grêlons. Après on imagine le silence. Elle part, je ne sais plus où. Je m’en fous. Elle m’énerve. Lui, il m’intéresse.

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