C’est en marchant en plein hiver, au hasard dans les rues de Quimperlé, que je finis par oublier l’effroyable colère du boucher qui secoua les habitants de « l’impasse des filles perdues ». Ce pétage de plombs d’un voisin qui savait le poids d’un veau au premier regard, spécialiste du pot-au-feu et de la langue de veau sauve gribiche, divisa les habitants de l’impasse pour longtemps. La cantatrice ne saluait plus l’homme au rouge sang. Des bobos firent installer un système de surveillance pour leurs maisons. .
Je me remis donc, morose, au travail. J’ écrivis deux bons chapitres sur la fin de vie de Turner. Mais l’évènement le plus improbable eut lieu près du « Bar des sports », sur les quais. J’étais en train de choisir un briquet Bic lorsque je remarquai une faute sur une affichette collée sur la porte des toilettes. Il était écrit : « Le bar sera fermé tout les lundis ». Je fis remarquer au buraliste qu’il fallait remplacer le T final de « tout » par un S. Il me fixa longtemps, soupçonneux, comme s’il mesurait mon degré de délabrement mental.
Il posa la soucoupe qu’il était en train d’essuyer , vérifia qu’il n’y avait absolument personne au fond du café , appela sa femme » Néneeette ! « pour l’interroger à voix basse , car elle était responsable de la rédaction de l’affichette. Il y eut un début de discussion entre eux, puis le ton monta. « Je me trimballe pas avec un dico dans le tablier.. » Et moi je supporte ton haleine de vieux.. ».. .» Pas la peine de masquer ta cellulite dans une djellaba !!.. » .Puis : » Tes humiliations me font grossir.. »etc etc.
Une fois dehors, devant le flot de voitures, je réglai le briquet Bic ,la flamme siffla d’un bleu éther dans la matinée .
C’est alors que l’évènement se produisit.
J’étais près du pont, face à l’hôtel Anne de Bretagne,c’est alors que je me sentis soulevé. De joie.La pure combustion de la Joie. Ce fut une ivresse sqoudaine, choeur des anges,gloria, bonjour mes frères,in excelsis deo,Alléluia !!!
Un peuplier brandit son glaive d’or au sein de son feuillage de feu. Quimperlé s’embrasa. Soudain une Certitude me submergea ,la Joie, rebelle, idiote, fatale, bête, étoilée, inassouvie, sortie vierge de mon enfance, enfin d’une enfance que je ne reconnus pas comme telle au premier instant. La joie naïve ,comme celle des champs et des rivières, des poissons et des oiseaux, dansait en moi, malgré le temps venteux . Je levai la tête et remarquai la propreté hollandaise, géométrique, carrelée, vitrée de cet hôtel de Bretagne .Ma vie enfin, était une île le long de l’eau, la joie pure d’une lessive dont les draps éclairent le ciel. C’était un avènement, une immense clairière joyeuse, une montagne étincelante de neige dans le tissu terne de mes journées précédentes . Cette joie s’est imposée à moi, ni fragile ni intermittente , mais simple, nue, évidente ,comme si j’avais été lavé de toute la maussaderie et les déceptions accumulées depuis des années. Ça échappait à toute raison. Soudain, j’étais de l’autre côté, dans une île magnifique et sauvage . Le grand théâtre de la mer s’ouvrait ,le bleu profond, enfin, l‘immensité qui s’argente et murmure, avec le soir qui approche, le soleil bas, rongé, éclairant , tout était là et ne me quitterait plus. Soudain la rareté des bruits de la ville de Morlaix me surprit , signe d’ un nouveau sentiment d’humanité. Le désagrément des jours précédents s’était enfui , repris par les quais .La ville exultait mais cette métamorphose était invisible aux autres. Au fond du ciel, la puissance apaisante du ressac régulier m’absorba, me roula, me baigna, me lava. Les anciennes et tendres compagnes de ma vie revenaient du fond de l’eau comme des Ondine dans les reflets qui bougent .J ‘aperçus , comme au-delà du Styx, la suite des bars mal éclairés où picolaient quelques bienheureux naufragés de Quimperlé. Ils ressemblaient déjà aux ossements de leur mort prochaine tout en piochant des cacahuètes dans un bol avant de reconquérir les ruelles et leurs porches pour se protéger du froid.
La fin de journée me laissa filer dans ce bassin d’eau trouble, le long des quais devenus déserts, les néons des bars tous éteints, et dans le jour qui baisse, je retrouvai les sources non pas de mon enfance étriquée, pauvrette, racoleuse, mais la large enfance de notre planète hyper fréquentée Je crus même, un moment , que les ténèbres allaient cesser d’engloutir mes frères, mes sœurs et leurs enfants.
Alors reflua tout évènement, toute expérience, toute pensée, comme un exil brisé , dans le murmure de la nuit. Les lentes lames approchèrent ,plus vertes que jadis, m’éparpillèrent et me démembrèrent comme si je n’avais jamais existé. Les Parques, mes sœurs, qui emportèrent et lièrent mes proches depuis si longtemps, découvrirent leurs ciseaux cachés dans les plis de leurs tuniques, je vis briller l’éclat d’acier des lames, clic-clac, elles me tranchèrent le fil ces braves filles,moroses, affairées, le visage nu , elles poursuivirent leur œuvre anxieuse et monotone, tout en sortant d’un tiroir de coiffeuse quelques fards intimes pour se séduire les unes les autres.
La nuit s’étendit, elle devint d’abord un mince trait sur le seuil tendre du ciel, la courbe du temps s’infléchit et me transporta vers à ce que je n’avais pas connu ; Daladier pique-nique avec mes parents à Langrune,il se goinfre de feuilles de laitue huileuses .
Au pied de la dune du Pyla, dans l’odeur résineuse des pins, un minicar est tombé en en panne , à l’intérieur je vois la photo de Rudi Dutschke, il est brisé de douleur et s’effondre sur un trottoir de Berlin, replié sur sa blessure, comme pour la soigner, en écoutant les Doors.
Ce soir Circé s’allonge à mes côtés, ôte ses boucles d’oreille , me murmure : »A vrai dire, ce que je sais de toi est peu de chose, mais il suffit d’un mot pour relever un mortel comme toi. «
Les blogs accueillent toute personne sous l’ample manteau de l’anonymat. C’est un déversoir spontané,brutal, cacophonique, fascinant, de notre Temps. Le blog produit quelque chose de curieusement irréel dans ce mouvement brownien de construction-destruction. Cette tour de Babylone est constituée de l’ arc-en-ciel de tous les « Moi je » et des opinions qui s’affrontent. Les débats tournent régulièrement à l’orage.La mesure,la tolérance, et l’écoute de l’Autre sont régulièrement oubliés .Le mouvement d’humeur éclate parfois en mille petites haines, en écailles de mépris. Et ça s’infecte.
Enfin la dépréciation du passé culturel se répand -avec le cortège de tous les anachronismes possibles- comme si l’effacement de notre mémoire historique, des mémoires religieuses, et des mythes fondateurs devenait systématique, comme si l’homme était fatigué d’être un animal métaphysique. Il devient un agrégat de pulsions manipulé par la science, la cybernétique, la statistique, le débat télévisé, et désormais l’intelligence artificielle. .La vieille piété cosmique que l’homme installait , avec ses divinités, pour lutter contre sa solitude, comme il arrivait dans l’Antiquité, c’est définitivement au rebut, périmé comme un yaourt, et même moqué.
Parler d’œdipe ou de Thésée, d’Antigone , du mythe de Phèdre, d’une Ode de Pindare, des « Tristes » d’Ovide, ou des » Catilinaires » de Cicéron, provoque le ricanement de ceux qui ne regardent que vers l’avant. Qu’on puisse trouver du réconfort, des sujets de méditation urgents, chercher l’ équilibre de sa conscience en puisant dans les anciennes cultures, les anciennes religions, tout ceci est « démodé « et anachronique dans notre actuel Supermarché des Opinions et des pancartes politiques. Avec rabais et promotions.
L’Etna
Alors il m’arrive de rêver que que je marche sur un sentier qui mène d’Agrigente à l’Etna . Il m’ arrive même que je ressaisisse des parcelles de ce que possède de précieux et de si singulier le nu d’un poème de Parménide ou le tact(dans sa grandeur), d’une scène de Sophocle .
Je suis à Catane , à Agrigente, à Taormina , sous un ciel épuré, puis je reviens dans la poussière noire des laves qui couvrent les pentes de l’Etna et j’adresse la parole à l’étranger qui approche sur le chemin ; je vois qu’il a ôté ses sandales pour disparaître dans le cratère, comme un vulgaire nageur laisse ses espadrilles sur sa serviette de bain, avant de gagner le plongeoir.. Et j’écoute les autres bavarder au bord de la piscine. Tiens, en cette matinée de Juin, le Temps a donc les ailes légères ? Hölderlin se demande à propos d’Empédocle ce qui a provoqué ce saut volontaire dans le cratère. Est-ce pour se punir de son coupable sentiment de supériorité par rapport à la Nature ? Est- ce par ce besoin fondamental d’un retour volontaire et libre à l’Origine ? Est-ce pour que ce sacrifice allégorique culpabilise les citoyens d’Agrigente incapables de fonder une vraie démocratie ?
C’est étrange comme ces vieilles questions me reviennent, là, en Bretagne, à l ‘orée du Printemps.
Plus il s’éloigne de nous, plus il se rapproche, Pavese. Dès ses premiers poèmes, dans « Travailler fatigue » il enregistre tout, filtre tout, s’ étonne de tout, les corps frêles, la campagne et ses « verts mystères », les soirées interminables, les filles gaies, les virées dans les collines, les cafés enfumés , les « femmes malicieuses ,vêtues pour le coup d’œil »,les vieux, les averses, les galeries de Turin, ,et encore les filles qui descendent dans l’eau, le muret qui brûle au soleil. Pas étonnant que deux écrivains français se mettent dans ses pas et dans sa prose.
Pierre Adrian , ancien pensionnaire de la Villa Médicis, 34 ans, écrivain français qui vit désormais à Rome, a publié à l’automne dernier « Hotel Roma » chez Gallimard. Dans son blog« La république des livres » Pierre Assouline a souligné les faiblesses de ce voyage sur les lieux de Pavese . Pierre Adrian, ancien pensionnaire de la Villa Medicis s’était déjà attaché à autre écrivain italien avec « La Piste Pasolini » (Equateurs, 2015).
Pierre Adrian
De quoi s’agit-il ? D’un essai qui revisite les lieux où vécut l’auteur du « Bel été » et de « La lune et les feux ». C’est un pèlerinage de Turin jusqu’à sa tombe, à Santo Stefano Belbo dans les « Langhe » les collines de l’enfance. Ajoutons de rares rencontres , des citations de ses œuvres, de quelques lettres, extraits d u « métier de vivre » son journal intime.
Pierre Adrian revisite donc la chambre de « l’hôtel Roma » proche de la gare de Turin où Pavese s’est suicidé le 27 aout 1950, en absorbant des somnifères.
Adrian procède un peu comme Maigret: il s’imprègne des lieux pour comprendre l’auteur. Mais il reste prudemment à la surface des choses. Le jeune Adrian se met en scène accompagné d’une femme « à la peau mate ».Il boit du vin dans les collines et se souvient de ses premières lectures pavesiennes, ému. « Je voulais voir un café où Pavese avait ses habitudes, une rue qu’il citait dans un livre. Je déposais le calque de mes obsessions sur le plan d’une ville en croyant qu’il répondrait à l’identique . » Adrian ne dit rien de ce Turin du jeune lycéen et étudiant Pavese .
Pas un mot non plus de son travail de traducteur, de lecteur, chez l’editeur Einaudi. C’est pourtant là qu’il se lie avec Italo Calvino à Leone Guinzburg.
Adrian se rend à Brancaleone en Calabre, sans expliquer pourquoi Pavese est assigné à résidence par le gouvernement de Mussolini. Il visite la maison face à la mer où vivait Pavese pendant sa relégation qui dura sept mois. Les pavesiens savent combien cet épisode de solitude , de rumination, de lectures nombreuses, est important.
Adrian :« Là-bas ,dans cette chambre rustique, entouré de gens de peu, il commença la grande entreprise de sa vie. Le 6 octobre 1935, deux mois aprés son installation, Pavese écrivit les premières lignes du journal qui deviendra « le métier de vivre » . J’ai sursauté devant « ces gens de peu » Pavese n’aurait jamais écrit ni pensé ça. « La chambre avait été reproduite à l’identique. Seul le sol en terre cuite était d’époque. On avait refait les murs dont la blancheur jurait avec l’austérité du mobilier:un lit simple d’asile psychiatrique ou d’hôpital militaire, à l’armature en fer, une bassine en cuivre sur pieds, un secrétaire en merisier avec deux chaises, un coffre. »La femme du pays qui lui sert de guide ,Carmine, l’emmène ensuite voir la plage et lui offre du thé. Rideau.
Dans une seconde partie de son essai Adrian fournit quelques brèves indications sur les difficultés de Pavese face aux femmes, ses dragues, ses flirts de jeunesse ses liaisons passionnées et ses échecs plus tardifs, mais tout ceci assez convenu . Rien non plus sur sur l’itinéraire politique de Pavese, ses tiédeurs, ses retournements, et son engagement soudain, tardif ,mal compris des dirigeants, du côté du Parti Communiste italien dans l’ après-guerre. Rien non plus sur sa quête religieuse .« Année étrange, riche. Commencée et finie avec Dieu », écrit Pavese le 9 janvier 1945. .Rien non plus sur la découverte du « carnet secret » , tenu entre 1942 et 1943 où se révèle chez l’écrivain une fascination pour le mythe viril de l’action et une critique des intellectuels antifascistes. C’est dans une lettre à Fernanda Pivano du 2 août 1943 que Pavese est sans doute le plus sincère: « Je ne suis pas un politique et je n’ai rien à gagner avec la politique. »
En revanche , Adrian convoque d’autres suicidés de la littérature Stig Dagerman , Thierry Metz sans que ces réflexions ouvrent des perspectives. La partie ultime du livre se focalise sur le « dernier été de Pavese ». Pavese, couronné du Prix Strega, devenu célèbre, déprime. « « En somme je suis devenu une vache à écrire », note-t-il en 1948,comme si ses succès littéraires renforçaient son pessimisme.
Adrian fait alors du sentimentalisme sur cet écrivain qui est la dureté même :« Oui, je voulais prendre Pavese dans mes bras. Dans ma tête, je le dessinais d’après les images que j’en avais. ».Pourquoi Adrian ne ‘interroge-t-il pas sur la pièce capitale du « Métier de vivre » au lieu de le « prendre dans ses bras »? Là encore, c’est Martin Rueff qui donne les meilleures clés pour comprendre la portée pour nous lecteurs d’aujourd’hui, de ce journal intime: « Se mettre à nu c’est se dédoubler pour se demander des comptes, s’interroger moins sur les faits que sur leur signification et, dans un geste qui pourrait remonter à une pratique chrétienne, procéder à son « examen de conscience » — adopter par rapport à soi cette position à la verticale de sa propre existence pour se juger d’un point de vue sans échappatoire (l’héautotimoroménos se mange le cœur), tout comme le poète et le narrateur peut devenir critique pour juger son œuvre. Reconduites au plus tranchant de leur effort, les minutes de ce « Métier de vivre » sont, en tous sens, à l’épreuve de ce seul souci : se mettre à nu, et c’est par ce souci qu’elles peuvent aussi, aujourd’hui, se transformer en question pour nous. »
Avec « Hotel Roma » Adrian semble avoir survolé plutot que compris Pavese.
Il vaut mieux retrouver le travail de Jean-Pierre Ferrini. De plus, il a l’avantage de l ‘antériorité.
Jean-Pierre Ferrini
C’est en 2009 que Gallimard publie « Le pays de Pavese ». Ferrini( né en 1963), de père émigré italien, amoureux du théâtre, connaît bien la littérature italienne. Il a écrit des essais sur Dante et a participé à l’édition de la » Divine comédie « dans la traduction de Jacqueline Risset. Mais surtout ,quinze ans avant Adrian , il avait sillonné l’Italie de Pavese lieux pour mieux comprendre les angoisses, les amours, les œuvres.
On note des similitudes troublantes entre Adrian et Ferrini. Chaque auteur, pendant son voyage , est accompagné par une femme. Les deux français interrogent visiblement Pavese comme on va s’allonger chez un psychanalyste, spécialiste en couples en difficulté.
Ce qui nous amène à une autre similitude troublante . Le problème Antonioni. Adrian , imitant Ferrini, parle du cinéaste de « l’Avventura ».
Il faut savoir que Ferrini avait déjà publié en 2013, un second périple en Italie : »Un voyage en Italie », ( éditions Arlea) qui s’attache au célèbre couple Monica Vitti et Michelangelo Antonioni . Adrian, lui, consacre un chapitre entier au cinéaste et à Monica Vitti . Bien sûr, les affinités entre Pavese et Antonioni sont évidentes. L’écrivain de Turin et le cinéaste de Ferrare sont hantés par le fossé qui sépare les hommes des femmes. Pavese, dans « La plage » rédigé de novembre 1940 à janvier 1941 annonce l’ Antonioni de la fameuse trilogie de « l’incommunicabilité » avec « L’Avventura » , « La Notte » et « l’Eclipse ». On observe chez les deux artistes une rigueur, une discipline pour faire parler les temps morts les vides du couple bourgeois. Même austère construction chez ces deux là. C’est Pavese qui, le premier, porte une attention particulière aux dialogues de la vie ordinaire et met en évidence une sous- conversation riche d’échos, de malentendus, d’allusions.
Dés les années 40 Pavese annonce cette musique atonale des conversations des couples , faite de silences opaques , de soudains mutismes, de fausses tranquillités , d ‘accès de jalousie ou de pulsions de désirs, mal retenus sous un calme apparent. Il analyse ces moments où le temps se dilate et fracture le couple . La météorologie sentimentale se construit alors dans l’opacité, le malentendu, le mutisme, le blocage, leçon que retiendra et amplifiera Antonioni dans ses films avec les comédiennes Monica Vitti ou Jeanne Moreau en dérive solitaire dans un urbanisme nouveau , femmes qui bovarysent ou cherchent leur émancipation dans un Milan en reconstruction ou un centre-ville d’un Turin embouteillé et rutilant.
Monica Vitti et Michelangelo Antonioni
Il était donc logique que le cinéaste Antonioni adapte si fidèlement le récit de Pavese « entre femmes seules » cinq ans après le suicide du piémontais.
Ajoutons aussi que le cinéaste , comme l’écrivain, furent des hommes hantés par le suicide . Tous deux analysent la lâcheté masculine . Pavese, dans une lettre à Fernanda Pivano, du 25 octobre 1940, décrit parfaitement l’homme selon Antonioni. » « Il veut être seul- et il est seul-, mais il veut l’être au milieu d’un cercle qui le sache.il veut éprouver -et il éprouve- pour certaines personnes ces attachements profonds qu’aucun mot n’exprime, mais il se tourmente jour et nuit et tourmente ces personnages pour trouver le mot. Tout cela est sans doute, sincère, et s’entremêle malheureusement avec le besoin d’expression de sa nature de poète.(..) Que pourra faire un tel homme devant l’amour ? »
Pierre Adrian remarque avec justesse : « « Il (Pavese) ,avait compris,comme Antonioni l’avait confié un jour, que la femme était le filtre le plus subtil de la réalité. »
Dans cette confrontation entre Ferrini et Adrian , à seize ans de distance, je préfère nettement Ferrini.
La finesse de ses analyses , son approche des textes, révèlent une compréhension, des intuitions justes, de l’ intelligence et du doigté pour relire. Il accorde une grande place, avec raison, aux poèmes de Pavese et à ce recueil « Travailler fatigue » : »Le vers marmonne toujours sa litanie que verrouille avec fermeté l’enjambement, mais on entend dans les sonorités une dureté, le bruit de la pipe que Pavese mâchonnait comme un loup de mer au début de l’année 1936 durant sa relégation en Calabre. »… Oui, la dureté des sonorités, le côté minérale parfois de la langue de Pavese c’est une superbe remarque . Ferrini comprend cette langue de Pavese de l’intérieur, ce mélange d’aridité et de fluidité, ce mélange de naturalisme et d ‘ épiphanie .Dommage que les deux auteurs n’aient pas étudié de prés « Dialogues avec Leuco »,le livre préféré de Pavese . C’est dans ce texte que Pavese se révèle à son meilleur , pris d’une sorte de joie avec ses paysages virgiliens du Piémont , avec sa manière allègre et si naturelle pour convoquer les mythologies méditerranéennes .C’est dans » Leuco » que la colline apparait, avec ce moment extatique qui relie la mémoire personnelle avec la mémoire collective, thème capital pour comprendre quelque chose à ce retour de Pavese , sans cesse, vers les « Langhe » , ce pays natal . Dans cette féerie mythologique , Pavese dialogue et de sourit aux Dieux, aux vignes, là où la terre et le ciel resplendissent dans une tiédeur d’un paradis ancestral qu’exhalent les murets de pierre . Tout se passe comme si le suicide de Pavese avait occulté la flamboyance sensuelle, son goût de l’extase, sa ferveur érotique qui marquent les plus belles pages de son Leuco.
Pavese
Enfin dans « Le pays de Pavese » Ferrini aborde la théorie du souvenir vécu deux fois, l’éternel retour , l’obsession de l’enfance, sur l’articulation du mythologique et du personnel, les rites intemporels du « village », les fêtes anciennes, et les rôle des collines maternelles et maternantes. Comme est bien vu la brutalité misogyne de l’écrivain : » Celui qui dénonce l’immoralité de l’amour vénal devrait laisser tranquille toutes les femmes, car, une fois qu’on a exclu les rares instants où elle nous offre son corps par amour, même la femme qui nous a aimés se laisse faire et agit seulement par politesse ou par intérêt, à peu près résignée comme une prostituée.(..) Mais il reste toujours que baiser-qui réclame des caresses , qui réclame des sourires, qui réclame des complaisances – devient tôt ou tard pour l’un des deux un ennui dans la mesure où l’on, n’a plus naturellement envie de caresser, de sourire, de plaire à ladite personne ; et alors cela devient un mensonge comme l’amour vénal. »(« Le métier de vivre, 8 décembre 1938)
L’hôtel Roma
Un an avant son suicide, le 30 septembre 1949 , Pavese nous pose, à nous ses lecteurs d’aujourd’hui , la question, de son découragement, de son usure, de sa « fatigue » alors qu’il est aujourd’hui reconnu comme un écrivain italien capital, avec Pasolini et Calvino. « Tu n’as plus de vie intérieure. Ou plutôt , ta vie intérieure est objective, c’est le travail(épreuves, lettres, chapitres, conférences) que tu fais. Cela est effrayant. Tu n’as plus d’hésitations , plus de peurs, plus d’« étonnements existentiels . Tu es en train de te dessécher . Où sont les angoisses, les hurlements, les amours de tes 18 , 30 ans ?Tout ce que tu utilises fut accumulé alors. Et ensuite ? Que fera-t-on ? «
Santo Stefano Belbo
Un conseil: la meilleure introduction à Pavese reste de loin le Quarto Gallimard, édition établie sous la direction de Martin Rueff, admirable travail .sur lequel je me suis souvent appuyé. Les pages de la biographie avec photos et citations judicieuses sont parfaites. Les nouvelles traductions ou celle révisées aussi ,de Murielle Gallot, de Claude Romano, de Mario Fusco sans oublier une analyse des thèmes de Pavese par Martin Rueff, « Laocoon monolithe ». Ce devrait être le livre de chevet de tous les pavesiens français.
Depuis mon départ de Munich , par un matin brumeux, j’avais vu défiler tant de villages,des petites routes à arbres fruitiers ,de champs inondés, que cela m’endormait. Vers Ulm la pluie redoubla avec ses traits argentés qui rayaient la vitre du compartiment . Après Stuttgart , quelques pentes forestières sur lesquelles se superposaient des pylônes.Des morceaux de campagne s’inscrivaient aussi dans les reflets d’un sous-verre représentant le Rhin.
Je m’étais dégourdi les jambes dans le couloir en approchant de Cologne En gare, il y avait foule, sifflets, groupes scolaires, annonces par haut parleurs . Des sportifs bruyants,massifs, envahirent le couloir puis s’éloignèrent en marchant dans le sens inverse du train,ils gagnèrent d’autres compartiment.
Installé dans le wagon restaurant je bus un café dans ces épaisses tasses de faïence avec le sigle de la compagnie de chemin de fer. Vers Bonn, des vignes apparurent et s’éloignèrent ,je vis glisser pas mal de quais déserts de petites gares. La fatigue du voyage se faisait sentir. Le soleil baissait à l’horizon et sautillait entre des arbres nus. Je me demandais si je faisais bien de retrouver Ingeborg ,j’avais pas mal d’appréhension après une aussi longue absence et j’essayais en vain de fixer les traits de son visage, mais ce n’était qu’une silhouette en manteau rouge et la gravité de son sourire qui me restaient en mémoire.
Quand je descendis à Essen,la nuit était tombée. Je trouvai un taxi et donnai l’adresse
-L’auberge Fichtenbaum?
-Vous connaissez l’endroit ?
– Un lac lugubre l’hiver. Tout est fermé. C’est bien l’adresse ?
-Oui.
-Par ce temps je ne pourrai pas vous y amener jusqu’au bout. Il faudra prendre un sentier boueux. Il vous faudra marcher .
-Je marcherai.
Dans le taxi, une radio crachotait des nouvelles que je ne comprenais pas. Je regardais le bord défraîchi de la chemise du conducteur. Les lumières étoilées d’un boulevard laissèrent la place à des pénombres incertaines. Une ligne de lampadaires éclaira des jardinets trop verts puis des entrepôts délabrés. Les phares du taxi firent surgir des carrefours déserts puis une route droite , abîmée, d’où surgit un lapin de garenne et son incandescence blanche. J’étais dans un de ces moments vagues où les visions deviennent ,sous l’effet de la fatigue, des images confuses en proie à la dissolution. J’étais saisi de nouveau par une appréhension en me demandant si je n’avais pas tout imaginé de cette si brève rencontre amoureuse. Depuis plusieurs jours je m’étais demandé si je n’allais pas paraître ridicule en venant chez Ingeborg , mais au téléphone elle avait eu une voix joyeuse et claire pour me dire qu’elle m’attendait.
D’elle je ne savais que peu de choses : sa mère, veuve, vivait modestement dans une auberge au bord d’un lac. C’était dans la Ruhr, pays maussade de hauts fourneaux . J ’avais en tête l’image d’une région industrielle avec des fumées, et un ciel bas.. Ingeborg m’avait pourtant prévenu que sa mère habitait dans une vieille auberge.
Dans les souvenirs de notre rencontre dans cette ville normande ,ce que je retenais c’était sa manière de pencher la tête de manière interrogative. Je me souvenais surtout de ses bouffées d’espièglerie, surtout quand je l’entraînais au bord de la mer . Nous étions à une table devant un verre de vin blanc , à Courseulles , elle s’était abandonnée sur mon épaule. Dans les rues du centre-ville elle avait chantonné en croisant un bébé dans sa poussette. Je me souvenais aussi de sa coupe de cheveux impeccable , ses cheveux châtains lisses, et de sa frange bien taillée qui mettait en valeur la pâleur crémeuse de son front . Et aussi une étreinte inattendue, un soir, devant un cinéma ,dans la file d’attente. Nous nous étions retrouvés bien souvent au Restau U avec nos plateaux garnis de céleri rémoulade et de pitoyables yaourts jaunis.
Dans les couloirs de la Fac de Lettres, nous nous étions vaguement parlé entre deux cours d’allemand, nous avions aussi échangé quelques plaisanteries, descendu pas mal d’escaliers d’un même pas. Quand j’avais voulu lui poser des questions sur sa vie intime, elle avait hoché la tête d’un air distrait .
-Parlons d’autre chose.
Je n’avais pas insisté.
Longtemps, j’avais rêvé sur l’ourlet délicat et humide de sa lèvre inférieure. Elle fumait des Peter Stuyvesant comme quelqu’un de maladroit qui ne sait pas tenir une cigarette . Mais surtout je me souviens de la scène dans la bibliothèque universitaire.
Je m’étais placé en face d’elle. Son manteau rouge était ouvert sur un bizarre chemisier beige avec de la dentelle kitsch.Elle lisait un énorme volume relié cuir . Je prenais des notes sur »Tonio Kröger » de Thomas Mann .La mine de mon crayon, cassa, alors je sortis un taille-crayon de ma sacoche , mais je m’y pris maladroitement et la mine cassa une seconde fois.
-Laisse moi faire.
Je la vis alors tourner avec soin le crayon dans le taille-crayon . Les rognures de bois s’allongèrent en spirale puis tombèrent sur son buvard. Elle prit une page d’un carnet , dessina vaguement un hérisson, la déchira et me la tendit :
-C’est toi.
Nous descendîmes vers les pelouses, pour rejoindre un café du bas de la rue Vauquelin le silence qui s’était installé entre nous avait gagné en complicité.
Il y eut un dimanche doux et calme le long du canal .Image de l’eau tranquille dans un paysage hollandais. La présence d’Ingeborg me fit oublier l’énorme poids de la présence de mes parents. P eu de temps avant son retour en Allemagne, devant un grand crème , elle me récita un poème en allemand. Je l’ai retrouvé des années plus tard, dans une anthologie: « L’oie sauvage, seule, appelle, la nuit – Lorsqu’elle passe très haut dans le ciel d’automne – Sur la côte seule l’herbe remue au vent – Et pourtant te chérit mon cœur «
Le taxi me déposa devant une barrière blanche .Le chauffeur se tourna vers moi :
-Vous avez quatre cent mètres d’un mauvais chemin.
Le taxi disparut.
Le sentier était détrempé.La foret ruisselait . De l’eau brillait sur la gauche ,des pins bruissaient dans des rafales de vent. Je marchais en me souvenant du conte d’un enfant horrifié qui doit aller chercher je ne sais quoi dans un bûcher et qui croit entendre des monstres lui souffler dans le cou.
Enfin, j’aperçus une palissade emberlificotée de lierre. Une sorte de veilleuse au dessus d’une porte en bois éclairait deux fenêtres étroites à minuscules carreaux en culs de bouteille. .C’était bien l’auberge à colombages qu’Ingeborg m’avais décrite. Je traversai la minuscule cour. Je vis deux barques retournées, vune échelle qui menait à ce qui ressemblait à une grange. J’approchai parmi les flaques d’eau et de feuilles pourrissantes lorsque la porte s’ouvrit . Je reconnus Ingeborg dans son manteau rouge posé sur ses épaules sur un lainage brun , ,épais, tricoté .
Elle me fit signe de ne pas faire de bruit et d’ôter mes chaussures. Je me souviens d’une odeur de copeaux de bois dans l’escalier étroit. Je n’avais jamais vu des murs d’ un tel plâtre rugueux , ça ressemblait à de la croûte de neige. Il y avait de minuscules terres cuites grimaçantes sur le palier.
Ingeborg posa alors deux doigts sur mes lèvres et me fit entrer dans une chambre à plafond bas. Il y avait un énorme édredon à reflets cuivrés sur un haut lit de campagne . Une lampe en tissu à fanfreluches, posée sur un tabouret rustique, éclairait la blanche douceur dodue d’un oreiller Elle me débarrassa de mon imper, se dépouilla de son manteau.
Puis il y eut les boutons qu’on défait, tous les boutons, la fraîcheur de l’air sur mes épaules nues, les chevilles qui se frottent sur mes pieds , l’étendue courbe d’une nuque ,les cheveux épars puis écrasés dans les plis de l’oreiller.
Des lèvres murmurent, un monde inexprimé survient, on croit que c’est la dernière chose et ce n’est qu’un commencement. Je me tournai vers son visage, son expression tendre, grave, me troubla. L’odeur forestière d’un corps qui s’égare en contacts doux dans des endroits rarement caressés. Prairie calme. Ce qu’il y a de prémonitoire dans l’absence puis la présence, une unité secrète
– Embrasse moi.
Les doigts qui cherchent à reconnaître quelque chose, les égards secrets d’une chair, l’indolence molle des seins suspendus au-dessus de ton visage. La table basse et le napperon avec les bracelets d’or qui tintent, goutte d’or dans le silence épais. Elle regardait avec acharnement.
-Serre moi contre toi.
La chambre s’enfonçait dans la nuit , le murmure de la pluie sur les carreaux fut inattendu. Les doigts se frôlent, le frais contact du cou et le creux de l’omoplate, là où se niche un secret .
-Ne dis rien. Son manteau rouge jeté sur mes pieds nus. J’entendis un frôlement dans le couloir.
-Ta mère est là ?
-Viens contre moi. Laisse toi faire.
La résistance osseuse d’une hanche qui tourne, le chemisier se défait, la peau blanche , immense, démesurée se révèle, la colline du dos et le chemin des vertèbres, petites bosses d’ombre, l’épaule dérobée soudain par un mouvement de son bras qui m’avait saisi avec une précision désinvolte et de gai. Dressée, cambrée, Ingeborg m’observait, son regard toujours intense et agrandi , un puits sans fond creusant un autre monde dans une mystérieuse injonction que je ne comprenais pas . Un coin de sa bouche me toucha dans un la délicate sensation d’une lèvre gercée Pourquoi, dans les ténèbres, quelque chose étincelle et délivre ? Les préliminaires, l’attente, le déferlement, et enfin la sensation que le corps se défait, se dénoue, se désamarre, dérive. L’eau. Les îles enfin.
Quand je me redressai, j’avais le sentiment que la vivante fragilité du monde, condensée dans nos ébats, venait de racheter tant de journées vides et d’années perdues.
Un volet claquait quelque part.
Nous restâmes étendus , je retrouvais, je ne sais pas pourquoi, des images de pommiers en fleurs dans un verger en pente, nous y étions cachés, nichés, blottis ,Ingeborg et moi, dans une infime parcelle de paradis, nous ne grandissions pas.
Je me tournai , une partie du plafond était écaillée.
Le lendemain matin je descendis dans la cuisine .Il y avait un feu vif dans la cheminée et une délicate odeur de cendres. Une femme corpulente à cheveux gris soyeux tirés en chignon, était appuyée sur la barre de cuivre de la lourde cuisinière. De son visage fatigué il émanait une expression de patience, d’endurance . Elle me fixait avec ses yeux clairs.Elle portait un tablier gris et pétrissait quelque chose de farineux sur une planche en bois.
-Ma mère.
En buvant du thé, je remarquai que cette femme âgée portait de lourds souliers de campagne.Quelles années chaotiques avait-elle enduré cette veuve ?Quel long temps de guerre ? Je me demandais où était son village natal.
Elle me proposa une autre tasse de thé et m’offrit des biscottes. Les flammes dansaient toujours dans la cheminée. Cette femme si terrienne, un peu lourde, ne semblait pas surprise de ma présence. Elle disparut dans le couloir.
La cuisine, assez étroite , était encombrée, de moules à gâteaux, de boites en fer piquées de rouille, de bocaux avec des fruits dans un liquide ambré.
Sur le sol de briquettes roses tout un fatras de pelles à charbon, de cartons vides. Prés de la porte on avait entassé des paniers en osier plein d’oignons , de pommes de terre terreuses , des cageots vides. Par la fenêtre encastrée dans un épais mur la proximité pâle du lac me fascinait autant que le rayon de soleil qui tombait sur les briquettes. Cette ancienne auberge gardait le fantôme de temps disparus, je voyais des saisons entières de canotages et de flirts entre ce que j’imaginais des garçons et des filles des Jeunesses hitlériennes. Ici, sous les tilleuls , j’imaginais que pas mal de gens étaient venus boire, brailler, monter dans des barques .
Au cours de la matinée devions faire une longue promenade en foret et suivre un sentier le long du lac pour voir la fameuse villa Krupp.
J’attendis longtemps dans la cour. Saison de brouillard . Embarcadère verdi de mousse. Clapot.
Je songeais à tout ce qu’il y avait de paisible dans ce paysage austère et ce qui restait engourdi . Je me demandai comment le père d’Ingeborg avait disparu. Je respirais avec délice cet arrière-saison des bois fanés et d’éternel hiver couvé . Un paysage d’attente.
Je fis le tour du bâtiment et m’appuyai sur une de ces barques retournées.Elles se dégradaient sur une couche de feuilles pourrissantes. Tous les passés défaits ou délabrés se concentraient ici ,dans ces peintures goudronneuses.
Enfin Ingeborg apparut, vêtue d’un sweater bleu pale , serrée dans une jupe plissée qui accentuait la largeur de ses hanches. Elle s’assit à mes côtés et me saisit la main gauche.Ses cheveux fraîchement lavés dégageaient une odeur d’amande. Son visage démaquillé était plus lisse et plus fade.
-Je vais dire quelque chose qui va te faire souffrir.
Je regardais de côté ses cheveux lisses et impeccables.
-Je pars demain midi pour Hambourg. Je vais travailler à la réception de l’hôtel Vier Jahreszeiten.
Je regardais une curieuse pompe entourée de paille. Je remarquai le faux sommeil des arbres.Une anxiété y rodait. Au silence se mêlaient quelques vagues remous d’eau. Puis il y eut un soudain vacarme de moineaux.Ils s’envolèrent.
– Ensuite je dois aller à Bombay. Puis la Tunisie.
Elle précisa :
– Dans l’ hôtellerie.
Elle ajouta :
-Tu vas travailler, tu vas écrire…
Elle ajouta:
– J’ai toujours eu envie de chambres, de pays, de trains, de gens nouveaux. Tu comprends ?
Je ne comprenais pas.
Elle se leva et enfila des petits gants noirs souples.
-Je vais chercher du lait à la ferme voisine. Tu m’accompagnes ?