Une matinée dans Rome

Je sortis de l’hôtel Patrizi assez tôt le matin. Laure dormait encore. J’avais laissé la fenêtre ouverte sur la courette et ses lauriers. Je rejoignis la piazza Galeno est sa réverbération éblouissante puis je suivis la viale Regina Margherita en regardant passer les tramways verts, puis traversai la via Nomentana et ses embouteillages du matin. Je marchai jusqu’à la piazza Ungheria Je m’installai comme souvent dans le vaste caffè Hungaria, avec ses grappes de globes blancs, son carrelage géométrique , ses tables sombres miroitantes .

Caffé Hungaria

Tandis que je lisais dans le Corriere le énième article sur le problème des ordures que la municipalité de Rome était incapable de résoudre, j’entendis une explosion de verre. A une table proche de l’entrée , une carafe d’eau s’était brisée ,une mère secouait son enfant . J’observais la serveuse en tablier noir, accroupie, en train de ramasser avec une petite pelle les débris de verre. Elle avait des sandalettes blanches qui rappelaient celles que portent les infirmières. Et je notais aussi qu’elle avait des bras nus élégants et fluides, très pâles. Ses gestes avaient une grâce particulière pour ramasser les plus gros éclats. Elle portait aussi à la cheville une petite chaînette en or qui m’intrigua.

Ensuite je parcourus la page des sports et en levant les yeux, m’aperçus que la femme et l’enfant avaient disparu et que la table avait été nettoyée comme si rien ne s’était passé. Comme souvent , je m’étonnais que les gens soient là puis qu’ils disparaissent comme si un magicien les escamotait le temps qu’on avale une gorgée de café.Je me dis: rien n’a eu lieu et cependant une petite parcelle d’or de la mémoire reste en moi et volettera longtemps. ttouite la littérature tend à préserver cette parcelle, à peine un souvenir, à peine une scène de la vie ordinaire.

La serveuse au tablier noir(celle qui avait ramassé les débris de verre) était montée sur un tabouret , prenait des bouteilles d’apéritifs des plus hautes étagères pour les essuyer l’une après l’autre avec soin. .Entra alors dans la salle une grosse femme boudinée dans une robe soyeuse chocolat, ses épaules couvertes d’un châle informe à larges mailles noires semées de fleurs de laine écarlates .Sa coiffure bouclée d’un blond platine ressemblait à une perruque, elle tirait sur la laisse d’un fox terrier qui ne voulait plus avancer. Un couple élégant enjamba le fox terrier comme s’il s’agissait d’un paillasson sale . La lourde femme au visage plâtreux jeta une clé plate sur le comptoir . La serveuse descendit alors de son tabouret ,lui servit un verre de blanc. A la table la plus proche de la mienne, un couple âgé élégant, parlait de la perte d’un ami et de la cérémonie de la crémation à laquelle ils avaient assisté la veille. L’homme, qui tenait serré sa tasse de café brûlant dit : «  Je sais bien qu’aujourd’hui le monde n’est plus celui que nous avons connu .mais quand même….cette urne en bronze en forme de flamme.. qui rappelle Mussolini pour notre ami Angelo….Qui a choisi ça?.  et l’employée des pompes funèbres qui arrive avec du papier alu tout froissé et qui dit à sa fille.. désolé.il y avait beaucoup plus de cendres que nous avions prévu.. et lui donne le paquet tiède. Tiède.!.». Ayant dit cela le vieil homme fixait l’écume de son café brûlant et je me demandai s’il pensait à sa propre mort et me demandai ce qu’il souhaitait .. et j’avais envie de tout faire pour lui offrir..

Un groupe de lycéens débarqua bruyamment et se regroupa devant l’armoire réfrigérante et ses nombreuses des pâtisseries. Ils ôtèrent tous leurs casques et leurs oreillettes. Et je me demandai soudain si tous ces ces gens d’âges si différents, réunis dans cette vaste salle luxueuse étaient contents de vivre dans leur époque. Et d’abord dans quelle époque vivaient -ils ?La même  que la mienne? Sûrement pas. Et moi ? Étais je satisfait   de mon époque? sans doute pas mais incpable d’aller opus loin. Sans doute, j’avais e sentiment d’un voyageur d’un certain âge qui revient dans sa ville natale et ne reconnait rien. Le square et la belle allée de tilleuls furent remplacées par des parkings d. Les jeunes femmes du lycée qui te faisaient rêver dans leurs jeans serrés, sont devenues des petites vieilles frileuses trottant avec leur cabas vers une superette, sans regarder les autres. Pourquoi? Incapable de répondre à ces questions, je payai ma consommation et fixai une pile de cendriers en me posant la question de la crémation. Finir dans un cendrier. Les nouvelles générations veulent ça.Je quittai la salle avec le sentiment d’une défaite avec mes questions oiseuses.

Je rejoignis bien plus tard la foule du Corso puis m’engageai dans l‘étroite et populeuse via Frattina . Il était dix heures dix. Je marchai le long de vitrines rutilantes qui ressemblaient à une suite d’aquariums baignant dans une pénombre artificielle. J’étais noyé dans les reflets flous et sombres des passants avançant comme une armée des spectres.Je changeai de trottoir pour marcher au soleil. J’atteignis la place d’Espagne. Rome baigna alors dans un bleu pâle d’une incroyable légèreté. L’ ampleur d’un ciel sans nuage rendait aux coupoles, aux campaniles,aux terrasses fleuries , aux églises leur promesse première sous forme de bénédiction par des anges invisibles.

Via Frattina

Je revins vers l’hôtel en prenant un bus. Il était presque midi .J’étais en retard. Je traversai une place immense et déserte comme un plan d’eau. j’évitai de prendre la Via dei Villini avec ses pins en allées résineuses . C’était là ,devant une villa au crépi vert amande ,que je m’étais disputé jadis ,du temps de ma jeunesse, avec une jeune allemande que j’aimais. Elle voulait voir le Colisée à la nuit tombée . Je détestais cette monstrueuse conque de ténèbres, avec ses trous rocheux , ses voûtes démesurées,ses monstrueux blocs de pierres brunes, cette successions d’ antres obscurs qui puaient l’urine et la mort. Je refusai donc violemment de l’  accompagner.

Je repensai à cet article que j’avais lu la veille dans le Corriere sur l’écrivain Pavese. On y révélait l’existence d’un « carnet secret ». L’écrivain de Turin y avait consigné d’étranges déclarations à propos de sa lassitude du combat antifasciste .il avait multiplié des notes qui ne collaient absolument pas avec ce qu’il affirmait dans ses textes ou déclarait à ses proches. Ce carnet secret, trouvé après sa mort révélait donc un autre Pavese,énigmatique . Son jardin secret.

Et plus j’y pensais ,plus ce jardin secret, m’ intriguait, m’attirait.Dans cette société où tout doit être mesuré, jugé, efficace, constant, et surtout « transparent » , l’expression « jardin secret, » prenait une couleur délicieusement fanée, vieillotte comme si je me promenais dans un verger caché, à l’abandon plein de broussailles , de ronces et de cachettes d’enfance.

Je me souvins alors que l’article précisait que Pavese ne supportait pas de se sentir « visible comme les galets au fond de l’eau » .Je participais,comme lui, à cette effroi de devenir un »  galet d au fond de l’eau» que tout le monde regarde .

Je me demandai si mon goût de plus en plus accentué pour le secret,le mensonge par omission, était un symptôme de début de paranoïa et de misanthropie ou, au contraire, un réflexe de santé mentale pour me défendre contre une époque avec son maillage de réseaux sociaux, ses désordres multipliés,ses idées toutes faites, sa confusion et pour tout dire son chaos.

Je revins par la piazza Galeno. L’air brûlait ,les tramways étaient bondés, l’orage couvait , j’étais en retard.

Piazza Galeno

Retour à l’hôtel. Ses tapis rouges , ses hauts couloirs voûtés, blancs ,qui faisait penser à un monastère. La chambre 108 était vide et bien rangée. Je retrouvais Laure assise dans le jardin sous la tonnelle  elle avait déplié un plan de Rome sur ses genoux tout en suçotant une branche de ses lunettes.
-Tu as été bien long..

Laure replia le plan et me demanda avec un petit ton narquois :

-Qu’est-ce que tu as fait de ta matinée ?

– Oh.. Pas grand-chose….J’ai flâné..

-Mais encore ?…

-Rien de spécial… Ah si, une carafe d’eau est tombée pas loin de la table où je prenais un café. Tu sais, le café que j’aime beaucoup ..le Caffè Hungaria…

-Oui, je sais, allons déjeuner.

Pavese ou la fête impossible

Puisque l’œuvre entière de Cesare Pavese fut souvent lu et interprétée et parfois déformée à la lulmière norie de son suicide (précisons qu’il avale des cachets le 27 août 1950, à 42 ans,  dans une chambre de l’hôtel Roma, place Carlo Felice, à Turin, sa ville d’élection) . Il laissa sur sa table de chevet un mot : « Je pardonne à tout le monde et à tout le monde, je demande pardon. Ça va ? Ne faites pas trop de commérages. » Il avait reçu la plus haute récompense littéraire italienne le Prix Strega, 4 mois auparavant.

L’écrivain Italo Calvino, que Pavese avait découvert et soutenu dés ses premiers textes, a dit quelque chose de capital sur Pavese :

« Tous les romans de Pavese tournent autour d’un thème caché, autour d’une chose non dite qui est la chose qu’il veut vraiment dire et qui ne peut être dite qu’en la taisant. »

Puis : »En général dans les récits de Pavese, apprendre cela signifie apprendre aussi et surtout comment on soufre, comme on se comporte face aux blessures qu’on reçoit.Et ceux qui n’ont pas appris succombent.  »

De son côté, Natalia Ginzburg qui a longtemps travaillé aux éditions Einaudi à ses côtés se souvient : « Il était, parfois, très triste. Mais nous avons cru, pendant longtemps, qu’il aurait guéri de cette tristesse au moment où il aurait pris la décision de devenir adulte, parce que sa tristesse nous semblait celle d’un jeune homme, la mélancolie voluptueuse du jeune homme qui n’a pas touché terre et qui se meut dans le monde des rêves arides et solitaires. ».

Lui-même insistait sur une sorte de silence fondateur qui présidait à son œuvre tout entière et sur une aspiration infinie et insatisfaite à une perfection qu’il s’assignait sans pouvoir l’atteindre, produisant un inévitable sentiment d’échec. « Le silence, c’est là notre seule force », écrivait-il dans un de ses premiers poèmes.

Une bonne introduction à son œuvre , c’est sans doute en ouvrant « le bel été » ,commencé en 1940 et publié en 1949.Il rassemble trois de ses meilleurs textes . Outre ce « bel été »,il faut lire « le diable sur les collines » et « entre femmes seules » qui fut adapté par le cinéaste Antonioni. . On a alors un panorama assez juste des thématiques et du ton si particulier presque murmuré dans sa fausse objectivité de Pavese. « Le bel été » évoque des fêtes, de virées nocturnes dans Turin , dans des bistrots crades, le long du Pô, ou dans les v bourgades des collines. L’initiation amoureuse est le grand sujet du texte « Le diable dans les collines » . Flirts , disputes, conquêtes et séparations , poignées de main passionnées, béguins d’un soir, sourires niais, caresses sous la table, caprices, crises de jalousie , toutes les chimères et enthousiasmes de l’adolescence sont convoqués pour former , une ronde. Soirées dans les bistrots enfumés de Turin, nuits blanches, bals de campagne, virées en rase campagne dans les vignobles. La subtilité des analyses, les relations triangulaires sentimentales ,les bavardages narquois et piégés, (qu’on retrouvera magnifiquement dans « La plage ») ne se limitent pas à de la psychologie traditionnelle, mais la prose, souterrainement, essaie de capter, de saisir le chant secret qui a bercé cette génération qui découvrit l’amour au moment du fascisme .

Pavese a une obsession. Il se demande où est l’unité d’une vie  alors qu’il n’y a que des instants précaires ,des signaux contradictoires, une balance provisoire, incertaine, insaisissable entre les émotions et de multiples blocages. . Les tentations de l’ homosexualité affleurent aussi parfois.

Ce professeur hyper cultivé, nourri de l’Antiquité, est obsédé par des images mythiques centrales, archaïques, assez virgiliennes. L’ unité perdue , le cycle des saisons,comme un Éternel Retour, les Dieux absents traversent son œuvre

Mais le grand sujet reste les femmes : les jeunes filles, les amoureuses ,la timides, les délurées, les conquérantes, les maternelles, les coquettes, les victimes, les fières, les humiliées, qu’elles soient ouvrières ou grandes bourgeoises .Pavese observe les situations ambiguës de ces groupes de garçons et filles qui traînent le soir dans les cafés et les bars et partent en voiture pour des virées qui durent jusqu’à l’aube. Le jeu des attractions sentimentales, des affinités, est mené avec virtuosité dans toutes leurs nuances. Les dialogues de Pavese sont tissés de banalités qui cachent le courant souterrain des pensées et des émotions. Il faut avoir l’ouïe fine pour percevoir cet art de la sous-conversation qui culmine dans « La plage »avec ses papotages sur le sable. Pas mal de lecteurs sont passés à côté de cet art de l’infime, de la nuance fuyante, des drames dissimulés sous un blague de rien, du flux de conscience dans ce qu’il y a d’insaisissable, ce brouillard étonnant des paroles ordinaires pour masquer l’essentiel. Pavese annonce déjà les tropismes de Nathalie Sarraute . Ce qui affleure entre les garçons et les filles, ce qui glisse sous la surface des bavardages , ce heurt des émotions, ces fractures et fêlures entre les sexes, ces incompréhensions qui grandissent entre les êtres, Pavese en est le maître. Les déambulations bruyantes et alcoolisées dans Turin rappellent parfois les distractions vides des « Vitelloni » de Fellini.

Bianca Garufi, pour qui il écrivit de nombreux poèmes

En même temps il sait mieux que personne faire savourer les douceurs des nuits d’été sous les treilles, les touffeurs tièdes des collines tant aimées, ces « Langhe » où il est né et aussi les musiques de la jeunesse qui s’enfuit .Il interroge le « silence du monde ».

L’époque mussolinienne ,et ses contraintes se retrouvent dans « La prison » et « La maison dans les collines »qui composent le recueil « Avant que le coq chante » .

« La prison » fut écrit entre 1938 et 1939 mais ne fut publié qu’en 1948 après l’effondrement du régime fasciste. Pavese raconte son séjour de huit mois à Brancaleone en Calabre où il fut assigné à résidence par le gouvernement fasciste. Il vit surveillé dans une humble cabane face à la mer grise. Image de l’ennui, de la monotonie d’un rivage plat et d ‘une existence artificielle. La encore la solitude subie devient passionnante grâce à deux présences féminines, Elena , la femme de ménage , humble, fidèle, attentive , pudique , et Concia la femme sauvage qui se donne aux hommes.

Sans cesse revient l’image de la fenêtre ouverte sur la mer. Pavese écrit :
« Là-bas il y avait la mer. Une mer lointaine et délavée qui, aujourd’hui encore, s’ouvre derrière toutes mes mélancolies. C’est là que finissait toute terre, sur des plages désolées et basses, dans une immensité vague. Il y avait des jours où, assis sur le gravier, je fixais de gros nuages accumulés à l’horizon sur la mer, avec un sentiment d’appréhension. J’aurais voulu que tout soit vide derrière ce précipice humain. » La réflexion sur la séquestration, dans cette « prison » devient une auto-analyse d’où il émane une poétique de la pauvreté intérieure .   Pavese se souvient d’ une lettre de Léopardi :»Je connais un homme qu’un simple œil-de-bœuf ouvert sur le ciel vide, en haut d’un escalier, met dans un état de grâce » .

A propos de ce texte rappelons que Pavese fut arrêté le 15 mai 1935 dans une rafle frappant le mouvement « Giustizià et Libertà ».Il est emprisonné pour ses fonctions de directeur par intérim de la revue « Cultura » et pour détention de correspondance clandestine. Il a alors 27 ans et ne s’est jamais signalé par une opposition franche au régime.
Pendant son assignation ,Pavese se baigne, lit les tragiques grecs, des polars, se fait la cuisine, donne quelques cours aux enfants de Brancaleone, et corrige son recueil de poèmes « Travailler fatigue » qui selon lui était « susceptible de sauver une génération » . Les poèmes n’ont rien sauvé du tout ,ils ont surtout été soumis au contrôle du Bureau de la censure de la Préfecture de Florence, et amputés de 4 poèmes. Publiés, ils tombent dans une relative indifférence .

Les collines, les « Langhe » autour de Turin

Voilà comment, sous les traits de Stefano, se décrit Pavese confiné et surveillé  :
« Elena ne parlait pas beaucoup mais elle regardait Stefano en s’efforçant de lui sourire avec des alanguissements que son âge rendait maternels. Stefano aurait voulu qu’elle vint le matin et qu’elle entrât dans le lit comme une épouse, mais qu’ensuite elle partit comme un rêve qui n’exige ni mots ni compromissions. Les petits atermoiements d’Elena, l’hésitation de ses paroles, sa simple présence lui inspiraient un malaise coupable. Des propos laconiques s’échangeaient dans la chambre fermée.(..) des minutes savourées ave »c Elena ,il lui restait une fatigue oublieuse, repue, presque une stagnation de son sang. Comme si, dans les ténèbres, tout s’était passé en rêve. mais il lui en voulait de l’avoir priée, de lui avoir parlé de lui avoir révélé, ne fût-ce que par feinte quelque’ chose de sincère et de tendre. Il sentit sa lâcheté et sourit : »je suis un sauvage. »


Ce qui est étonnant dans ce récit « La prison », c’est la beauté harmonieuse et l’enchevêtrement des durées, les subjectives et les objectives. Les vertiges, les ruminations, les méditations solitaires, toutes ces harmoniques du temps intérieur face à la mer vide et le village. Pavese collectionne les instants : la fenêtre face à la mer, les cuvettes des collines, les rives caillouteuses, les sentiers déserts qui portent à l’exaltation, Il y a aussi une attention minutieuses aux rites : repas, passages du plein soleil à l’ombre, de la grosse chaleur à la fraîcheur des soirées devant les vagues.il analyse ses phases de l’exaltation au découragement, avec quelque chose étrangement aride et honnête dans l’exacte sismographie de ses humeurs.
Déjà on constate que le sexe est à la fois espérance folle, désolation, vertige, exaspération ,obsession et consolation. C’est dans la séquestration que cet écorché ,vivant au plus secret de lui même, devient un grand écrivain. Son l’intelligence se manifeste quant tout se défait…


Enfin, on sait maintenant que son parcours politique est assez erratique. Schématiquement , de son vivant il avait été comme un « antifasciste », puisqu’il avait pris sa carte d’adhérent au Parti Communiste en Novembre 1945 et qu’il avait écrit dans « L’ Unita » ce qui est aller un peu vite.. Aujourd’hui la publication du » carnet secret »,retrouvé en 1990 , un ensemble de notes prises entre juillet et décembre 1943 oblige à nuancer et à relativiser cet engagement communiste tardif. Bien que Pavese eût donné un gage de son militantisme en écrivant « le camarade » ,publié en juin 1947 , il ne fut jamais considéré comme un solide militant .

Le 9 septembre de cette année là, Fabrizio Onofri lui demande d’éclaircir ses rapports avec le PC et lui demanda d’analyser les politiques culturelles régionales. En fait le PCI s’agace devant une œuvre qui manque singulièrement de violence dans sa critique de la bourgeoisie. Sde plus sa collaboration à la revue « Culturà et realtà », qui critique le marxisme, et implicitement ligne de Togliatti est vue d’un mauvais œil. La position de Pavese on la trouve parfaitement exprimée dans une lettre du 2 Août 1943 à Fernanda Pivano :  « Je ne suis pas un politique et je n’ai rien à gagner avec la politique. « 

Mais il y a plus gênant. C’est l’affaire du « carnet secret » tenu pendant l’été 1942. Le quotidien « La Stampa » le publie en 1990. Cet enselble détaché du journal intime « le métier de vivre » révèle la lassitude de Pavese devant l’antifascisme .Il manifeste même une certaine admiration pour l’Allemagne ! Ce carbet embarrasse les spécialistes pavesiens, les ,journalistes et universitaires .Pourquoi a-t-il d’ailleurs éprouvé le besoin de soustraire ces pages là à son journal intime ? Mystère.Selon certains ce carnet secret ne reflète pas la pensée profonde de Pavese mais aurait fait parler un personnage de fiction « fidèle à Mussolini » et qui aurait dû trouvé sa place plus tard dans un de ses récits .La question reste ouverte.

Pour ceux qui veulent comprendre les soubassements de l’oeuvre, ses pilotis philosophiques, je recommande « Le métier de vivre » posthume publié en 1952. Tenu du 6 octobre 1936 jusqu’au 18 août 1950, neuf jours donc avant son suicide, on y découvre aussi en toute sincérité, un écorché vif. Il ne cache rien de sa sécheresse naturelle, de sa sensualité malheureuse.il s’en dégage une certaine misanthropie, des humeurs déconcertantes ,un masochisme, des influences littéraires,des rencontres, amours,une rumination littéraire de forcené, des maussaderies, détails de l’égo, questionnements épuisants sur les problèmes de Forme. Bref un homme sans cuirasse.

On y voit aussi sa passion de la littérature américaine,et en particulier d’Hemingay ; sa vie amoureuse tient une bonne place avec des extraits de lettres et pour finir ses souffrances devant l’éloignement de Constance Dowling, son dernier amour.

« 16 août :

 Mon rôle public, je l’ai accompli-j’ai fait ce que je pouvais.J’ai travaillé, j’ai donné de la poésie aux hommes, j’ai partagé les peines de beaucoup. « « 17 août : Les suicides sont des homicides timides.Masochisme au lieu de sadisme. » A partir de 1945, il précise le rapport des intellectuels avec la politique, sur la solitude : »Chaque soir,une fois le bureau fini,une fois le restaurant fini, une fois les amis partis- revient la joie féroce,le rafraîchissement d’être seul.C’est l’unique vrai bonheur quotidien. » (25 avril 1946) .

Constance Dowling, son dernier amour.

J’avoue que cet épluchage de soi, cette manière de gratter ses écorchures m’agace assez souvent. Je préfère les premières lignes du « Bel été »  un début si magistral et significatif de son art vibrant : »A cette époque-là, c’était toujours fête. Il suffisait de sortir et de traverser la rue pour devenir comme folles, et tout était si beau, spécialement la nuit que, lorsqu’on rentrait mortes de fatigue, on espérait encore que quelque chose allait se passer, qu’un incendie allait éclater, qu’un enfant allait naître dans la maison ou ,même, que le jour allait devenir soudain et que tout le monde sortirait dans la rue et que l’on pourrait marcher, marcher jusqu’aux champs et jusque dans l’autre côté des collines. »

Une soirée dans la presqu’île

L’ancien café du port se trouvait à l’extrémité de la presqu’île au milieu de quelques maisons de granit, toutes avec un jardinet et une barrière blanche ou bleue. Ce soir là, j’avais invité quelques amis. En cette fin d’été nous étions installés sur la terrasse qui dominait la baie. La marée était de 102, des vagues explosaient sur les rochers en contre-bas . Parfois une rafale de vent faisait vaciller les flammes des photophores.

Nous en étions tous à ce moment où le silence des invités repus s’installe alors que nous goûtions un Calvados hors d’âge venant du Domfrontais .Sur les deux tables de jardin rapprochées , dans des plats en inox subsistaient des carcasses de tourteaux. Dans un saladier il y avait un reste de salade de pommes de terre et d’encornet.Les   coquilles d’huîtres se mêlaient aux débris calcaires de pattes d’araignées. Sans compter le fatras d’outils métalliques à l’aspect chirurgical:casse- noisettes piquetés de rouille , piques à bigorneaux, fourchettes à huîtres.

Querlin et Bernard étaient presque assoupis après s’être chamaillés longuement pour savoir si la vie était brève ou longue. Bernard ,péremptoire avait clos la discussion en déclarant :

« Elle est si longue notre vie que l’on perd tout vrai souvenir de notre enfance et de notre adolescence. « 

Et chacun avait piqué du nez dans son assiette. Élisabeth remarqua qu’il y avait toujours beaucoup de papillons sur la presqu’île, même le soir . Bernard, les lunettes à la Schubert sur le front tapa sur la table avec son poing.

« Tu sais comme moi que les spectateurs attentifs et cultivés sont de plus en plus rares. Il ne faut pas se voiler la face.Merde. J’ai envie de foutre une grenade sous le cul des gens à chaque générale. Les jeunes générations ouvrent leurs portables en pleine représentation ! Les vieux continuent leurs parlotes, putain. « 

Je crois que c’est Nadine qui murmura avec un brin d’agacement « Oui, c’était mieux avant !.. tout le monde sait que c’était mieux avant !..Quand on donnait « les Cloches de Corneville » devant des notables qui s’endormaient.  »

Nadine et moi guettions ces fragiles lumières de l’autre rive qui s’allumaient et   marquaient un hameau dont nous cherchions le nom sans le trouver. .On distinguait encore les ailes du moulin de Craca. Peut-être que là-bas, sur l’autre rive ils s’amusaient vraiment, pensai-je. Nadine me confia :

« Déjà à la Fac Bernard voulait déjà tout faire sauter. »

L’alcool aidant ,la nuit approchante, tout ralentissait, Elisabeth s’endormait. Un visage endormi est une curieuse dalle. f .Le régulier fracas des vagues faiblissait ,l’eau se retirait.L’étendue marine poursuivait son retrait avec des remous.

Nadine soupira : »Par une nuit comme ça, on pourrait danser toute la nuit. » Querlin s’accouda à la balustrade  : »Regardez on croirait que l’eau est verglacée 

-Verglacée?Non tu veux dire « argentée » ,protesta Bernard. .

-Non, je veux bien dire verglacée . »

Cette dernière remarque continua à planer dans l’air au dessus de nos têtes sans que l’un de nous prononce le moindre mot.Une chauve-souris voletait au niveau des chambres du premier.

Nadine tira sa chaise vers moi .

C’est alors que nous entendîmes grincer le portail de fer. Toutes les têtes se tournèrent vers la gauche de la maison. Dans le halo orangé du lampadaire de la rue apparut une silhouette asse petite massive, blanchâtre,en gandoura ,appuyée sur un béquille .Je reconnus Lucile,cette voisine toujours en bottes et capeline mauve. Elle ne sortait jamais au grand jour ,vivant cloîtrée avec ses chats dans une maison aux persiennes closes . Pas mal de rumeurs malveillantes circulaient sur cette ancienne prof de français . J’avais remarqué qu’une lumière verte brûlait au au premier étage chaque nuit et je me demandais souvent ce qu’elle pouvait bien faire.

On disait dans le village qu’elle avait vécu son enfance au Pakistan , fille de Consul. Ce soir là ses cheveux gris à reflets mauves tombaient en longues mèches raides sur ses joues me faisaient toujours penser à la coiffure de Bonaparte dans le film d’ Abel Gance.

Elle se dirigea vers moi,un peu chancelante et appuyée sur sa béquille

Sa main gauche remonta le long de son visage comme pour exprimer quelque chose.

« Pardon de vous déranger, je peux vous parler un instant ?

-C’est urgent ? »

La voisine me saisit le bras et se serra contre moi.

Elle ajouta :

« S’il vous plaît, un instant ! »

La pression de sa main sur mon bras se fit plus forte.Il y avait un curieux silence de mes amis derrière moi.

« Venez une minute , j’ai quelque chose à vous montrer.. »

Elisabeth se dressa sur son siège, la cafetière à la main et dit :

« Vous voyez,madame, que vous nous dérangez…

…vous voyez bien..nous sommes en train de dîner..

– Je vous le rends… ça ne sera pas long… »

Je fis signe à mes amis de ne pas intervenir. Lucile me serrait le bras de plus en plus fort.Je me laissai guider.

La voisine et moi traversâmes la route qui ressemblait à un ruban noir étincelant.Le vent léger qui venait de la mer portait une fraîcheur humide. Je poussai la petite porte de bois de la demeure et .la porte d’entrée était restée entrouverte sur le couloir.

« Je ne vous dégoûte pas trop ?  Vous savez que je suis fière de vous. Je vous ai entendu jouer Liszt.. cet après midi..

-Ce n’était pas moi mais une amie.. »

Je la retins car elle perdait l’équilibre avec sa béquille coincée contre un arrosoir. .

J’attendis qu’elle reprenne sa respiration appuyée sur le chambranle de la porte.

« Vous n’arrivez pas à dormir ? Vous avez des insomnies ? On a fait trop de bruit ? Excusez nous si on a fait du bruit.

-Non ça va. « 

Elle ajouta :

«  Vous êtes un homme très bon. Vous ressemblez à mon fils.Tellement. .« 

Enfin nous pénétrâmes dans le couloir sombre .On était saisi alors une odeur étouffante de poussière, de vieux coussins,de vieux vinaigre éventé. Une espèce d’odeur de grenier surchauffé en été dans ses vieilleries .Ma voisine alluma en tâtonnant le long du mur. Une ampoule nue éclaira ce profond tunnel encombré. Deux vieux fauteuils défoncés, un guéridon avec un lot de médicaments et d’ampoules encombraient le passage.Un poêle d’un ancien modèle était surmonté d’un service a café en porcelaine avec des filets dorés. Les murs étaient tapissés de gravures,de cadres dorés,et surtout de vieilles photos . Une bizarre draperie, avec un entrelacs de fleurs exotiques, était ornée d’un galon d’or qui tombait du plafond ; il y avait énormément de plis en étoile comme si nous étions sous une tente arabe . Un matelas nu dressé contre le mur supportait des pots de confitures vides . Une bouteille de Suze avec un gobelet d’argent jauni (de ceux qu’on offrait jadis à des baptêmes) trônait sur la première marche de l’escalier .Je butais dans un seau à charbon avec des boulets. La main qui me tenaillait le bras était moite .Je sentais que la femme m’épiais, à l’affût du moindre tressaillement. Je sentis sa voix contre mon oreille avec son haleine chargée  :

« Ecoute moi ! Tu ne devrais pas fréquenter ces gens.Ils te détestent. Ils t’éloignent de mon fils.Ils ne vous aiment pas. Vire les !»

Je fus stupéfait. Et en même temps, j’étais fasciné par l’immense et inextricable assemblage de vieilles photographies défraîchies, un peu grasses et mal scotchées les unes aux autres. .J’entrevis des femmes noires dénudées ,aux seins lourds, en train de se baigner dans marigot cernés pare une inextricable végétation tropicale ;à coté devant une masure,des veuves accroupies,puis plusieurs hommes alignés sur un gigantesque amas de pierres avec des canotiers, des costumes clairs.L’un brandissait une canne. Plusieurs photographies décolorées révélaient un endroit crayeux saturé de poussièremais t.Il y avait aussi des sortes de felouques,un chamelier devant des roseaux., un gigantesque tete de pierre d’un Dieu poprtant une tiare.

« -C’est l’Égypte ? »

La femme grommela :

« Vire les ! «  Puis : « T’as pas l’air de savoir quoi faire de ta vie. »

Ces lieux exotiques et orientaux avaient -ils un rapport direct avec son enfance au Pakistan ?

Je ne sais pas pourquoi mais soudain je me se sentis mal,je manquais d’air, prisonnier d’ un espace confiné avec cette pythie fardée et sa récrimination, elle fantôme perdu parmi ces vieux étés coloniaux,ses linges crados, dans un couloir où le temps ne s’écoulait plus et où ne se promenaient plus que des morts qui s’allongeaiet tout au long du mur dans une perpective d’un temps sans fin ni commencement,avec de grotesques canotiers. C’était un monde funèbre , un monde macabre qui me faisait penser aux fleurs fanées et pourrissantes qu’on trouvait sur des tombes à demi soulevées dans des cimetières à l’abandon sous la pluie,un temps mort, opaque stagnant.

Lucile m’indiqua une petite photo dentelée et racornie.

« Là c’est mon fils. Il vous ressemble. Il a les mêmes traits fins que vous et la même chevelure. »

Je m’approchai et discernai un jeune homme en canotier, le visage blafard,comme légèrement poudré, les sourcils trop bien dessinés, il était encadré de deux jeunes filles visiblement travesties en putains cairotes comme on en voit dans les photographies 1900 un peu coquines. Sur le cliché voisin,on retrouvait ce visage blême un peu à la Harold Lloyd dans ces films muets, ils portait une veste rayée de dandy qui le cambrait. Dans ces ténèbres je découvris d’autre clichés de garçons et filles, fardés, tirant la langue comme pour une représentation théâtrale d’amateurs. Cette voisine inquiétante et trop grasse avait-elle été une de ces jeunes filles ? était-elle parmi ces silhouettes ? Il y avait aussi une photo punaisée,style Studio Harcourt représentant le pianiste Yves Nat.

« -C’est Yves Nat ?

– Il a été l’ amant de ma mère. « 

Enfin, je me débarrassais de son étreinte qui me faisait mal au bras. .

– Je dois vous quitter ,mes amis m’attendent !

« Vous ne pouvez pas rester cinq minutes sans bouger ? Sans faire n’importe quoi ?  »

Puis elle dit :

« Attendez ,j’ai quelque chose pour vous. »

Elle claudiqua vers le fond du couloir, disparut sous l’escalier et revint en marchant de travers et me mit sous le nez un cube d’un savon de Marseille.
 »C’est pour vous ! Mon fils aimait cette odeur. Quand vous vous laverez avec, vous sentirez exactement comme mon fils.

-Mais.. »

Elle me colla le savon dans la main.

« Ne dites pas de bêtises quand vous vous serez lavé une fois avec ce savon, vous serez exactement comme lui.- je vais retrouver mes amis.Ils m’attendent.

–Je croyais que ça vous intéresserait. Voulez vous que je ferme  ?

J ‘avais regagné la porte d’entrée avec l’impression d’avoir franchir des épaisseurs touffues.

« Je reviendrai un autre jour.C’est promis !

Elle se tut, resta immobile,puis soudain :

« Je ne suis pas votre bonniche,merde ! »

Je quittai cette maison, en pensant à toutes ces maisons de la presqu’île, aux villages voisins, aux maisons innombrables du port de Paimpol, aux villes entières qui accumulaient autant de vieilles demeures , de maisons désolées, de villas mornes au bout d’un chemin ; je songeais cette palpitation secrète, cette chair du monde qui engendrait et gardait au secret autant de marionnettes paumées, toutes ces ombres vieillissantes, ces épaves irrémédiablement piégées dans leur solitude et leur décrépitude , ces infirmes où ne parviennent plus aucun écho de vivacité ou de légèreté humaine, tous emportées un chaos vertigineux et un inéluctable anéantissement, ils claudiquaient de manière grotesque ,empêtrés, englués , ahuris, exaspérés, dans une débâcles de pensées circulaires, incapables de maîtriser la série de court circuits délabrés et répétitifs de leurs images mentales.

Dehors, je humais le vent frais, au milieu de la route .La nuit transparente et son ciel haut avec quelques fragiles brillances annonçait déjà la limpidité glacée d’un soir d’hiver.

Lire l’été

Curieux ce mois d’août pour un critique littéraire ou un juré de prix d’automne. Il parcourt des routes du Sud ou du Centre avec la chaleur qui tremble à perte de vue sur les champs. Dans le coffre de la voiture, des piles de jeux d’épreuve tenues par un caoutchouc.

Maisons d’amis aux meubles bien cirés, location dans les Landes , longère bretonne et ses hortensias, hôtels avec piscine, et puis un coup de fil d’une attachée de presse rompt le silence des lentes lectures de l’après-midi, et on devine derrière une stratégie éditoriale, ou bien un confrère qui vient de tomber sous le charme d’un texte et ,comme un jeune amoureux, il veut déverser son trop plein d’ enthousiasme à un ami.

Quel est le calcul en filigrane, et quel jeu de billard à trois bandes  chez ce directeur littéraire qui en général n’appelle pas pour rien ? Entre grillades au romarin ,baignade ou sieste, les épreuves sont là, éparpillées sur les dalles d’une terrasse ou la toile d’une chaise-longue. Le critique suit donc tout au long de l’après midi de longues houles de phrases ( quelle curieuse solitude bavarde se dit-on parfois..) ou il dilue son attention dans des confessions familiales étirées ;et en même temps il se demande si son goût ne s’est pas émoussé à se crever les yeux sur des textes qui naviguent dans une très honnête moyenne sans aucune surchauffe imaginative. Sans oublier la bascule des sentiments compliqués d’une page à l’autre : curiosité, indifférence, sursaut, grisaille, baisse de tension, puis électricité nouvelle d’un chapitre à l’autre. Parfois c’est la clairière inattendue, la fête ! ce sont des pages parfaites, le critique est soulevé d’émerveillement par la justesse ou la brutalité imaginative d’un passage.

Sept heures .La chaleur stagne sous les tilleuls, l’heure de l’apéro, la bascule du soir, les ombres longues, et sa douceur de clapotis, et le critique laisse derrière lui ces heures de lecture avec des sentiments mélangés, car ça laisse un curieux sillage d’émotions disparates cette croisière dans l’intime d’autrui, ces heures de lecture derrière les persiennes , dans l’épais du papier, et pour quelle justice , et sur quoi la fonder ?

Enfin, comment ne pas rappeler le mot de Scott Fitzgerald : »Écrire, c’est nager sous l’eau ». Pour le critique aussi, lire, c’est aussi nager sous l’eau.