Au-dessous du volcan, de Malcolm Lowry, une difficile ascension …

Difficile de parler de «  Au-dessous du volcan «.On l’ouvre, on est séduit par une moiteur, quelque chose d’étouffant, d’ exotique, des sons peu familiers, , des silhouettes de peons en blanc, des jardins orageux, une imminence de catastrophe, un type qui a l’air de marmonner.  on est aussi déconcerté  par une destruction de chronologie, de curieux assemblages  d’images, un flux mental qui ressemble aux filets dérivants d’un chalutier sans équipage, vacillant. Se multiplient  des allusions obscures, des décrochages chronologiques inexpliqués, des allégories qui renvoient à la Bible, à Dante,  des personnages sortis dont ne sait où, des références historiques comme des lambeaux déchirés d’un passé devenu une affiche. Déconcerté, perplexe, séduit par « l’atmosphère » on poursuit à tâtons  la lecture.

 Il est clair qu’on suit les étapes d’un délabrement intérieur d’un alcoolo, ce Consul qui se sent coupable d’on ne sait quoi, et qui titube avec  une sarabande de souvenirs peut-être inventés, peut-être vécus. Des voix intérieures se mêlent, et se coupent et se superposent avec des   personnages-papillons qui gravitent en arabesques et zig zags dans les parages  du Consul .  Voir le rôle des lettres. Lui Geoffrey s ’abrutit de mescal, de tequila, de bière plate ou de whisky, ce qui a pour effet que chaque sensation, chaque perception d’un   objet, les phrases entendues mettent un temps anormal pour l’atteindre dans ce qui lui reste de conscience.

 Certaines pages ressemblent à ces vitrines d’un brocanteur où des éléments de plusieurs vies et de plusieurs époques sont rassemblés par hasard pour une vente ou plutôt une liquidation.. ..  Par chance, dans cette forêt mentale tropicale , il reste l’omniprésence  d’une ville et du volcan  Popocateptel, sorte de divinité dont on ne sait si elle est bénéfique  ou maléfique .  La magie cadastrale  des ruelles de la ville  est si bien  suggérée par l’art de Lowry qu’on poursuit la lecture ,séduit par la torpeur morbide de cette journée, avec  sa lumière noire aveuglante  verticale qui nous indique que tout se joue tragiquement en 24 heures. Comment ne pas penser au film « Les orgueilleux » avec Gerard Philipe dansant jusqu’à l’épuisement pour obtenir une bouteille de Rhum..

  Les dialogues sautent de l’espagnol à l’anglais, comme dans une bande-son de vieux film resté longtemps dans une poubelle alors que les images, elles,  forment    des   impacts  surréalistes  , -comme cette petite vieille qui garde sous sa robe  un petit poulet lié à une ficelle. Lowry multiplie des  images, des  panneaux  à résonance allégorique   qui deviennent des signaux, voire des prophéties  comme cette affiche de cinéma  qui repasse sous ses  yeux   : »Las Manos de Orlac, con Peter Lorre ».

 Plusieurs fois, je fus tenté d’abandonner la lecture. Il y a ceux qui considèrent en France que c’est un des plus grands romans de tous les temps, de Maurice Blanchot à Maurice Nadeau, de Gilles Deleuze à Olivier Rolin. Excusez du peu.. ..Il y a également ceux qui avouent sur les sites littéraires leur extrême difficulté à s’immerger  dans ce fleuve verbal .Malcolm Lowry, conscient des difficultés liées à la lecture de son roman a écrit lui-même: « On peut le prendre pour une sorte de symphonie ou encore une sorte d’opéra ou même un opéra-western; c’est du jazz, de la poésie ,une chanson, une tragédie, une comédie, une farce et ainsi de suite(..)c’est une prophétie, un avertissement politique, un cryptogramme, un film loufoque et un Mane-thecel-pharès. On peut même le prendre pour une sorte de machinerie; et elle fonctionne soyez-en sûr car j’en ai fait l’expérience. »

 C’est la troisième fois en 4O ans, que je tente la lecture complète. Les deux premières fois je n’ai pas dépassé la moitié du livre, en gros les cinq premiers chapitres d’un roman qui en compte douze.

C’est la troisième lecture ,en 4O ans, qui fut  la bonne. Cette fois, j’ai réussi l’exploit de lire l’ouvrage en entier. Jusqu’au chapitre 12.Bref, l’ascension de ce volcan fut particulièrement difficile.  Reprises, abandons, perplexités, reprises, volontarisme, re- découragements puis  réouvertures du livre. quand j’étais trop perdu dans les pages de Lowry  je   consultais des sites genre Babelio ou Wikipedia pour me servir de boussole.

Le volcan

Un des meilleurs résumés du livre on le doit à Sébastien Dieguez chercheur en neurosciences au Laboratoire de sciences cognitives et neurologiques de l’Université de Fribourg, en Suisse .il dit ceci : »Le 2 novembre 1938, jour de la fête des morts au Mexique, Geoffrey Firmin, consul britannique isolé dans un petit village nommé Quauhnahuac, erre dans l’état d’ébriété permanent qui ne le quitte plus depuis que sa femme Yvonne est partie. Or celle-ci lui revient ce jour-là. L’incompréhension entre eux deux est totale, bien que leur amour soit sincère et réciproque. Les nombreuses lettres d’Yvonne ne lui sont pas parvenues, ou plutôt il les a oubliées ou égarées ; quant à ses réponses, il les a bien écrites, mais jamais envoyées. Ils se retrouvent sans se retrouver ; le Consul étant imbibé depuis si longtemps, ayant tellement ruminé son amour perdu en compagnie de ses fidèles bouteilles, qu’il ne semble pas réaliser qu’Yvonne est vraiment présente, et encore moins qu’elle est revenue pour lui. Pendant tout le récit, il est entièrement détaché, il erre dans son propre univers d’alcoolique, préoccupé par la prochaine bouteille, mais aussi par ses tremblements et ses étranges visions. Le roman décrit l’implacable autodestruction du Consul sur une journée de 12 heures, destruction éthylique qui va de pair avec la difficulté croissante qu’ont les personnages à communiquer. ».  

Cependant je reste perplexe devant ce « chef d’œuvre ». Impression d’être passé à côté d’une grande partie du roman et de ses implications philosophiques et allégoriques. Je l’ai compris, ce roman,  par fissures.  Il m’a été impossible de lire en continu plus de deux  chapitres sans éprouver l’impression de me noyer dans ce flux verbal  si nébuleux. . Impression d’être au milieu d’un dispositif littéraire fragmentaire, une mosaïque descellée, une fresque dont une partie a brûlé, où l’Individuel et le Collectif, l’érudit et le banal, le temporel et l’Eternel , l’individuel et l’Historique (les allusions à la Guerre d’Espagne et au régime communiste en URSS y sont fréquentes) s’enchevêtrent et s’assombrissent pour former un impossible pèlerinage vers on ne sait quelle grâce inaccessible ou salut au sens chrétien.

Les images accourent ,se précisent, se diluent dans cet art de réfraction, ou dans le rétrospectif. Ou bien subitement Lowry s’attache, avec un entêtement vital, à faire l’inventaire complet du décor d’une cantina, comme si son champ de vision, en devenant trouble , mettait en évidence la précarité de l’endroit. En somme, Geoffrey Firmin est déjà dans la danse de mort, observant le pittoresque et l’historique du Mexique comme s’il s’agissait d’un monstrueux serpent Quetzalcóatl en train de muer et de le mordre.

Dans cette noyade, je ne pouvais me raccrocher qu’aux descriptions magnifiques et désolées de cette  ville de  Cuernavaca, sous le volcan , et rebaptisée Quauhnahuac. 

En ce qui concerne la présence des deux volcans, un universitaire,Roger Bozzetto de l’université de Provence, a étudié les différentes significations des volcans dans le roman : »Les volcans sont ici liés à la mort. D’une part puisque chez les Aztèques, ils se nourrissaient du sang des victimes, ce qui contribue à donner un des soubassements mythiques du texte à l’itinéraire sacrificiel du Consul. D’autre part, parce que l’association entre les tirs, les détonations et les images des volcans sont nombreuses. Notons que c’est Hugh qui s’en aperçoit le premier. Rien d’étonnant, il a vécu la guerre d’Espagne et sait reconnaître le bruit des armes. Notons que la guerre en Europe est liée à ce chaos :le lien est fait par Hugh entre la bataille de l’Ebre, le Munich de Chamberlain, et le retrait des Brigades Internationales. De plus la révolution mexicaine, avec ses avatars est toujours présente, comme en témoignent les soldats en manœuvre. Le Consul entend aussi les tirs dans la Sierra Madre alors qu’il regarde le Popocatépetl (p. 167). Et nous avons vu que le « chef des jardins » le tue de deux coups de feu, alors que défile devant les yeux du Consul l’image épurée du volcan. »

J’ai aimé la présence  de ces deux divinités, les deux volcans qui dominent la ville, le Popocatepetl et l’Ixtaccihuatl. J’ai aimé  les cantinas, leur coté poisseux, la nonchalance des serveurs, le scorpion écrasés sur un mur,  cette déambulation d’un clown tragique parmi les collines violettes, ce  jardin à l’abandon, des piscines aussi, vides et en ruines, des remblais obsédants, un voyage en autocar brinquebalant, des images d’une corrida,  des tours de caserne, des routes qui deviennent des sentes herbues,  comme si, sur tout ce paysage tourmenté initiait  à  une éternité de vie outre-tombe  vue dans un miroir courbe.  Enfin ce vertigineux ravin, au bord d’une apocalypse personnelle qui transfigure tout , dans une lumière de couchant.

 L’ivresse du Consul , d’après ce que j’ai compris, nous éloigne de nos  habitudes de lecteur d’un univers « rectiligne ». Lowry nous introduit dans un univers que les peintres et dessinateurs appellent la perspective curviligne,   opposée à la perspective linéaire.

Au lieu de nous offrir un  roman , à la rassurante  chronologie linéaire, Lowry   offre un espace courbe ; il  fait appel à une vision des objectifs grand-angle utilisés sur les appareils de prise de vues. Il tord les perspectives comme sous l’effet d’un miroir concave. Ce miroir concave nous introduit dans l’espace mental du Consul dans sa marche titubante d’alcoolique

Le curieux c’est que les descriptions de la ville, des routes,  des « cantinas »  parfois, Lowry reprend les lois de la perspective  romanesque ordinaire. Mais   grâce à cette perspective curviligne (on voit tout dans le dos d’une cuillère..)le baroque foisonnant s’installe.  

L’alcool déforme et enferme Geoffrey dans une bulle. Toutes les distances sont altérées, mais aussi l’espace intérieur  et géographique des souvenirs. Cette perspective curviligne justifie  ce sentiment  de ne pas se sentir   à la bonne distance  d’Yvonne ou de son frèreHugh. Mais c’est aussi une protection ouateuse et un refuge bien confortable.    

Cette déformation curviligne permet donc d ‘inclure les couches profondes de la psychologie, des explorations nouvelles du souvenir ou des réminiscences de la mémoire involontaire. On pénètre alors dans les circonvolutions d’un esprit altéré par le mescal ou la tequila; ce dispositif rend vrai le contenu foisonnant, anarchique du réel .En introduisant la « maladie » de l’alcoolisme » et en suivant ses symptômes, comme un clinicien, Lowry invente un art littéraire fondé sur des perturbations sensorielles. C’est une ouverture vers de nouveaux chemins littéraires, ce que Lowry appelle « une machinerie ». Cette architecture courbe donne aussi le sentiment d’une étrangeté géographique, d’un labyrinthe étouffant dans une Plantation imaginaire sortie d’un tableau du douanier Rousseau, ce qui produit une force d’envoutement auprès du lecteur. Le chemin onirique tropical-dont il est difficile de se déprendre- mène au ravin final.

Enfin on notera que dans sa marche vers l’enfer(de Dante),  se trouve  le ravin maudit .  La barranca . C’est un gouffre où l’on jette les chiens crevés. On le jettera, lui.   Le roman lui-même est entré dans un espace courbe puisque le premier chapitre de cette agonie christique rejoint et colle  exactement,  comme dans un cylindre de papier , au  dernier chapitre. 

Lowry au Mexique

Extrait :

 Dans cet extrait, le consul, après avoir jeté une bouteille de Tequila vide dans les broussailles marche dans son jardin fouillis dont on ne sait s’il est l’ultime étape d’un Eden à l’abandon (pour la mythologie il ne manque même pas le serpent..), ou sa clôture ultime   qui protège Firmin   du proche cercle de l’ Enfer, ce ravin maudit, si allégorique, nommé « la barranca » où l’on jette les chiens crevés. Rappelons que le roman est placé sous l’influence de Dante. On admirera les dérives chaloupées des phrases qui nous imprègnent des troubles de vision de Geoffrey Firmin.

 « Quelque fût le chaos, voilà qui prêtait un charme de plus. Il aimait l’exubérance sans retouche de la proche végétation. Tandis que plus loin, les plantaniers superbes, à la floraison si obscène et si péremptoire, les splendides jasmins de Virginie ainsi que les poiriers, braves et têtus, les papayers plantés autour de la piscine et, au-delà, le bungalow lui-même, blanc et bas couvert de bougainvillées, avec sa longue galerie semblable à un pont de navire, formaient positivement une petite vision d’ordre, vision qui, toutefois se fondit sans plus de logique, à l’instant où il se détournait par hasard, en une étrange vue subaquatique des plaines et des volcans avec énorme soleil indigo à flamboiement innombrables au sud-sud-est. Ou était nord-nord-ouest ?  Il nota le tout sans chagrin dans une certaine extase même, allumant une cigarette, une Ailas(mais répétant tout haut mécaniquement le mot « Ailas ») puis la suée de l’alcool lui coulant aux sourcils comme de l’eau,  il se mit à descendre vers la clôture séparant de sa propriété le nouveau petit jardin public qui la tronquait. »

 Chapitre 5. Traduction de Stephen Spriel, avec la collaboration de Clarisse Francillon et de l’auteur.

Le Consul vu par le philosophe Clément Rosset:

« Le Consul de Malcolm Lowry n’est pas un ivrogne ordinaire. C’est un ivrogne extraordinaire, un voyant qui se sait plongé « dans un état d’ébriété exceptionnel ». Il n’a rien d’un homme qui perd, de temps à autre, son chemin, pour le retrouver par la suite puis le reprendre à nouveau. D’abord parce que son ivresse est permanente et qu’ainsi l’état de voyance qui en résulte ne se trouve sujet à aucune éclipse ; aucun intervalle de « lucidité « ne vient troubler son hébétude. Ensuite parce qu’il n’y a pour lui depuis longtemps de chemins à perdre ni de chemins à retrouver : parce qu’il n’y a pas, parce qu’il n’y a jamais eu de véritables chemins. Le Consul n’a pas perdu le sens de l’orientation ; ce sont plutôt les chemins qui ont disparu autour de lui, et avec eux la possibilité de direction. La voie droite s’est perdue dans la forêt obscure, comme au début de la Divine Comédie de Dante, dont « Au-dessous du volcan », au dire même de son auteur, se veut une sorte de version moderne et ivrogne. »

Clément Rosset, « Le Réel, histoire de l’idiotie »

40 réflexions sur “Au-dessous du volcan, de Malcolm Lowry, une difficile ascension …

  1. Devoir s’y reprendre à plusieurs fois, cela n’arrive donc pas qu’à moi ?
    Curieusement, en ce qui me concerne, ce n’a pas été vraiment le cas avec ce roman-là, peut-être parce que j’ai attendu longtemps avant de l’aborder, ou peut-être parce que je m’y suis plongée sans aucun désir de maîtrise, en acceptant de me laisser submerger, de ne pas tout comprendre, de ne pas saisir toutes les allusions.
    Cela reste une lecture éprouvante, je m’en rends bien compte en remettant le nez dans le livre pour retrouver l’original du passage cité en traduction française : je ne crois pas que j’aurais le courage de le relire du début à la fin. C’est d’ailleurs moins, en ce qui me concerne, la difficulté de « s’y retrouver » qu’une fuite devant la nature de l’expérience. Pour le dire très naïvement : moi qui n’ai jamais pris une seule véritable « cuite » de ma vie, j’ai eu l’impression (justifiée ou non, en tout cas désespérante) de vivre l’alcoolisme de l’intérieur, d’en faire l’expérience.
    Voilà 2 fois que j’emploie le mot « expérience », alors que je ne pense pas du tout à sa version de laboratoire (comme ds un texte de Ricœur que je retrouverai, & que je caricaturerais sans doute si je le résumais à « élargir son expérience à travers la lecture, à moindres risques » — car enfin on « voit (boit ?) avec » mais sans cirrhose ni delirium tremens à la clef pour le lecteur). Au contraire : aucun pittoresque, « exotisme » (au sens figuré, je ne parle pas du Mexique) de l’alcoolisme que je pourrais explorer, mais quelque chose de très familier, même si poussé à l’extrême. Mutatis mutandis, ce sont (m’avait-il semblé) toutes nos propres faiblesses, nos propres engrenages délétères, implacables, que nous retrouvons. Le sentiment du gâchis. D’être précipité ds qqch dont ns sommes conscients mais que ns sommes incapables d’arrêter.

    En écrivant cela, je ne parle évidemment que de mes réactions, & pas du livre, ce qui est tt de même extrêmement réducteur. Car il est ancré ds un lieu bien particulier (une époque aussi), & se joue à travers les relations (instables) d’un réseau de personnages spécifiques (relations entre eux, & à des moments de leur passé). Difficile de faire mieux si je n’y « retourne » pas. Je vais essayer de relire au moins la promenade à cheval (mais le ravin, déjà…)

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  2. J’ai lu entièrement « Au-dessous du volcan » à l’époque où il fallait l’avoir lu…je suppose en raison de son caractère désespéré, moite, confus, supposé transgressif et en harmonie avec l’obsession des paradis ou plutôt des enfers artificiels de ce temps là. Je n’ai aucune envie de me replonger dans ce cauchemar éthylique dont l’intérêt m’échappe complètement et que j’ai fait semblant d’admirer, comme tout le monde.

    Pour expliquer ma sévérité, j’ajouterai que je suis en train de lire « Guerre et Paix », avec la ferme intention, de le terminer. A part la longueur, il n’y a aucun obstacle à cela tellement ce livre extraordinaire est passionnant . Alors les cuites du consul, vous pensez bien qu’elles me paraissent dérisoire et insignifiantes…

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    • « Guerre et paix »? Un roman inépuisable de beauté morale et d’intérêt historique. Je me demande souvent en le relisant ce roman avec la même stupeur enthousiaste: quel autre romancier que Tolstoï a autant aimé ses personnages?

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    • Closer, on ne peut pas trouver une balance pour peser « Guerre et paix » face « Au dessous du volcan » .Comme la balance que Sartre proposait entre un enfant qui meurt et « la nausée ». Lowry ne mérite aucun mépris.

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  3. Paul Edel, si vs n’y voyez pas d’inconvénient*, je recopie ici la v.o. du passage que vs avez cité dans votre article. En débordant un petit peu : le début de votre citation est indiqué par une barre oblique (un « slash ») :

    « All these thoughts were passing through his mind […] while he gazed back up his garden. Oddly enough, it did not strike him as being nearly so ‘ruined’ as it had earlier appeared. /Such chaos as might exist even lent an added charm. He liked the exuberance of the unclipped growth at hand. Whereas farther away, the superb plantains flowering so finally [irrepressible] and obscenely, the splendid trumpet vines, brave [vaillants and stubborn [obstinés] pear trees, the papayas planted around the swimming-pool and beyond, the low white bungalow itself covered by bougainvillea, its long porch like the bridge of a ship, positively made a little vision of order, a vision, however, which inadvertently blended at this moment, as he turned by accident, into a strangely subaqueous view of the plains and the volcanoes with a huge indigo sun multitudinously blazing south-south-east. Or was I north-north-east? He noted it all without sorrow, even with a certain ecstasy, lighting a cigarette, an Alas (though he repeated the word ‘Alas’ aloud mechanically), then, the alcohol sweat pouring off his brows like water, he began to walk down the path towards the fence separating his garden from the little new public one beyond that truncated his property. /

    * Si vs trouvez que cela encombre inutilement votre espace de commentaires, je suppose que vs pouvez facilement supprimer ce message et le suivant, ds lequel je compte donner qq extraits de ce qui vient après votre citation et qui me semble présenter aussi un certain intérêt.
    Vs connaissez, pour le subir depuis longtemps, mon attachement fanatique au texte (tt le texte mais rien que le texte)…

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  4. Je retranscris le passage qui suit immédiatement votre citation :

    In this garden, which he hadn’t looked at since the day Hugh arrived, when he’d hidden the bottle, and which seemed carefully and lovingly kept, there existed at the moment certain evidence of work left uncompleted: tools, unusual tools, a murderous machete, an oddly shaped fork, somehow nakedly impaling the mind, with its twisted tines glittering in the sunlight, were leaning against the fence, as also was something else, a sign uprooted or new, whose oblong pallid face stared through that wire at him. ¿Le gusta este jardín? it asked…

    ¿Le gusta este jardín?
    ¿Qué es suyo?
    ¡Evite que sus hijos lo destruyan!

    The Consul stared back at the black words on the sign without moving. You like this garden? Why is it yours? We evict those who destroy! Simple words, simple and terrible words, words which one took to the very bottom of one’s being, words which, perhaps a final judgement on one, were nevertheless un productive of any emotion whatsoever, unless a kind of colourless cold, a white agony, an agony chill as that iced mescal drunk in the Hotel Canada on the morning of Yvonne’s departure.
    However he was drinking tequila again now — and with no very clear idea how he’d returned so quickly and found this bottle. […] He felt hemmed in. Gone was the little dishonest vision of order. Over his house, above the spectres of neglect that now refused to disguise themselves, the tragic wings of untenable responsibilities hovered. […] Perhaps the sign didn’t mean quite that […]

    Je vs fais grâce d’un passage intermédiaire où il est question du besoin de paraître brillant aux yeux d’un interlocuteur, en dépit de son allure actuelle, de voir son talent (jugé autrefois si prometteur) à nouveau reconnu, d »être admiré & aimé. De l’évocation d’une figure en deuil, en pleine détresse, dont on ne sait pas si elle est réelle ou s’il s’agit d’une hallucination. Enfin, en pivotant sur le mot « pitfall » (piège, traquenard, chausse-trape) au précipice :

    He had almost fallen into the barranca, […] the ravine […] He paused, peeping, tequila-unafraid, over the bank. Ah the frightful cleft […] \Thou mighty gulf, insatiate cormorant, deride me not, though I seem petulant to fall into thy chops.\ One was, come to that, always stumbling upon the damned thing […] cutting right through the town, […] which, even now, […] was probably beginning to resume its normal role of general Tartarus and gigantic jakes. […] one might even climb down, if one wished, […] to visit the cloacal Prometheus who doubtless inhabited it.

    (J’ai isolé entre 2 autres barres obliques une citation, non identifiée en tant que telle ds le texte, d’un poème de John Marston, contemporain de Shakespeare & Ben Jonson, « To everlasting Oblivion ».)

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  5. Un peu en vrac, à propos des passages recopiés :
    Ds cette partie du chapitre 5, le jardin est vu alternativement comme dégradé, retournant au chaos originel (il est question juste avant d’un petit serpent) ou au contraire l’image d’un ordre habitable. Son double, ou son extension, le jardin public à côté (cité à 7:13) recèle en outre une menace : les outils de jardinage peuvent se transformer (faire fonction) d’armes (l’inverse des épées transformées en socs de charrue & des lances en serpes chez Esaïe).
    Le jardin, sous ses aspects contradictoires, fonctionne aussi comme image de l’esprit & de la vie du Consul, & d’abord à ses propres yeux (mais la fluidité, la réversibilité des images représente une fausse promesse pour la vie humaine confrontée à l’irrémédiable, au funeste, au tragique).
    Sa luxuriance suggère un équivalent du livre lui-même, sa mise en abyme (peu susceptibles de convenir aux amateurs exclusifs de haies bien taillées, d’allées au cordeau, de jardins à la française (mais sans labyrinthe), de perspectives dégagées, de maîtrise & de contrôle).
    L’enfer n’est pas loin, il traverse la ville, faille tjs présente, tjs menaçante (« Fear and the pit », King James Version, la fosse & l’épouvante) — mais le Tartare sert aussi de décharge, de dépotoir & de « chiottes » à ciel ouvert. Le sublime & le scatologique se confondent.
    Le jardin est enfin un jardin « parlant » — pas seulement à cause des voix ds la tête du protagoniste, ses démons familiers (reprends une rasade, ça ne compte pas, etc.) mais aussi sous la forme d’un écriteau qui dit la loi du jardin, pour sinon le « cultiver » du moins le garder — même si c’est à la forme interrogative & ds une formulation en partie sibylline (2ème phrase). Parole (commandement, loi, recommandation ou mode d’emploi) qui reçoit son interprétation — douteuse linguistiquement & pas seulement pour des raisons de maîtrise insuffisante de l’espagnol : le « faux-ami » servant la projection, la construction imaginaire du lecteur ; éviter compris comme éviction — redoublant alors Gn 3, être chassé du jardin (& peut-être aussi la parabole des talents, ds sa dimension d’interprétation tendancieuse du 3ème serviteur, supposant la cruauté, interprétation se transformant en prophétie auto-réalisatrice).
    La citation que j’ai signalée (je l’avais sans doute repérée en lisant le roman, à cause de la diction archaïque, mais je n’avais pas pris alors la peine de l’identifier — mon édition de poche, Penguin, ne fournissant strictement aucune note) est donc celle d’un contemporain, lui aussi poète & dramaturge, de Shakespeare ; on rapproche The Malcontent de Hamlet, mais ds le poème d’où est tirée la citation (suggérée par le ravin), avec ce désir d' »oubli éternel » Marston semble prendre le contrepied de l’ambition affichée ds les Sonnets. Pour l’instant, puisque je me limite à une partie du ch. V, je me contente de noter un écho hamletien sous la forme d’un drôle d’emblème, qd il est question de « spectres de la négligence » au-dessus desquels « planaient les ailes tragiques de responsabilités intenables (impossibles à assumer ?) » mais il est possible que l’on tienne là un réseau allusif parmi d’autres.
    À vue de pays, qq raisons littéraires de trouver un intérêt à ce roman ?

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  6. Ce qui m’a frappé jusqu’à présent MC (j’en suis environ au 2/3 du livre), c’est l’impartialité dont fait preuve Tolstoï à l’égard de Napoléon. Il y a des personnages qui penchent pour « Bonaparte ». Ils ne sont pas vus négativement par l’auteur même s’ils sont fustigés par les « patriotes ». Tolstoï est très critique vis-à-vis des élites russes. Il offre un tableau assez lamentable des dirigeants civils et militaires dont l’incompétence et la courtisanerie éclatent à chaque page. Evidemment à partir du moment où Napoléon envahit la Russie, tout se retourne. Il n’y a plus de francophiles. On évite même de parler français en public. Le précepteur français de Petia se met à apprendre le russe…

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  7. Sous le volcan.
    j’y suis venue alors que je ne savais plus où j’en étais professionnellement (et que cela m’usait à un point assez dangereux, ma foi) par le biais d’une tentative de reconversion professionnelle. Espérance : intégrer un DESS édition / métier du livre à la fac de Villetaneuse. Peine perdue. Mais la bibliographie mentionnait Maurice Nadeau – « Grâces leur soient rendues » – que j’ai dévoré et mis en application. avec plus ou moins de bonheur.

    Sous le volcan.
    Aucune ambition de comprendre le livre dans sa totalité et possible symbolique cabalistique notamment.

    Tout comme Eléna, je me suis laissée dériver au gré des bouteilles vidées, des paroles perdues et envolées, des errements, des accès de désespoir, des grandioses foirades, des hallucinations, jusqu’au (fameux) ravin.
    Je me souviens, au moment de la lecture, avoir été très nettement coupée du monde réel (Seul ce roman importait. le reste n’était plus rien) et avoir été très fortement touchée par la grande et (à mon sens) unique beauté de ce livre.

    Oui, un livre magnifique. Un des plus beaux que j’ai lus.
    que je voudrais relire … justement pour me retrouver encore dans cette beauté.

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    • J’aime bien cette réflexion de Pascale Tollance, aux presses sorbonne nouvelle qui dans sa thèse Malcolm Lowry :entre inhumain et humain écrit ceci:
      « si le texte est rythmé des changements de points de vue abrupts, il n’est pas toujours possible de dégager un mouvement d’alternance clair, fait d’oppositions nettement marquées. Le roman nous entraîne aussi dans une zone floue et incertaine, à l’image de l’état confus du personnage tel qu’il est résumé au chapitre xii : « He was drunk, he was sober, he had a hangover ; all at once » (UV 384). La simultanéité de ces trois états anéantit toute différence et toute possibilité d’établir un principe de succession temporelle. Il devient en même temps illusoire de vouloir distinguer et hiérarchiser les positions changeantes du personnage en fonction d’un éventuel degré de lucidité ou de sincérité. » petite remarque, il n’est jamais complètement sobre.

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  8. Belle réflexion personnelle Margotte . Il me reste à lire intégralement Ulysse de Joyce,mais là, j’attends l’été prochain avant de plonger dans ce chef d’oeuvre-piscine…..et que quelqu’un me donne un bon conseil sur la traduction française à choisir..car je suis fermé à la langue anglaise.

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  9. ce que j’aime dans ce livre, c’est cette plongée dans la déchéance tout à la fois voulue et incontrôlable personnelle d’un homme irrémédiablement alcoolique (à la place duquel je ne peux me mettre – même quand en ayant vécu de bonnes « cuites » et « gueules de bois » …) (de tels moments vécu dans un cadre souvent festif n’ont rien à voir avec l’alcoolisme pathologique, profond et chronique du consul), que l’on nous donne à voir sans concession un petit groupe d’occidentaux en déshérence dans un Mexique que tout à la fois ils ne voient pas ou alors très mal mais dont ils perçoivent malgré tout des fulgurances de réalité, de beauté et de majesté du fait, principalement, qu’ils soient « dominés » physiquement et psychologiquement peut-être (?) par ces deux immenses et incroyables montagnes/volcans.

    Dans ce livre, j’adore la présence récurrente quoique lointaine de ces deux montagnes.

    En fait, j’éprouve (et c’est vraiment ce qui me frappe le plus car cela m’arrive très rarement) une très grande nostalgie de la beauté de ce livre – que je ne peux relire faute de temps …
    idem pour Portrait de l’artiste en jeune homme de Joyce, La Montagne magique de Thomas Mann, le livre de l’intranquillité de Pessoa ou la Recherche du temps perdu de Proust. (tous des livres difficiles).

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  10. Paul Edel, j’ai l’impression que Bloom vs a indirectement répondu sur la RdL en mentionnant le caractère homogène, cohérent, de la retraduction de Darras.

    Sur son blogue, Claro consacre plusieurs billets à l’ouvrage & à la traduction de Stephen Spriel (pseudonyme de Michel Pilotin, d’origine martiniquaise, à la fois proche des surréalistes & bon connaisseur de SF) & C. Francillon, aidés, quand il était en état de le faire, par l’auteur himself, mais il évoque aussi la tentative inachevée (& disparue) de Max-Pol Fouchet :

    https://towardgrace.blogspot.com/2020/10/a-propos-dune-traduction-perdue-dau.html
    (on trouve sur cette page 3 liens aux billets précédents)
    Est-ce là ou ailleurs que j’ai lu cette information ébouriffante — non vérifiée : Darras aurait retraduit en 3 mois ?

    Un commentaire au billet de Claro nous informe de l’existence d’une version annotée (Chris Ackerley et David Large) éditée en 2015 par University of Ottawa Press isbn 978-0-7766-2315-3 : The 1940 Under the Volcano by Malcolm Lowry. A critical Edition
    « 252 p. + autant d’annotations, 510 p. en tout » précise-t-on : si le Companion volume existe donc déjà, sa traduction en français serait certainement utile aux lecteurs francophones « fermé[s] à la langue anglaise » & néanmoins fascinés par Under the Volcano.
    (Cette version annotée doit être imprimée tt petit : en Penguin Modern Classics on compte 371 pages de texte.)

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      • Oups, vs parliez de Joyce bien sûr… Inattention de ma part, désolée.
        Seule ch à conserver : la traduction en français des notes explicatives (de cette 1ère édition de Under the Volcano) serait la bienvenue.

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  11. En relisant les articles de M. Nadeau (Combat, 1950 & Lettres nouvelles 1960 — si qqn est intéressé elena the scrivener peut en recopier qq passages), j’ai découvert un thème mentionné par Max-Pol Fouchet, & qui m’avait totalement échappé : l’aspect « pacte faustien » (on pense à Th. Mann…). Bien entendu, en relisant de ci de là des pages du roman, je suis tombée sur des phrases qui confirmaient cette hypothèse (montraient en tt cas qu’elle n’avait rien de gratuit ou de farfelu).
    Il me semble qu’elle s’articule assez bien avec les aspects mentionnés par M.-P. Fouchet ds cette courte vidéo (où Faust n’est pas évoqué) :

    https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i10105498/chronique-de-max-pol-fouchet-sur-le-livre-au-dessous-du-volcan-de-malcolm

    (la consommation d’alcool, « le dérèglement de tous les sens » rimbaldien, non comme volonté de transgression mais pour devenir « voyant » & cela au service d’un appétit de connaissances ; & plus généralement, la libido sciendi, désir de connaître, favorisée aux dépens des relations humaines, reposant (fatalement ?) sur l’égoïsme).

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  12. De-ci, de-là mais tt de même : j’ai recommencé par le commencement (du livre, pas de l’histoire racontée qui s’est déroulée un an auparavant), ce 1er ch. présenté comme un repoussoir, une barrière d’ennui destinée à décourager les simples curieux. À l’évidence, il prend une tt autre densité lors d’une 2ème ou n-ième lecture (en conférant une tt autre profondeur & cohérence à l’histoire racontée, mais de cela, on ne peut prendre la mesure qu’à la relecture).
    Il met bien cette histoire sous le signe de Faust (qd Laruelle ouvre au hasard le volume de pièces élisabéthaines, déclenchant des échos : «  »Then will I headlong run into the earth », « regard his hellish fall »), entre autres.
    Mais auparavant, avec l’évocation de leurs souvenirs communs d’adolescence, il donne aussi à voir la triste « pré-histoire » du Consul, le mélancolique orphelin loin du monde de son enfance (l’Inde britannique) & livré à lui même au milieu des fils du poète Taskerson, plus âgés & ts terriblement robustes & sportifs — un jeune Geoffrey Firmin abstinent ds une famille de grands buveurs…
    (Peu importe que la 1ère fois la lectrice, qui venait de débarquer ds un début de roman même pas in medias res mais ex-post, ait été un peu ou bcp perdue ds les réminiscences de ce Français & sa conversation avec un Sr Bustamente. Cette image du garçon vulnérable, malheureux, en marge de la famille qui l’accueille, se logera ds un repli de sa mémoire & influencera obscurément, comme souterrainement, sa perception du protagoniste. Implantation précoce de la pitié. La terreur viendra après.)

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  13. « Ulysse » de Joyce lu dans la traduction d’Auguste Morel en 1929, sous la supervision de Valéry Larbaud avec préface de Valéry Larbaud.
    La seule à laquelle je me sois colletée.
    comique du sort : l’année même où j’ai eu fini cette version française d’Ulysse (après 2 ans de lecture plutôt hachés – séquences tantôt stimulantes, tantôt laborieuses), la fameuse nouvelle traduction de 2004 sortait … (ce qui, alors, a bien fait rigoler mon père, je m’en souviens, tant j’avais fait preuve d’opiniâtreté et déployé d’efforts pour parvenir enfin au magnifique monologue de Molly Bloom).
    Pour tenir sur la durée : se dire que le roman est souvent drôle.

    https://journals.openedition.org/erea/4525

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  14. … Personnellement, je ne suis pas certaine que l’éthylisme du consul ait à voir avec un dérèglement rimbaldien de tous les sens … (Par ailleurs, Rimbaud était sans conteste un adolescent poète génial – mais qui comme tous les adolescents devait être aussi certains jours dans la posture et faire la bringue dans le but de se bourrer la gueule pour se bourrer la gueule, et de se défoncer pour se défoncer).

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      • Le poète « voleur de feu » — voir qd même la place occupée par le mythe de Prométhée ds Under the Volcano (Sisyphe aussi, & Tantale pour la soif) . Côté punition, ça tombe bien, le pays ne manque pas de vautours (moins nobles que l’aigle, mais la « dégradation » du mythe paraît ici bienvenue.
        Première réaction.

        D’autre part (mais ça, je viens de le découvrir), M. Lowry avait lu un texte du critique Edmund WIlson (ds un livre de 1931, Axel’s Castle), comprenant notamment une traduction de la fameuse lettre du Voyant & une biographie, courte mais détaillée, du poète. Cette lecture l’avait suffisamment marqué pour qu’il y « réponde » par un poème : On Reading Edmund Wilson’s Remarks About Rimbaud.
        (On trouvera des liens aux 2 textes sur cette page :
        https://www.hhimwich.com/hughlings_himwich/rimbaud/
        Textes en anglais, mais je crois que J. Darras a traduit le poème.)
        M. L. en aura peut-être parlé avec ses interlocuteurs français ?

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      • elena..Selon, les critiques universitaires anglo-saxons, c’est dans « Lunar caustic » qu’on pourrait identifier une influence directe de Rimbaud sur Lowry… Je n’ai pas lu ce texte. Mais la rébellion individuelle si violente, systématique et systémique de Rimbaud, son impertinence majeure -si jubilatoire!- ,l’idée de « réinventer l’amour »,de « changer les paysages » , le ton sarcastique ,la terrible goguenardise Rimbaldienne dynamiteuse, tout ça nous éloigne du Consul,à mon sens.
        Si on reprend ce que disent les deux lettres-manifeste du jeune Rimbaud , adressées l’une à Izambard et l’autre à Paul Demeny avec le « long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens » qui montre le caractère exploratoire rigoureux de la méthode Rimbaud,
        – qui en devient presque une obligation mystique, on voit bien que Rimbaud est tout tendu vers l’avenir selon une ligne droite. . étonnant ce sentiment qu’il donne de tendre tous ses efforts vers cette ligne droite pour accomplir quelque chose de sa vie. ça me semble bien diverger avec les dérives du Consul à la recherche d’une chemin introuvable et d’un sens introuvable malgré des signes et des indices. . Même si, pour les deux le christ et Satan jouent un rôle..mais ces deux là jouent un role dans tellement de grandes œuvres.. de Dante à Baudelaire..et dans une grande partie de la poésie anglaise.. j’aime le Rimbaud à Harar qui avec acharnement, veut mener son job de commerçant, de trafiquant d’armes , veut gagner beaucoup d’argent vite,et qu’on ne lui parle plus de ces âneries litérraires..de sa jeunesse.. Le trait d’union entre le jeune poete et l’explorateur silencieux il est dans un même acharnement, un volontarisme de fer. mais dirigé sur d’autres objectifs, et notamment, dan,s les années 87-89 pour égaler et le savoir des explorateurs européens avec leurs titres , et leurs communications scientifiques à Londres ou à Paris . ..Il veut bluffer les éminents scientifiques. Quel rapport avec Firmin Geoffrey?.. le Rimbaud lucide, discipliné, qui potasse des dicos de langues qui s’initie à la photographie, , qui manifeste une discipline et un acharnement d’ethnologue. c’est assez loin du Consul et de la problématique exposée dans « au dessous du volcan » .Mais tout peut se discuter..

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  15. L’ex consul se noie dans l’alcool pour de multiples raisons mais principalement parce que sa femme le trompe et surtout l’a quitté. Le consul porte en lui les ferments destructeurs d’un romantisme (mort ou dépassé, je crois bien, lorsque Lowry écrit).
    Il crève d’amour et de désamour, de l’union et d’un couple impossibles, de l’alcool.
    Il se détruit dès le matin à grands coups de mescal (pas cher) pour ne pas voir le réel, le dépasser, tenter de le transcender a des visions, se croit porter par elles, se réfugie et se perd dans les jardins du bien et du mal, de l’ordre et du chaos. se leurre. se casse la gueule. finit dans un trou.

    Autant Rimbaud à force de se dérégler nous offre « une saison en Enfer » ou supérieurement les « Illuminations ».
    Autant Lowry à force de se démolir nous livre « le Volcan ».

    Autant le Consul n’a pas cette force transformatrice de l’artiste sous substances. Il ne fait rien de cette matière phénoménale que le cerveau malmené engendre dans l’ivresse (je ne sais pas moi, ces musiques, ces fanfares, ces trompettes de la Renommée, ces discours, ces fleuves, ces discours-fleuves, ces trains, ces tourbillons, ces lumières, ces poèmes). Il ne lui en reste rien. Il n’en fait rien. Parfois, si, mais il n’aboutit à rien … si ce n’est finalement, (ironie) à mourir sous les coups d’un fasciste mexicain – – quand même – – rattrapé par l’Histoire (?), alors qu’il se nourrissait d’ hallucinations, de mythes …

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    • Oui pour la différence entre Lowry « productif » & son personnage sans œuvre.
      Mais peut-on tt à fait feindre d’ignorer le « jeu » de l’auteur avec la représentation d’un alter ego dégradé (même déglingue, mais stérile), portrait de l’artiste en pire ? (Sans s’appesantir sur le fait que ce qui ns paraît évident a posteriori (réalisation du projet) ne l’était peut-être pas autant à ts les stades de la composition & de l’écriture. Le destin aurait pu prendre l’aspect d’un incendie)
      Plus généralement.
      Il me semble que la justification interne, apportée par l’auteur, justification psychologique &/ou historique, idéologique, etc., d’un comportement crucial du protagoniste, de caractéristiques, essentielles, relève de « l’illusion réaliste ».
      (Ce n’est pas une tare : il ns serait difficile de ns intéresser à des romans ds lesquels TOUS les comportements de TOUS les personnages paraîtraient parfaitement arbitraires, totalement obscurs, incompréhensibles.)
      Le texte de Under the Volcano suggère différentes raisons (= explications) vraisemblables en fournissant des informations sur le passé de G. Firmin.
      Mais il semble bien que certaines des raisons/explications qui paraissent aujourd’hui si puissantes (& encore une fois, si évidentes) aient été modifiées en cours de route : ds les 1ères versions, le personnage d’Yvonne était la fille du consul (je l’ai appris aujourd’hui…)
      Quoi qu’il en soit, je ne vois pas pourquoi ce vraisemblable, qui fonctionne sur un plan donné, interdirait à l’auteur d’avoir par ailleurs (sur un autre plan) recours à des éléments spécifiquement littéraires &/ou culturels, mythes, allusions, échos, reprises ou variations, qui « étoffent » le texte sur un autre plan qui n’est pas celui de l’anecdote (qui ne peut pas être paraphrasé, qui résiste à la paraphrase, la dimension ds laquelle la paraphrase de l’histoire racontée (il a fait ceci, bu tant de verres, été à tel endroit, & alors…) apparaît comme un appauvrissement, une simplification terriblement réductrice du texte lu). Ces aspects, ces plans, ne s’excluent pas mutuellement, ils s’articulent.

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      • elena/Nescio quand vous écrivez: « Il me semble que la justification interne, apportée par l’auteur, justification psychologique &/ou historique, idéologique, etc., d’un comportement crucial du protagoniste, de caractéristiques, essentielles, relève de « l’illusion réaliste ».
        (Ce n’est pas une tare : il ns serait difficile de ns intéresser à des romans ds lesquels TOUS les comportements de TOUS les personnages paraîtraient parfaitement arbitraires, totalement obscurs, incompréhensibles.) je ne comprends pas du tout ce que vous voulez dire.. désolé.

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  16. Est-ce que ces « Mains d’Orlac « ne renvoient pas un peu à l’artiste, à travers la figure de ce pianiste virtuose qui craint de s’être fait greffer des mains d’assassin? Ambiguïté que lève seule la dernière ligne du texte de Maurice Renard.( Mais le film?) Auquel cas on a affaire à deux êtres pourris de l’intérieur, l’un n’osant plus jouer, et l’autre n’étant que la caricature de lui-même.avant le naufrage final. Orlac serait une mise en abime de Firmin, alias Infirm,,, Il faudrait voir précisément dans quelles séquences le film surgit. Je n’ai pas non plus renouvelé la traduction époque Nadeau

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    • Ce que j’y verrais pour ma part (ou ce que j’y mettrais, qui sait ?) :

      Un artiste, certes, mais frappé (mutilé) précisément ds ce qui est indispensable à son art — en l’occurrence, les mains.
      L’absence de « solution » facile : non, contrairement à ce qu’assurent ceux qui vs enjoignent de « positiver » (& les chantres positivistes du progrès technoscientifique) il n’y a pas qu’à … (remplacer les mains — ou avoir recours à la chimie &/ou à l’auto-discipline pour faire preuve de résilience, surmonter sa « déprime », se libérer d’une dépendance, « faire son deuil », bref remonter la pente).
      Une image de notre culpabilité : nous avons les mains rouges.
      L’exploration littérale d’une forme de clivage &/ou de pensée magique enfantine : ce n’est pas moi qui ai frappé, c’est ma main (sous-entendu : je ne voulais pas faire mal, c’était plus fort que moi). Variation sur ce qui agit en moi qd je fais le mal que je ne voudrais pas (en plus de ne pas faire le bien que je voudrais). L’écart (le gouffre ?) entre mes (bonnes) intentions, mes résolutions, mes objectifs & ce qui se produit.
      (D’accord, pas forcément une version de « Je [enfin une partie de moi] est un autre ». Rien à voir.)
      Un triangle autour d’une autre Yvonne.

      1ère mention du film dès le 1er chapitre (Laruelle se réfugie ds l’entrée du cinéma pour échapper à l’orage & aux torrents de pluie) : « An artist with a murderer’s hands; that was the ticket, the hieroglyphic of the times. »
      (L’artiste Laruelle ou le consul — peut-être coupable d’un crime de guerre évoqué de façon détaillée qq pages plus loin).
      Le ton est donné, mais est-il modifié par la suite ? (Combien de visions ou d’échos successifs, à quels moments, de quel pt de vue ? je ne fais malheureusement pas avancer la question.)

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  17. Paul Edel, je ne crois pas avoir écrit que ce rapprochement proposé par M.-P. Fouchet (01:39 à 02:05) allait de soi, qu’il s’imposait.
    Je n’y avais pas pensé avant de l’entendre (je n’y aurais pas même pensé si MPF ne l’avait pas mentionné).
    Mais puisque je ne me suis pas contentée de faire passer le lien, & que j’ai repris cette mention de Rimbaud ds mon commentaire, ce que je n’aurais certainement pas fait si je l’avais trouvée particulièrement malavisée, non pertinente, totalement « à côté de la plaque », il est normal que j’aie à en répondre.
    (Même si j’aurais évidemment préféré une contestation moins explosive &, en apparence du moins, méprisante.)

    Le fait de ne pas y retrouver d’emblée la confirmation d’une hypothèse personnelle, l’écho (précisé, perfectionné) d’une pensée qui me serait déjà venue, d’une idée que j’aurais vaguement ébauchée à la lecture, n’était pas rédhibitoire : n’avais-je pas complètement raté (ou oublié, mais cela revient au même) l’intertexte faustien, pourtant explicite & incontestable, lui ?
    Or l’un, le rapprochement suggéré par MPF, éclairait (pour moi) l’autre (la poursuite du grand œuvre), il paraissait même me permettre de l’intégrer au tout du livre en rendant ce thème (ou ce motif ?) cohérent avec l’histoire racontée (plutôt qu’un intérêt personnel (voire une marotte) introduit arbitrairement ds le récit). (On pourrait m’objecter que le besoin de cohérence & de « motivation » présente aussi des risques…)

    Il ne s’agit pas de prétendre (cela va peut-être mieux en le précisant) que le consul « ressemblerait » au poète puis aventurier/explorateur/trafiquant/interprète ds son tempérament ou sa trajectoire, ni que le personnage aurait été modelé sur lui. Ni d’ailleurs que le poème retrouvé sur l’envers d’un menu, sous l’addition (ch. XI) serait d’inspiration rimbaldienne.
    Mais que la figure du poète, devenue plus ou moins mythique, pourrait jouer un rôle (& aussi être utilisée comme prétexte, alibi ?) ds l’esprit du personnage qui partagerait cette fascination avec son auteur.

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  18. OK J’exagère … Il y a tout un passage sur l’alcoolisme du consul comparé à un rituel d’initiation qui est plutôt intéressant.
    et un autre sur les mirages du consul : son grand livre, ses révélations sensationnelles sur l’Atlantide, sur l’alchimie.
    … je l’avais totalement oublié : Geofffrey Firmin travaille à une grande oeuvre. qui ne verra jamais le jour.
    Ravages de l’alcool qui lui procurent des visions, et le propulse dans le « cosmos » mais le rendent impuissant en tout.

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  19. Paul edel, je n’avais pas vu votre message de 12:26
    en effet, on ne peut pas dire que ma réponse à Margotte soit vraiment limpide.
    Une lointaine resucée, assez confuse, d’éléments de « Vraisemblance & motivation » — l’illusion réaliste dissimulant au lecteur « l’arbitraire du récit », son caractère d’artefact, ni spontané ni naturel, l’existence d’un artisan à la manœuvre, l’auteur/constructeur du récit (& qui veut arriver qq part, aboutir à qqch).
    Contrairement aux apparences (du pt de vue du lecteur), c’est POUR QUE les protagonistes meurent (& de telle façon) que les auteurs d’Hamlet, de Mme Bovary & de Under the Volcano ont introduit tel épisode, telle donnée (la notion de « déterminations rétrogrades »).
    Parce qu’il y a imitation de la vie (efficace, réussie), parce que le comble de l’art c’est de dissimuler l’art(ifice), ns sommes tt étonnés qd, plop ! , la bulle magique ns éclate au nez : comment ça, le personnage d’Yvonne devait d’abord être la fille du consul ?
    Bon, on m’a assez entendue.

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  20. Bonjour,

    Quels conseils pourriez-vous donner après avoir lu le vent, d’avoir été époustouflé et d’avoir lu Au dessous du volcan, livre qui a changé ma vie. Boulversé.

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